Interrogatoire

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Gaillac, lundi 10 février

À la suite de la perquisition, Marc Keller avait téléphoné au dentiste afin de l'avertir de sa convocation prochaine. Bien entendu, Chastaing avait protesté que son emploi du temps ne lui permettait pas de se libérer aussi rapidement, mais l’adjudant s’était assuré que le lundi, il ne prenait pas de rendez-vous. Il avait suggéré qu’il pourrait aussi envoyer deux gendarmes pour le ramener de son cabinet et la discussion s’était arrêtée là.

En attendant l’heure du rendez-vous, Ducros informait son supérieur de ce qu’il avait pu découvrir dans l’ordinateur saisi chez les Martinez.

« L’ordinateur en lui-même ne nous a pas apporté grand-chose, il n’y a rien de particulièrement remarquable sur le disque dur, à l’exception de quelques photos plutôt déshabillées de Julia Martinez. Il n’y en a pas beaucoup, juste trois ou quatre, et pas vraiment pornographiques. Par contre, elles sont assez récentes, décembre dernier.

— Tu as regardé le carnet d’adresses ? demanda l’adjudant.

— Oui, mais rien d’utile à ce stade. Je n’ai pas trouvé ce Chastaing, même pas ses initiales. Il n’y que des prénoms, sûrement la famille ou des amis, quelques entreprises ou commerçants et rien d’autre.

— Tu as parcouru les courriels ?

— Oui, rapidement, les collègues vont passer tout au crible avec des outils spécifiques. Les messages sont tous restés non lus depuis la date du 11 janvier, à 20 heures. Sûrement le moment où ils ont quitté leur domicile. Je suis remonté sur les quelques jours précédents, rien en rapport avec cette soirée. Ce n’est pas par mail qu’ils ont reçu l’invitation, ou alors sur une autre messagerie.

— C’est pas impossible, commenta Keller, ils peuvent avoir cloisonné leur vie.

— Dans l’agenda, à la date du 11, il y a juste un bloc réservé, de 21 heures à minuit, sans titre ni commentaire.

— Tu as pu accéder à l’historique des recherches web ?

— Oui, ce gars n’est pas parano, il n’y a aucun outil de nettoyage sur son ordi. Il a consulté pas mal de sites libertins, des clubs du coin visiblement, et cette fameuse messagerie, le Réseau Rose.

— Vous avez réussi à y accéder ?

— Non, pas encore, les techniciens travaillent dessus, mais ils vont y arriver, j’en suis certain.

— Tu as pu te renseigner sur le site ?

— Pas facile, l’hébergeur n’est pas en France, et il manque des informations qui sont normalement obligatoires, mais ce n’est pas rare. Pas de nom ni d’adresse de contact. Là aussi, les collègues sont sur le pont, ils vont contacter les services spécialisés.

— D’accord, j’aurais aimé avoir des éléments avant d’interroger le dentiste, regretta Keller. Tu as pensé à demander les fadettes du couple ?

— Oui, j’ai reçu les réquisitions de Marques vendredi après-midi. J’espère que l’on aura les réponses dans un jour ou deux. Julia Martinez avait un abonnement chez Orange, associé à leur box internet. Lui avait un portable professionnel, le compte est au nom de sa boîte chez SFR.

— Pas d’autre lignes ?

— Pas que je sache, on n’a rien trouvé dans les papiers du couple. Tu crois qu’il aurait pu avoir un prépayé ?

— Pas impossible, s’il avait tout séparé. J’ai pensé à un point, ajouta l’adjudant, il faudrait consulter les fichiers pour voir si on a enregistré d’autres disparitions similaires dans la région.

— Je m’en occupe, répondit Laurent Ducros, avant de quitter le bureau. »

Deux heures plus tard, Keller fut informé que deux personnes étaient arrivées pour le rencontrer. L’adjudant demanda au réceptionniste d’accompagner les visiteurs jusqu’à son bureau.

« L’adjudant Keller, annonça le gendarme en introduisant le dentiste et un autre homme.

— Maitre Bardoux, je représente le docteur Chastaing, commença le dernier entré.

— Asseyez-vous, je vous prie, proposa le gendarme.

— Vous savez que mon client a un agenda très chargé, reprit l’avocat, j’espère que vous avez de bonnes raisons de nous convoquer aussi loin !

— J’agis sur réquisition du parquet d’Albi. Je souhaite entendre le docteur Chastaing en audition libre pour le moment, à propos de la disparition de deux personnes qui ont participé à une soirée qu’il a organisé à Toulouse le 11 janvier.

— Il n’y a aucune loi qui interdise d’organiser des soirées privées, objecta l’avocat.

— Non, en effet, mais nous aimerions connaître les noms des autres participants. Votre client m’a dit qu’ils étaient dix. C’est bien cela Docteur ?

— Oui, en effet, répondit le dentiste qui n’avait encore pas prononcé un mot. Comme je vous l’ai dit, je ne peux pas mettre dans l’embarras des personnes honorables.

— Je sais que vous n’êtes pas obligé de me répondre à ce stade, mais sachez qu’il serait probablement peu opportun de vous opposer au déroulement de notre enquête. Je présume que Maitre Bardoux se fera un plaisir de vous expliquer ce qu’est le délit d’entrave à la justice. Si nécessaire, je peux continuer cette conversation sous le régime de la garde à vue, au motif de complicité d’enlèvement.

— Adjudant Keller, il n’est peut-être pas nécessaire d’en arriver là, intervint Bardoux, Pourriez-vous me laisser un peu de temps pour discuter avec mon client ?

— Mais bien entendu, revenez me voir dans dix minutes, je vais prendre un café pendant ce temps. »

Les deux hommes sortis, Keller appela Ducros.

« Ça ne va peut-être pas être si facile, le dentiste est venu avec son avocat !

— Je te fais confiance, tu l’as menacé de la garde à vue ?

— Oui, et le cher Maitre a tout de suite réagi. Ils discutent en ce moment. Je te tiens au courant. »

On frappa à la porte. L’adjudant alla ouvrir.

« J’ai réfléchi, commença Chastaing. En fait, je ne connais pas vraiment les autres personnes, on utilise des pseudos entre nous, vous comprenez ?

— Oui, bien sûr, c’est tout à fait normal entre amis… et vous dialoguez comment ? Par mail ?

— Euh, non. Nous passons par un réseau de messagerie privée. Le Réseau Rose. »

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