Subjuguée par tant de beauté, Hanaé ne put décrocher son regard de la femme qui se tenait juste devant elle. Moréna ne ressemblait à aucune sorcière décrite dans les contes de fées. À demi humaine, elle arborait de longues et larges ailes de papillon zébrées de gris tout comme la queue de son compagnon de route, ce qui ne manqua pas à son attention. Elle portait une longue robe en velours pourpre qui renvoyait indubitablement au nom de la Vallée au sein de laquelle elle vivait. Sur son visage, des pommettes rosées coloraient son teint de porcelaine, le tout réhaussé d'un maquillage savamment dosé. Elle ressemblait à l'une de ces magnifiques princesses de ses histoires préférées et non à ces horribles marâtres qui lui faisaient peur. Moréna caressait ses longs cheveux noirs de jais qui retombaient en cascade sur son dos tout en détaillant la jeune fille. La chevelure réhaussée d'une couronne dorée sertie d'opales.

D'une voix mélodieuse, elle reprit le cours de la discussion, prête à en découdre auprès de son ancien compagnon de vie :

• Fibber, ne te serais-tu pas égaré dans les confins de notre monde ?

Le vilain chat déglutit. Effrayé, il enfonça ses griffes dans la jambe d'Hanaé qui se crispa légèrement. La jeune enfant comprit alors qu'il était effrayé par la sorcière et malgré ses mensonges, elle savait qu'elle ferait tout pour le protéger. Après tout, il l'avait guidé vers la Pivoine étoilée et elle lui en serait éternellement reconnaissant.

• Laissez le tranquille. Il ne vous appartient pas ! s'enquit la jeune enfant, volant au secours de son compagnon.
• Bien au contraire, il est tout à moi. Il l'était et le sera éternellement. Et toi, qui es-tu petite sotte ? renchérit la sorcière d'une voix sybilline qui dénotait avec le ton sévère employé.
• Je suis Hanaé. Maintenant, relâchez-nous !

Un rire s'échappa des lèvres rougies de la sorcière. Un rire qui résonna dans l'ensemble de la grotte, projettant ses notes en un écho sinistre. Hanaé, le coeur battant, camouffla ses émotions et garda son regard fixé sur Moréna.

• Mais tu es bien sérieuse ma jeune enfant ! Écoute-moi bien, fit-elle tout en s'approchant de Hanaé, ici, je suis la seule à fixer les règles. Les Grizzlins travaillent pour moi, Fibber est mon exclave et toi, tu rejoindras bientôt mes rangs.
• Non ! Laissez-moi tranquille, je suis ici pour retrouver ma maman.

Quelques larmes brûlantes dévalèrent les pentes de ses joues parsemées d'éphélides. Elle voulait se contenir mais l'absence de sa mère menaçait de la faire exploser en sanglots à tout moment. Une légère caresse de la part de Fibber suffit à lui faire oublier sa tristesse momentanément. Elle renifla puis tenta de se redresser autant que possible, coincée entre les mailles du filet qui les retenait.

• Et comment s'appelle ta maman ? questionna la sorcière d'une voix étrangement plus douce.
• Sélène.

Tandis que le visage de la sorcière s'illuminait, Hanaé sembla y percevoir une lueur d'espoir. Aussi, elle insista :

• Vous la connaissez ? Est-elle passée par ici ?

Les étincelles dans les yeux de l'enfant suffirent à égayer les sombres pensées de la sorcière.

• Sélène, dis-tu ?

La jeune enfant hocha la tête à plusieurs reprises, dans l'attente d'une réaction de son interlocutrice.

• Il se pourrait en effet qu'elle soit passée par ici...

Moréna virevoltait autour du sac de corde tout en faisant mine de réfléchir. Elle se délectait de la sensation du regard implorant que lui portait la petite, suspendue à ses lèvres carmin. Elle leur tourna finalement le dos, ses ailes papillonnant avec grâce et volupté.

• Je veux la voir ! S'il vous plaît, aidez-moi à la retrouver.

La sorcière s'arrêta puis se retourna vers Hanaé. Les supplications de la jeune enfant suffirent à la sorcière pour étirer ses lèvres, un sourire narquois sur le visage.

• Dans ce cas, peut-être que mon miroir magique saura t'aider...Il connait tout, il peut tout...avoua t-elle, une sombre idée derrière la tête.
• Ne l'écoute pas. Moréna est une femme sournoise et maléfique. Son miroir est un monstre démoniaque. Tout ceux qui se sont approchés de lui...

Fibber n'eut pas le temps d'en dire plus qu'il fut éjecté sur le sol sans plus de délicatesse. La sorcière venait de les libérer de leur filet d'un coup de baguette magique, une sorte de bout de bois tout biscornu, auréolé de petits champignons tout aplatis.

Continuant de virevolter au-dessus de Fibber et Hanaé, elle leur intima de les suivre. Le chat fixa la jeune enfant, le regard pétrifié, la queue clignotant telle une alarme lumineuse. Cependant, la jeune fille était tellement aveuglée par le désir de retrouver sa maman, qu'elle ne se préoccupa pas des états d'âmes de son acolyte.

Elle s'élança à la suite de la sorcière avec empressement, laissant derrière elle Fibber, les épaules affaissées. Voyant Moréna et Hanaé s'éloigner dans les profondeurs de la grotte, il souffla bienheureux d'avoir échappé à la terrible sentence que Moréna réservait aux déserteurs et qui plus est aux voleurs. Cependant, cet apaisement fut de courte durée, lorsqu'il sentit les griffes acérées de Frillbig qui le poussaient fermement à quitter les lieux pour rejoindre leur maitresse adorée.