Retour à la maison
De retour chez eux, les Girks allèrent s’allonger pour se reposer. Cette agitation dans la clairière les avait épuisés. De son côté, Mat, pour qui la mésaventure était complètement sortie de la tête, alla trier sa collecte et la séparer en deux pour en donner une partie à Myra. Quant à elle, elle trépignait à l’idée de raconter ces lianes qui semblaient vivantes et l’intervention des Girks. Elle courait et sautait partout à la recherche de ses parents :
- Maman, Papa, venez vite, j’ai un truc super-important à vous raconter ! Vous ne devinerez jamais ce qu’on a vu avec Mat…
- Eh bien, eh bien, Myra, calme-toi et viens t’assoir avec nous, lui dit Britta qui discutait calmement avec son homme devant une tasse de zajh fumant.
La fillette vint s'asseoir entre ses deux parents, contente d’être rentrée à la maison. En fait, elle avait eu la peur de sa vie dans cette clairière. Heureusement que les Girks avaient été là. Elle seule, avec son bâton, n’aurait pas pu faire grand-chose.
- Raconte-nous ce qui vous est arrivé, Myra, lui demanda Boraz.
- On était dans la forêt, en train de chercher des plantes, comme nous l’avait demandé la maîtresse et puis Mat est tombé dans la clairière et des lianes ont attrapé ses pieds et les Girks sont arrivés et ils ont mordu les lianes et les lianes sont parties. On a eu très peur, dit-elle d'une traite, sans respirer.
- Houla, doucement, Myra, explique-nous plus lentement, lui répondit Britta
- Pas la peine, je sais de quoi il s’agit, rétorqua Boraz
Britta regarda son homme d’un air interrogatif. Elle n'avait rien compris de l’histoire de sa fille.
- Explique-moi, Boraz, demanda-t-elle d’une voix inquiète.
- Il s’agit de l’Être Végétal
- L’Être Végétal ? répondirent en cœur Britta et sa fille.
- Oui, l’Être Végétal, répondit Boraz. C’est en quelque sorte l’esprit de la forêt. Comme si c’était le cerveau de toutes les plantes et arbres assemblés.
- Toutes les deux le regardaient la bouche ouverte. De quoi parlait-il donc ?
- C’est un esprit maléfique, un monstre ? demanda Myra.
- Non, pas vraiment, enfin, c’est un peu compliqué…
- Explique si c’est compliqué, lui demanda son épouse, inquiète, a posteriori de ce que sa fille et Mat avaient pu vivre dans la journée.
- Bon, je vais commencer par le début, ou plutôt par la fin…
- ….
- Tu te souviens, Myra quand tu m’as trouvé, il y a quelques années ? J’étais perdu, hagard et j’avais des marques que tu as trouvées étranges au niveau des chevilles et des poignets...
- Oui je me souviens et je t’ai amené à Maman.
- Oui, Boraz, comme si c’était hier. Quand je t’ai vu comme ça, je suis immédiatement tombée amoureuse de toi. J’ai eu envie de te prendre dans mes bras, de te soigner, de te cajoler...
- Oui, Britta, je me rappelle, dit-il avec plein de tendresse dans la voix. Mais ce n’est pas de ça que je voulais parler. Je vais vous raconter ce qui s’est passé avant… Avant que tu ne me trouves, Myra, avant que tu ne me soignes, Britta, avant que je ne sois libre à nouveau. Ce que je ne vous ai jamais raconté en détails
Et il raconta sa vie d’avant, quand il était un jeune homme plein de promesses dans son village. Il était grand et fort et n’avait pas son pareil pour travailler le bois. Et puis, un jour, en quête de matériau de construction, il s’était enfoncé plus loin dans les bois, dans un endroit où personne n’avait jamais été. Les arbres étaient si serrés qu’il progressait lentement et que la lumière se faisait rare. L’atmosphère devenait étouffante mais sur le moment, il se sentait invulnérable et n’avait peur de rien. Il s’était dit que si c’était inextricable, c’est là qu’il trouverait les meilleurs morceaux de bois, ceux que personne n’avait jamais trouvé.
Au bout d’un certain temps, il ne se rappelait plus de la durée, il n’arrivait tout simplement plus à avancer. Il avait pensé au début faire demi-tour, mais la forêt s’était refermée derrière lui. Il était perdu. C’est à ce moment-là qu’il avait senti ces lianes entourer ses chevilles et le tirer. Elles l’avaient trainé pendant un temps qui lui avait semblé infini. La végétation s’ouvrait devant lui et les feuilles lui faisaient un tapis pendant qu’il était tracté, le dos contre le sol. Et puis tout s’était arrêté.
Il s’était secoué un peu. Ses jambes étaient libres. Il était dans une clairière et face à lui se dressait une chose incroyable : un espèce d’arbre, tout vert, gigantesque (au moins dix mètres de haut) avec des yeux verts énormes. Et ces yeux le fixaient sans ciller.
- Bienvenue chez moi Boraz, tonna ce géant vert.
- Mais... qui êtes-vous ? Bredouilla-t-il.
- Je suis l’Être Végétal, le génie de cette forêt, tu es chez moi, Boraz ! Retonna-t-il.
- Je suis désolé, je vais repartir, je ne vous dérangerais plus...
- C’est trop tard, Boraz, tu es chez moi et tu vas y rester.
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