Chapitre 24 : Questionnements

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Lille, septembre 2021

Annabelle m'a envoyé une petite vidéo commentée des lieux dès qu'elle est arrivée à Cordoue. Elle y a ajouté un petit commentaire « A montrer à papy et mamy », mes parents ayant parfois encore un peu de mal avec l'utilisation des réseaux, surtout que ceux-ci ont eu tendance à se multiplier ces dernières années. Elle m'a offert une visite virtuelle de toutes les pièces et j'ai pu voir une grande chambre, suffisamment spacieuse pour y recevoir des amis en toute tranquillité et des locaux partagés qui semblaient fonctionnels et bien rangés. On s'est ensuite parlé en visio vendredi soir et elle m'a raconté comment étaient ses voisins de chambre et l'ambiance à l'université. Elle semble heureuse et elle regrette que je ne puisse pas venir la voir. Je ne lui ai pas dit que je regardais régulièrement les opportunités de départs car j'ai peu d'espoir, avec la montée du prix des carburants, les prix cassés en dernière minute sont de plus en plus rare.

Son amie Hélène l'a accompagnée chez son père et elle en a profité pour lui montrer les lieux qu'elle aimait lorsque nous vivions là-bas. Cela me rassurent qu'elles voyagent à deux. Son père lui a dit que sa mission au Brésil touchait à sa fin et qu'il essaierait de venir la voir le week-end avant son départ. Annabelle m'a informé qu'il viendrait seul et que Cristina ne l'accompagnerait pas non plus en Roumanie. Elle m'a ainsi confirmé qu'il devait passer à Paris au début du mois d'octobre. Je me demande ce que Jean veut me dire en face à face qui ne pouvait pas être abordé en visio. Peut-être qu'Édith a raison, qu'il veut que je revienne maintenant que sa Cristina ne veut pas le suivre. J'appréhende cette rencontre et son coté imprévisible qui ne me permet pas de me préparer.

J'apprécie la proposition d'Arturo de me rejoindre à Lille pour me soutenir mais je pense que se serait plus facile pour moi si je réservais un billet pour le rejoindre juste après le départ de Jean. Je n'aimerais pas qu'ils se croisent. J'ai besoin d'affronter cette étape seule, d'être la seule aux commandes de ma vie. J'ai trop longtemps suivi Jean sans me poser de questions. Et j'aurais l'impression de me montrer impolie si je demandais à Arturo de s'éloigner pour me laisser seule avec Jean, même s'il dit qu'il comprend et qu'il a de quoi s'occuper si nécessaire.

Je sais qu'Édith sera là pour me remonter le moral si j'en ai besoin, pour le moment du moins. Elle a de plus en plus envie de repartir alors que moi, au contraire, j'ai besoin de rester maintenant que je suis rentrée au pays. Je redoute que son départ soit inévitable à plus ou moins court terme mais je pense que c'est un besoin pour elle, une nécessité pour avancer dans sa propre vie. Et même si cela me fait de la peine, je vais l'encourager à aller de l'avant comme elle le fait pour moi, je lui dois bien cela. Écrire les moments partagés, ses conseils et encouragements, c'est une façon de la garder un peu près de moi. Et même si je ne doute pas que nous resterons en contact via les réseaux sociaux, ce ne sera plus la même chose.

Ma fille me manque toujours mais, curieusement, le syndrome du nid vide commence a s'estomper. J'ai compris que même si elle rentrait en France, ce ne sera plus comme avant et que les moments partagés seront de plus en plus rare. C'est la vie... Édith a raison de m'encourager à penser à moi et à tout ce que je pourrais faire lorsque mon rôle de mère ne prendra plus toute la place dans ma vie. Mais pour le moment, je vois juste un grand vide et une montagne de difficultés à surmonter. Je suis contente qu'Arturo m'offre une petite lumière au bout du tunnel, mais cette petite flamme me semble encore fragile et ma mauvaise expérience avec Jean me pousse à ne pas trop y croire. Ma raison risque bien de reprendre l'ascendant sur ces sentiments naissants et Édith risque ne plus être à mes cotés bientôt. Une cousine m'a un jour dit qu'il fallait désapprendre le mode de fonctionnement de son ancien couple lorsque l'on veut en construire un nouveau. Elle a l'air heureuse avec son nouveau compagnon, peut-être que je devrais aussi partager mes questionnements avec elle.

Lorsque je me relirai, mes pensées me sembleront sans doute confuses. Mais n'est-ce pas un des objectifs d'un journal intime : pouvoir se relire une ou deux semaines plus tard et essayer d'y voir un peu plus clair dans sa vie. Je sais qu’Édith a raison de m'encourager à me lancer dans une nouvelle vie et à prendre des risques mais, j'ai toujours préféré la sécurité. Tant que la procédure de divorce ne sera pas enclenchée, il restera un filin de "comme d'habitude" et de "terrain connu" qui me retiendra et m’empêchera d'avancer.

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