Chapitre 19 : Lendemain
Les premiers rayons du soleil chatouillèrent les yeux clos de Matt et l’extirpèrent avec douceur de son sommeil. La porte d’entrée, barricadée la veille, était ouverte. Il leva la tête et jeta un coup d’œil sur ses amis. Ils dormaient, excepté Andrew qui n’était pas là. Le jeune homme se débarrassa de sa couverture et se mit debout pour prendre l’air. Son compagnon était sur le côté, adossé à la cloison.
– Bien dormit le prince charmant ? demanda ce dernier.
– Nickel, je n’ai même pas fait de mauvais rêves. On fait un tour ?
Andrew acquiesça.
Les deux amis se dirigèrent vers la grande terrasse où des gens déjeunaient dans le calme. Marlo était là et leur fit un signe de la main.
– Venez vous sustenter mes amis !
Ils se mirent à côté de Marlo. Mélissa, juste en face, ne leva pas les yeux sur les deux arrivants. Le chef du village leur tendit un panier de fruits et ce qui ressemblait à du pain de mie.
– Avez-vous bien dormi cette nuit ? demanda-t-il.
– Comme un mort, dit Andrew.
– Rien à signaler ? enchaîna Matt.
– Non. Une nuit quiet.
Il croqua dans une pomme avant de reprendre.
– Aujourd’hui, nous allons chasser. Voudriez-vous vous joindre à nous ? Ce serait l’occasion de vous acclimater à votre nouvel environnement ?
– Avec plaisir, répliquèrent en cœur les deux amis.
– J’espère que tu ne feras pas le guignol, déclara Mélissa en regardant Andrew d’un air agressif.
– Sache que je t’emmerde ma belle sorcière, répondit-il en inclinant sa tête dans un geste de révérence.
Elle se leva pour le gifler, mais ce dernier l’esquiva avec agilité.
– Mélissa ! Il suffit ! Je t’ai déjà dit que ton attitude provocatrice était paillarde ! Ne sème pas la discorde entre ces jeunes gens !
– Dois-je me laisser insulter de sorcière ?
Marlo bondit sur ses jambes et fit tomber la chaise derrière lui :
– Veux-tu que je te bannisse ? Ne me nécessite pas à le faire s’il te plait !
– Excuse-moi Marlo, dit-elle d’une voix pleine de peur.
Elle quitta la table en pleurs.
– Mince, je suis désolé, dit Andrew avec sincérité. Je ne voulais pas la faire pleurer. Je déteste ça…
– Elle est fougueuse et sanguine. Ça lui passera. N’y prends pas ombrage.
– Marlo… J’aimerais consulter ce fameux livre dont parlait Francis hier, dit Matt.
– Biensure. Finissons de manger et je vous mène à sa bibliothèque.
Le petit déjeuner terminé, ils se dirigèrent à l’autre bout du village et entrèrent dans une demeure. Francis y écrivait à l’aide d’une longue plume qu’il trempait dans un encrier. Il se leva à leur arrivée, tout sourire.
– Salut les gars, fit-il en leur serrant la main avec vigueur.
Matt regardait l’écriture verte laissée sur le papier jauni.
– Oui, nous n’avons pas d’encre traditionnelle ici. J’ai créé moi-même ce produit à l’aide d’algue verte que l’on trouve sur les rochers de la rivière. Je l’ai concentré et elle est indélébile ! On dirait de la vraie.
– C’est ce que je vois, dit Andrew ébahi.
– Que me vaut votre visite ?
Il se gratta la tête et écarta les bras.
– Ah ben ouais, le livre, que je suis con. Tous les nouveaux veulent le voir. Asseyez-vous ici, dit-il en désignant une table et des chaises.
Francis ramena avec lui un petit ouvrage et le déposa devant lui.
– Il n’est pas très fourni. On en fait vite la lecture. Mais il regorge d’informations.
Il leur montra les croquis qui représentait les Grafous et les Kvônes. Leurs noms figuraient en haut de chaque dessin.
– Il y a une date sur le livre ? demanda Matt.
– Non-rien du tout. On ne sait pas quand a été écrit ce truc… Mais le papier est du papyrus. Ce n’est pas courant.
Il tourna les pages.
– Regardez, il est clairement relaté que la survie est l’élément minéral.
On voyait un être humain dans un torrent entouré par plusieurs monstres. Un peu plus loin, leur île était dessinée. En haut à gauche, était écrit : survie.
– Vous voyez, ce livre nous a bien aidés !
– Curieux que vous soyez tombé dessus au milieu de nulle part, dit Andrew.
– Comme si quelqu’un avait voulu que vous le trouviez… compléta Matt.
– C’est vrai. Je me suis dit exactement la même chose, enchaîna Francis. Mais peut-être un coup de chance ?
Les deux amis firent la moue.
Marlo restait interdit, les bras croisés.
La dernière page représentait une large rivière. On y avait annoté : passage retour.
– C’est quoi, ça ? cria Matt en bondissant sur l’ouvrage.
– Lisez, ce sera plus simple, répondit Francis.
« Cette rivière, située à quelques kilomètres au sud de l’île, vous mènera vers votre liberté. Il faudra plusieurs jours pour y naviguer afin de rejoindre une chute d’eau. Le parcours sera long et dangereux. Sous cette cascade se dissimule un passage. Il vous permettra de retrouver votre monde. »
Une brève carte représentait l’île, la rivière et le lieu de la chute d’eau.
– Mais vous n’avez pas été vérifier la véracité de cette rivière ? demanda Andrew.
– Si, souffla Francis, une fois. Une équipe de quatre personnes. Ils sont tous morts ! On est bien trop loin de cette rivière. Il faut deux jours pour y aller, sans aucune protection ! Il n’y a pas d’autres points d’eau sur le parcours !
– Vous me trifouillez les sangs avec cette histoire, s’emporta Marlo. Ce lieu est une affabulation !
La petite Marie, qui s’était glissée dans la pièce sans un bruit, prit la parole.
– Il existe, dit Marie avec précipitation. Je le sais. Je l’ai rêvé. Il se situe à plusieurs jours d’ici derrière une chute d’eau.
Marlo pinça le nez.
– Cette petite est une hurluberlue. Elle déborde d’imagination. Mélissa et toi, vous faites une belle paire de conteuses.
– Et pourtant, dit Francis, je ne pense pas qu’elle ait tort.
– Francis ! Ne t’y mets pas aussi. Je t’en prie.
– Tu vois bien toutes ces notes non ? Marie a eu des visions de ce même lieu !
– Et tu te laisses pateliner par ses ganacheries ! Tu n’es plus un enfant, mon dieu Francis !
Ce dernier secoua la tête de dépit.
– Je ne sais pas si ce sont des conneries ou pas. Mais, elles ont été rédigées à la main par quelqu’un qui semblait vraiment sincère.
– Billevesée ! tonna Marlo.
– Marlo s’emporte à chaque fois lorsqu’on parle de cet endroit, dit Francis en s’adressant à Matt et Andrew.
– Ça vaut le coup de tenter l’aventure, dit Matt.
Marlo fulminait dans son coin et levait les yeux au ciel. Il sortit de la pièce telle une tempête.
– Eh bien, dit Andrew. Marlo n’aime pas qu’on ne soit pas de son avis. Il s’emporte vite sur ce sujet.
– Il est buté, dit Francis. Mais le fait d’avoir perdu quatre compagnons n’a rien arrangé.
Matt et Andrew prirent congé de Francis après l’avoir remercié.
De retour à leur baraque, ils expliquèrent aux trois autres la discussion qu’ils venaient d’avoir à l’instant avec Marlo et Francis au sujet du livre.
– Ce serait formidable de pouvoir retourner chez nous ! dit Jessica. Mais, peut-être ce ne sont que des bêtises écrites par un individu en mal d’aventure ?
Marie les avait suivis.
– Non, c’est vrai, je le sais. Je vois des choses dans mes rêves. Personne ne me croit. Pourtant, toi, tu devrais le savoir en tant que sorcière.
– Arrête avec cette histoire de sorcière. Je ne suis pas une sorcière. Combien de fois faut-il te le dire. Ce n’est pas parce que je suis rousse que j’en suis une !
– Dans mon monde, les rousses sont des sorcières et on les brûle pour cela afin d’éviter qu’elles n’amènent le mauvais œil !
– On n’est pas dans ton monde ici ! À ton époque, tout le peuple était manipulé par le clergé. On faisait croire n’importe quoi aux gens.
– Va le dire à Maman, dit la petite fille les larmes aux yeux.
Elle se leva et s’enfuit vers la rivière. Jessica voulut la rejoindre, mais Matt la retint.
– Vaut mieux la laisser toute seule. Elle est bien trop imprégnée par son époque. Il lui faudra du tout temps pour faire la part des choses.
– Pourtant je pense que cette petite a réellement des visions. En tout cas, j’espère que c’est vrai. Elle nous donne de l’espoir…
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