Albi, lundi 17 février

Marc Keller s’engagea sous la voute monumentale de la caserne avant de garer la Clio bleue dans le cour intérieure. Il laissait généralement à Ducros les activités technologiques, mais savait tout de même où opéraient ses collègues techniciens. Un jeune gendarme vint l’accueillir à l’entrée du service.

« Nous avons réussi à forcer l’accès du site qui vous intéresse, déclara celui-ci après une rapide présentation. Il est construit comme la plupart des plateformes de ce genre, mais techniquement, il n’est pas très sophistiqué. Je dirais qu’il a été monté il y a au moins dix ans, et pas modernisé depuis.

— D’accord, répondit l’adjudant, qu’est-ce qu’on y trouve ?

— Il y a en tout une centaine de profils, ce qui est somme toute assez peu. De toute évidence, le site n’a pas été conçu pour gagner de l’argent. Il n’y a aucune publicité ni lien commercial. C’est juste un outil de messagerie et de contacts, pour un groupe restreint d’utilisateurs, d’ailleurs, la création de compte n’est pas ouverte. Il faut être parrainé.

— Vous avez pu regarder ce qui concerne le couple disparu ?

— Oui, du moins pour la partie encore visible, il se peut qu’ils aient effacé certains messages. La création du compte est assez récente, vers la mi-décembre. La dernière connexion date du 10 janvier.

— C’est la veille du jour où ils ont disparu, confirma Keller.

— Les conversations sur la messagerie sont assez limitées, trois ou quatre autres profils, pour la plupart des messages de simple courtoisie.

— As-tu remarqué quelque chose qui pourrait s’apparenter à un rendez-vous ?

— Pas une véritable conversation, mais le dernier message, le 10 janvier, contenait une adresse, rue Monplaisir à Toulouse.

— De qui provenait ce message ?

— Un profil nommé Bridge 31, répondit le technicien après avoir consulté une note.

— Bridge 31, ça pourrait être le pseudo d’un dentiste ?

— Pourquoi pas, en effet, acquiesça l’analyste.

— On a la possibilité de savoir qui se cache derrière ce compte ?

— On va essayer de remonter sur le serveur, mais ce n’est pas garanti. Laisse-moi encore un jour ou deux. S’ils n’ont pas ajouté trop de pare-feu, on a une petite chance, par contre, n’espère rien de l’hébergeur, le site est installé en Russie.

— Je pourrais naviguer sur ce site ? demanda Marc.

— Tu veux dire, en immersion ?

— Oui, pas depuis un ordi de la Gendarmerie bien sûr, précisa l’adjudant avec un sourire.

— Il vaudrait mieux que tu évites d’utiliser le compte de ton couple, si celui qui est à l’origine de leur disparition fréquente le site, il pourrait être alerté en les voyant réapparaitre. Je peux te créer un faux profil, s’ils ne sont pas trop parano, ça pourra tenir un moment.

— OK ! fais-le. Je vais en parler avec la substitute pour être complètement couvert. Tu peux me faire une extraction des contacts et des conversations des Martinez ?

— Pas de problème, ce sera dans ton mail avant que tu sois rentré à Gaillac.

— Merci, j’aimerais bien aussi que tu te penches en priorité sur les machines que Ducros a déposé ce matin. Il y a de fortes chances que tu retrouves ce même site dans l’historique.

— D’accord, je vais demander à un gars de s’y mettre tout de suite, je te recontacte demain. »

Marc Keller appela Laura depuis sa voiture. Après avoir écouté les premières conclusions, la magistrate valida la démarche d’infiltration de l’adjudant.

« J’oubliais un point, peux-tu autoriser le technicien à craquer le compte Bridge 31 ? Je suis à peu près sûr que c’est notre dentiste qui se cache derrière. »

Après Marques, l’adjudant appela Ducros.

« J’ai du nouveau, annonça le maréchal des logis. On a retracé le parcours des mobiles du couple Delcasse. On les suit de L’Herm jusqu’au parking Esquirol. Ils y restent quelques minutes puis on les retrouve dans le secteur du quai de Tounis et de l’avenue de la Garonnette. Là, les deux mobiles bornent jusqu’à une heure du matin, avant de repartir vers Lanta. Ils y restent à nouveau statiques jusqu’au matin, avant de s’éteindre définitivement. Il n’y a aucune communication après leur arrivée à Esquirol.

— Je sais que ça risque d’être fastidieux, mais essaie de me faire la liste des appartements en location saisonnière dans le secteur du quai de Tounis. Commence par la plateforme qui a été utilisée pour les Martinez. »