Partie fine
Toulouse, mardi 4 février
Comme demandé par l’adjudant, Laurent Ducros avait pris contact avec la société Carmes FM. Tiago Mendes, son gérant, avait confirmé assurer l’entretien et la gestion de l’appartement de l’avocat, rue Monplaisir. Il avait également déclaré avoir envoyé une personne de son équipe le lundi 16 janvier, suite à la location de fin de semaine. Il n’était toutefois pas en mesure d’aider le maréchal des logis, n’ayant pas eu l’occasion lui-même de se rendre sur les lieux depuis longtemps. Il avait toutefois proposé au gendarme de rencontrer Amina Boussaid, en charge de ce logement. La condition était toutefois qu’il se déplace dans les locaux de Carmes FM, l’employée n’étant pas en mesure de se rendre à Gaillac par ses propres moyens.
Ducros et Marchand avaient donc repris la route de Toulouse en fin d’après-midi. Les locaux de la société Carmes FM étaient, sans surprise, situés dans le quartier éponyme. Les bureaux étaient plutôt modestes, deux pièces dans un immeuble ancien situé rue Pharaon. Mendes précisa toutefois aux gendarmes qui s’étonnaient de l’exiguïté des lieux, que la société disposait également d’un dépôt dans le secteur de la Glacière, où ils entreposaient leurs véhicules et matériels d’entretien. Le gérant fit entrer les deux militaires dans son bureau où attendait une femme d’une cinquantaine d’années.
« Voici Amina Boussaid, c’est elle qui est en charge de l’appartement de Maitre Duvigeon, depuis combien de temps déjà ? interrogea Mendes.
— Ça va faire bientôt trois ans, répondit la femme.
— Ces Messieurs, reprit le gérant en désignant les deux gendarmes, ont des questions à propos de la dernière location, le week-end du 14 janvier. »
Amina Boussaid regarda les deux hommes en uniforme, visiblement intimidée et inquiète.
« Rassurez-vous, déclara Ducros, vous n’avez rien fait de mal, Madame, et votre société non plus d’ailleurs, Monsieur Mendes, nous nous intéressons aux personnes qui ont loué cet appartement et à ce qu’ils y ont fait. Pourriez-vous nous dire dans quel état se trouvait le logement quand vous y êtes arrivée le lundi ?
— C’était un peu en désordre, commença Amina, la vaisselle, les bouteilles vides… Ils n’avaient rien nettoyé.
— Ce n’est pas comme ça normalement ? demanda Marchand.
— Non, les touristes, quand ils s’en vont, ils font du rangement, ils nettoient un peu. Généralement ils descendent la poubelle. Là, rien, ils avaient tout laissé.
— Diriez-vous qu’ils étaient nombreux dans l’appartement ?
— Il y avait plein de verres sales, et des bouteilles vides aussi, beaucoup.
— Quel genre de bouteilles ?
— Des bouteilles de vin, et du champagne aussi, au moins une dizaine.
— Ils avaient utilisé la cuisine ?
— Non, je ne crois pas, il n’y avait pas de casseroles, mais plusieurs cartons vides, avec les noms des magasins, des noms connus de Victor Hugo.
— Vous voulez dire des traiteurs du marché ?
— Oui, c’est ça. Souvent j’en retrouve un ou deux, des gens qui se sont fait plaisir dans une pâtisserie par exemple, mais là, il y en avait beaucoup.
— D’accord, vous pensez qu’ils ont fait un diner avec plusieurs autres personnes, c’est bien ça ? demanda Ducros.
— Oui, mais il y avait d’autres choses. Ils avaient déplacé des meubles, comme pour faire de la place. Le canapé était contre le mur, normalement il est au milieu du salon. Les fauteuils aussi étaient poussés.
— Et les chambres, combien y en a-t-il, demanda le gendarme.
— Deux, mais c’était un peu curieux, les lits étaient dérangés, mais je crois qu’ils n’avaient pas dormi dedans. Comme s’ils s’étaient juste couchés dessus, vous voyez, les dessus de lit froissés, mais pas enlevés.
— Je vois, fit Ducros qui commençait à percevoir un schéma. Avez-vous remarqué d’autres choses ? Vous avez dit qu’ils n’avaient pas emporté les poubelles. Y avez-vous trouvé des choses particulières ? »
Amina Boussaid baissa la tête, visiblement gênée.
« Vous pouvez tout nous dire, ce n’est pas vous que nous jugerons, proposa Ducros pour la rassurer.
— Et bien, il y avait plusieurs, comment on dit en français pour des wāqī ? bredouilla la femme en regardant son patron.
— Je crois qu’elle veut dire des préservatifs, suggéra Mendes.
— Plusieurs, vous diriez deux ou trois ou plus ?
— Plus, au moins sept ou huit.
— En effet, ça fait beaucoup remarqua Marchand.
— Monsieur Mendes, demanda Ducros, savez-vous si cet appartement est souvent loué pour des rencontres particulières ? Vous me comprenez.
— Vous voulez dire pour des partouzes ? explicita le gérant.
— Oui, c’est cela.
— Je ne peux pas vous dire avec certitude, il est certain que ça doit arriver de temps en temps, à cet endroit ou ailleurs, mais je ne dirais pas que c’est une habitude, d’ailleurs Amina l’aurait remarqué.
— Je suppose que vous avez tout jeté, demanda le gendarme à la femme de ménage.
— Oui, bien sûr, pourquoi est-ce que j’aurais gardé ça ?
— Je voulais juste en être sûr, conclut Ducros. Je crois que vous nous en avez assez appris. Nous n’allons pas vous retenir plus longtemps. Merci de votre collaboration. »
Dans la voiture, sur l’autoroute du retour, Laurent Ducros appela Keller pour le tenir informé de ce qu’ils avaient découvert.
« Je crois que le schéma se précise, résuma l’adjudant. Le dentiste a loué cet appartement en vue d’une soirée libertine. Je comprends mieux pourquoi il n’a pas voulu me donner de noms. Les Martinez étaient sans doute invités à cette soirée, mais par qui ? Et pourquoi n’ont-ils pas quitté cette soirée avec leur voiture ? Je pense que nous allons prévoir une perquisition à leur domicile. Je vais informer la substitute. »
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