Chapitre 1
Giovanni Romano est assis à son bureau et travaille. Ses cernes témoignent de la longue semaine qu'il a eu. Une patiente l'inquiète particulièrement : petite fille de 4 ans, elle refuse de se remettre d'une vilaine pneumopathie.
Chaque jour, il ressent plus l'écart entre sa position privilégiée de riche fils de famille. Ses études ont entièrement été financées. Il n'a jamais souffert ni de la faim, ni de quelconque harcèlement; ni même de maladies, contrairement à tous ceux qu'il voit passer chaque jour.
Il baille, fatigué. La lumière de son ordinateur est désagréable. Aussi il le ferme et retire ses lunettes pour se frotter le visage.
- Elle doit être couchée.
Il n'a jamais souhaité se marier, l'amour ne fait partie de ses priorité. Mais, il n'empêche que rentrer tous les soirs à la maison et voir son beau visage est plutôy sympathique. Cela ne lui demande pas plus d'effort que d'ordinaire pour s'assurer de son bien-être.
- Aurora.
Fille de famille tout comme lui, elle n'a jamais attiré son attention. Elle ne sortait jamais ou quand elle le faisait, elle restait dans son coin, toujours surveillée par son père ou ses gardes du corps, l'air timoré.
Un seule fois, il l'avait vu rire et s'amuser. C'était à la soirée qui avait suivi le mariage. Probablement un peu ivre de quelques coupes de champagne, seule sous la pluie qui tombait, les bras écartés pour sentir l'eau couler sur sa peau nue, elle dansait pieds nus dans l'herbe. Depuis, il n'avait plus revu cette femme qu'il n'avait pu lâcher du regard et il lui arrivait de penser qu'il avait rêvé.
Depuis plus de trois mois qu'ils vivaient ensemble, il la croisait le soir au dîner mais c'était l'heure où elle partait se coucher. Elle lui sourait gentiment avant de quitter la pièce avec un bonsoir simplement murmuré.
Elle est sa femme, mais elle n'est rien de plus qu'une étrangère qui vit sous son toit. Cela ne le dérange pas vraiment, mais il espère tout de même qu'elle ne s'ennuie pas trop ou quoi que ce soit. Il a toujours été prévenant, qu'il n'aime ou pas la personne, avec ou sans sympathie particulière.
Du bruit en provenance de la salle à manger le détrompe. Contrairement à ses habitudes, elle n'a pas encore rejoint sa chambre pour passer la nuit. Cela tombe bien, il doit lui parler.
- Bonsoir Aurora.
- Bonsoir.
Vêtue d'un short et d'un t-shirt, les cheveux en bataille, elle a l'air détendue. Pourtant, quelque chose d'étrange, comme un sentiment de rejet à son égard l'envahit. Il le rejette, ne comprenant pas le mépris qui l'envahit sans raison.
- Je peux faire quelque chose pour toi ?
- Non. Je souhaite simplement te prévenir que je serai absent pour la semaine qui va venir.
- Toute la semaine oui. Ton père a appelé et m'a dit que tu viendrais chez eux pour le temps de mon départ ?
- Vraiment ?
Une émotion fugace traverse le visage de la jeune femme. Quelque chose qu'il ne parvient pas à identifier. Son mépris grandit quand il voit qu'elle n'a pas l'air heureuse de rentrer chez elle. Elle s'en fiche complètement.
- Voilà tout ce que j'avais à te dire, je ne te retiens pas plus.
- Merci.
Il est vraiment fatigué. Le fait qu'il ne parvienne pas à la déchiffrer ajouté à l'inquiétude ressentie pour la petite fille achève de l'énerver. Sans un mot de plus, il se sert un verre de vin avant de rejoindre son bureau.
Il essaye vainement de se concentrer sur ses dossiers, sans y parvenir. Il finit par se décider à aller prendre un bain pour se détendre. Il pousse la porte et un cri de surprise lui échappe.
Allongée dans la baignoire, la bouteille de rouge sur le sol, Aurora est plongée dans la mousse. Elle a oublié de fermer la porte à clé. Ce second évènement l'embête encore.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je me lave.
Sa voix d'ordinaire si calme est aggressive. Elle lui lance un regard noir qu'il ne comprend pas. Il n'a rien fait pour mériter cette colère inexpliquée.
Sous son regard médusé, elle avale une gorgée d'alcool à même la bouteille. Cette dernière, vide, roule sur le carrelage. Il fronce les sourcils. Il n'aime pas cette attitude.
- Quoi ?
- Tu as bu la bouteille entière ?
- Oui.
- En quel honneur ?
- Pour oublier.
La colère bouillonne en lui. Comment ose-t-elle se conduire comme si elle était malheureuse ? Elle a tout reçu : une bonne éducation dans une bonne famille, de l'affection de la part de ses parents. Il ne lui a fait aucun mal, il lui laisse toute la liberté qu'elle peut vouloir.
Le souvenir de sa petite malade lui revient plus fort : elle n'a rien. Mais elle garde le sourire. Elle a toujours ce joli sourire lumineux quand il vient lui rendre visite. Rose. Un nom de fleur. Elle a perdu ses épines, touchée par le destin fatal. Ses parents travaillent pour lui payer les soins nécessaires. La grande soeur a quitté l'école pour devenir serveuse et participer.
Une grimace d'intense dégoût incontrôlable traverse son visage. Il se détourne et quitte la salle de bain, furieux.
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