8 - C*
Moréna. Ce nom tourbillonnait dans l'esprit de la jeune Hanaé bien plus vite qu'une leçon de conjugaison. Elle se souvint de cette maudite sorcière qui gravitait autour de la Pivoine étoilée dans les histoires que sa mère lui contait. Cependant, aucun passage ne mentionnait que la vilaine Moréna avait réussi à obtenir ce joyau sacré, préservé par Dame Sylvina depuis des siècles.
La fillette faisait les cent pas, face à Fibber et Canopée qui la scrutaient circonspects, n'osant pas la sortir de ses pensées. Ils suivirent les allers et venues de la petite rouquine durant une bonne dizaine de minutes jusqu'à ce qu'elle s'arrête à leur niveau, l'air déterminé.
- Où puis-je trouver Moréna ?
Surprise, Canopée balbutia quelques syllabes décousues qui ne trouvèrent aucune harmonie rompant immédiatement le charme dont étaient pourvues les nymphes des forêts. Au-delà, Hanaé put lire la terreur dans ses yeux, ce qui augmenta les battements de son coeur. Et pourtant, elle demeura impassible face à ces créatures enchantées, désireuse de retrouver sa mère plus que tout au monde. Aussi, elle réitéra sa question avec plus de fermeté. Elle perdait un temps précieux et craignait que sa mère ne se soit retrouvée face à la terrible sorcière, reconnue pour sa méchanceté.
- Moréna se terre dans les anfractuosités de la Vallée Pourpre. On dit qu'elle y vit telle une ermite, cachée aux yeux de notre monde, préparant en secret une vengeance auprès de tous ceux qui l'avaient auparavant damnée, intervint l'un des fétauds qui ondulait gracieusement autour de l'Arbre des Dryades.
- Et avec la Pivoine étoilée, elle détient désormais tout ce dont elle a besoin pour assouvir sa vengeance, renchérit l'un de ses camarades, à ses côtés.
- Il est inconcevable que tu y partes seule, jeune enfant, insista Canopée, terrifiée par les réminiscences du meurtre de Dame Sylvina.
- Accompagnez-moi, lança innocemment la jeune enfant, impatiente de faire route vers la Vallée Pourpre.
Les expressions se figèrent d'effroi puis l'agitation vint rompre l'harmonie des lieux. Toutes les créatures volantes s'élancèrent dans les airs et virevoltèrent de manière désorganisée, cherchant un refuge, une cachette éloignée, à l'abri des réflexions de la jeune impétueuse. Hanaé regardait ce ballet désordonné qui s'offrait à elle, avec étonnement, les yeux écarquillés. Des particules dorées vinrent pailleter la voûte céleste, comme si une boule à neige venait d'être secouée, déposant des étincelles colorées sur les plaines verdoyantes des Terres d'Espérance.
- Que se passe-t-il, murmura la jeune fille.
- Ils ont la trouille, répondit Fibber de manière nonchalante. Depuis que tu es arrivée par ici, tu en as bousculé du monde, ma jolie !
- Je recherche simplement ma maman, conclut-elle, un trémolo dans la voix.
Alors que le chaos semblait avoir pris possession des lieux, Fibber contemplait cette pagaille un large sourire aux bords des babines. Il semblait se délecter de ce que la jeune Hanaé avait suscité auprès des créatures elfiques, des êtres pourtant si calmes et si sages.
Canopée s'avança et déposa ses deux mains sur les épaules de la jeune fille. Hanaé s'émerveilla en contemplant la nymphe coiffée d'une couronne de fleurs joliment décorée, un savant mélange de marguerites, de gysophiles et de coquelicots qui rehaussaient son teint de lait. À ses poignets, des bracelets émeraldins s'emmêlaient à la manière d'une longue liane végétale. Hanaé sortit de son admiration lorsque la nymphe lui glissa quelques mots afin de s'expliquer :
- Je suis navrée, chère enfant, mais ce périple n'est pas le nôtre. Nous avons déjà perdu notre Mère à tous, Dame Sylvina, et toute notre communauté est effrayée. Je crains qu'il te faille partir seule cependant je te déconseille de croiser le chemin de la sorcière. Son courroux est terrible et tu pourrais ne jamais revenir.
Hanaé déglutit.
- Je comprends mais ma mère doit être à la recherche de la Pivoine Etoilée, comme elle me l'avait promis et je dois suivre ses traces. Je n'ai pas d'autres choix que de me rendre auprès de Moréna.
- Tu sembles être sûre de toi.
La jeune fille hocha la tête vigoureusement. Elle était on ne peut plus déterminée. Aussi, la nymphe décrocha le collier qui ornait son cou et l'offrit à Hanaé.
- Accroche cette fiole autour de ton cou. Si tu te sens perdue, elle te montrera le chemin vers la destination de ton choix. Attention, tu ne peux l'utiliser qu'une seule fois. C'est la seule chose que je peux t'offrir, finit Canopée, un sourire effacé sur son visage de porcelaine.
La fillette la gratifia d'un "merci" avant de se poster devant Fibber, les mains sur les hanches :
- Alors, gros matou ! Quelle est la direction de la Vallée Pourpre ?
De ses gros yeux ronds, Fibber la regarda avec attention. Peu convaincu par cette prochaine balade à travers les terres obscures de Moréna, il se releva et dépassa la jeune fille en remuant sa queue touffue avec fierté, puis constatant qu'elle n'avait pas bougé d'un pouce, se retourna en lui lançant d'un ton hautain :
- Tu attends peut-être le convoi des colibris géants pour t'y amener ?
- Ils existent ? questionna la jeune fille avec entrain.
- Non !
Il leva les yeux au ciel et reprit sa démarche négligée, tournant le dos aux Terres d'Espérance, une expression satisfaite jusqu'au bout des moustaches.
Hanaé accourut à sa suite, encore abasourdie par tous les événements qu'elle venait de vivre.
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