Une nuit à l'hôtel
de uglos
Elle se réveille au petit matin dans les draps blancs de l'hôtel, seule à goûter la douceur printanière qui s’installe dans la chambre ; avec le soleil filtrant à travers les stores pour venir s’étaler sur les murs en flaques floues. Pendant quelques minutes elle reste immobile et contemple les petits grains de poussière qui volettent et scintillent dans les rayons lumineux. Ça lui fait penser à une chute de neige et renforce encore l’impression de calme et de silence qui règne dans la pièce. Elle aime particulièrement cette période de l’année, quand l’hiver tarde à se faire oublier et que la nouvelle saison s’annonce doucement. Cet entre-deux où elle se surprend à s’éveiller vraiment, comme si elle sortait d’hibernation avec ce je-ne-sais-quoi dans l’air annonçant le renouveau.
Elle se lève sans faire de bruit pour ne pas réveiller la forme sous les draps dont quelques mèches de cheveux dépassent. Son pas léger effleure à peine l’épaisse moquette blanche. Elle sourit en s’imaginant qu’il a neigé dans la chambre. Puis se dirige vers la porte d’entrée en essayant de faire le moins d’empreintes possibles, se prenant pour une espionne qui fuit discrètement le lit du bellâtre ballot à qui elle aurait soutiré d’importantes informations de façon fort peu orthodoxe. Arrivée à son but, elle observe le sol avec la satisfaction du devoir accompli et s’esquive discrètement.
En arrivant sur la terrasse, des crampes abdominales la foudroient sur place. Elle s’accroche fermement à la rambarde de bois en y enfonçant ses ongles, attendant que l’orage passe. Elle se dit qu’il n’y a pas que le printemps qui s’annonce aujourd’hui. La douleur s’estompant, elle se dirige vers le jardin, louvoyant entre les tables où quelques lève-tôt prennent leur petit déjeuner. Ce faisant, elle distribue des bonjours et des sourires, mais les clients semblent plus absorbés par leurs croissants que par sa présence et ne lui répondent pas. Il y en a bien un qui a relevé la tête avec un air agacé, comme si une mouche lui tournait autour. Tant pis, pense-t-elle, ce sera pour une autre fois.
Au-dessus d’elle, le ciel est d’un bleu très vif ; elle peine à regarder la chaine de montagnes vertes et grises aux sommets encore enneigés en contre-jour. Le soleil ardent la force à plisser les yeux. Le contraste est assez saisissant avec la chaleur des rayons solaires et la fraicheur encore matinale de l’atmosphère. Elle avance vers le ruisseau qui gronde, grossi par les glaciers en train de fondre. Elle éprouve avec délice l’herbe tendre sous ses pieds diaphanes, le contact vivifiant de la rosée et soupire d’aise.
Ce moment de bonheur simple est bien vite gâché par le froid qui la saisit. Elle regarde en l’air pour voir si quelques nuages ne cacheraient pas l’astre du jour, mais non il n’y a rien. Rien que cette boule qui irradie au creux de l’estomac, comme si elle avait avalé trop vite un grand verre d’eau glacée. Un très grand verre alors, la douleur s’étendant jusqu’au bout de ses doigts.
Elle se reprend difficilement et décide de retourner s’allonger un peu le temps que ça aille mieux. Pendant qu’elle revient elle entend des sirènes de police se rapprocher de l’hôtel. Alors qu’elle monte les quelques marches pour revenir sur la terrasse, elle voit passer en trombe un groupe d’hommes en uniforme. Ils s’engouffrent dans le bâtiment. Certaines personnes commencent à se lever pour aller voir, attirées par la curiosité, prêtes à dégainer leur portable, en quête de sensationnel sordide.
Elle aussi s’interroge et se joint au mouvement. Les badauds, ignorant savamment sa présence, lui marcheraient presque dessus si elle n'y prenait garde. Dans le couloir, elle voit les policiers tout au bout, juste devant sa porte. D’un seul coup la voilà la gorge sèche, déglutissant avec grande difficulté. Elle se précipite en avant, s’insérant entre les curieux s’agglutinant comme des globules dans une artère bouchée. Elle entre dans la chambre en même temps que la maréchaussée.
L’un des hommes se dirige vers le lit. Il approche lentement sa main des draps, comme s’il redoutait un animal blessé aux réactions imprévisibles. Il découvre la silhouette et tous peuvent voir le corps d’une jeune femme. Sur son cou gonflé d’une couleur violacée, des marques de strangulation violente.
– Encore une victime de ce cinglé de violeur…
– Chef, c’est bizarre son expression, on dirait qu’elle ne sait même pas qu’elle allait mourir ou qu’elle est morte. La pauvre, c’est sûrement mieux comme ça, qu’elle ne se soit aperçue de rien.
La jeune femme effarée fait le tour du lit, passe à travers le groupe et contemple horrifiée le visage figé en un masque mortuaire. Elle hurle. Personne ne la remarque.
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"Elle se réveille au petit matin dans les draps blancs de l'hôtel, seule..."
Commentaires & Discussions
Une nuit à l'hôtel | Chapitre | 11 messages | 5 ans |
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