Le phare
Ce récit a été écrit pour « À chacun son histoire » sur le site recit.slygame.fr. Il faut s'inspirer d'une photo pour écrire un texte, celui-ci est d'abord publié anonymement.
Le vieux phare avait un secret. C’était ce que tout le monde racontait, mais personne ne connaissait ce secret. Pour le connaître, il fallait y passer une nuit et ceux qui avaient eu cette chance se gardaient bien de le dévoiler. Cela faisait longtemps qu’il ne s’allumait plus la nuit, il avait été remplacé par les radars et les GPS.
Le gardien du phare s’appelait Loïg, il était très vieux, si vieux qu’on pensait que sa date de naissance était fausse. Un centenaire, mais encore solide comme le roc sur lequel était ancré le phare. On attendait avec une certaine impatience qu’il trépassât, le phare serait alors transformé en attraction, les touristes payeraient pour y passer la nuit et découvrir le secret. Mais Loïg avait un contrat, il serait gardien du phare jusqu’à son dernier souffle.
Loïg se réservait le droit d’accepter ou de refuser les candidats. On murmurait qu’il préférait les hommes jeunes et beaux. Il fallait se présenter au coucher du soleil, l’heure à laquelle le projecteur s’allumait autrefois.
Maël et Yaël avaient décidé de tenter leur chance. Ils avaient 18 ans et étaient dans la même classe au lycée. Un week-end d’automne, ils avaient rempli leurs sacs à dos avec un thermos de café, des bouteilles d’eau, des sandwiches et des barres chocolatées. Ils avaient ressorti leurs pulls d’hiver et leurs doudounes car le temps était tempétueux ce jour-là.
Ils s’arrêtèrent à une centaine de mètres du phare pour le contempler.
— Il te fait penser à quoi, ce phare ? demanda Maël.
— À une bite, répondit Yaël. On dirait la mienne, longue, massive, dure, je n’ai pas un gros gland.
— Vantard ! Je suis sûr que tu exagères.
— Tu l’as vue, ma bite, on se douche ensemble après le sport.
— Oui, mais je n’ai jamais vu ton gland à cause de ton long prépuce et surtout je ne t’ai jamais vu bander.
— Tu ne serais pas un peu pédé sur les bords ? fit Yaël.
— Euh, non, mentit Maël qui sentait son membre durcir dans son boxer.
— Tu sais, je n’ai rien contre les pé… les gays. Je pourrais même te la montrer maintenant, mais on n’a pas le temps si on veut arriver au coucher du soleil.
Les amis marchèrent jusqu’à la base du phare. Le gardien les attendait devant la porte. Il avait une casquette de marin, une très longue barbe blanche et il fumait la pipe.
— Bonsoir les gars, leur dit-il, bienvenue.
— Bonsoir M’sieur, dit timidement Yaël.
— Monsieur… Appelez-moi Loïg, comme tout le monde. Entrez.
Ils montèrent par un escalier en colimaçon et se retrouvèrent dans le logement du gardien, au premier étage, une pièce assez exigüe. Il leur dit de s’asseoir à une table de bois et apporta une bouteille et des verres.
— Un peu de gnôle ? proposa-t-il.
— Non merci, fit Maël, nous n’avons pas l’habitude, et nous avons assez à boire.
— Prenez-la avec vous, dit Loïg après s’être rempli un verre. Il fera froid là-haut.
Il ralluma sa pipe et but une rasade de gnôle.
— Vous ne devrez pas redescendre avant le lever du soleil si vous voulez connaître le secret. Il n’y a pas de chiottes, vous sortirez sur la passerelle pour pisser dans la mer. Faites attention au sens du vent pour ne pas inonder votre froc. Et, pour le reste, vous vous démerdez.
— Que faut-il faire pour connaître le secret ? demanda Yaël. C’est comme à Fort Boyard ? Il y a des épreuves à passer ?
— Vous verrez bien. Voici la clef, dernier étage, juste sous la lanterne. Interdiction d’allumer le feu. Bonne nuit !
Les jeunes gens montèrent, il y avait un lit au deuxième étage, celui du gardien. Ils durent ouvrir une porte fermée à clef pour arriver au cinquième étage. La lumière était allumée, quatre appliques contre les murs. La pièce était plus grande mais chichement meublée, une table de bois et des tabourets, une couchette très étroite, le gardien y avait posé des draps propres et deux couvertures de laine. Contre le mur, un tableau électrique avec les anciennes commandes du phare. Les commutateurs semblaient en parfait état. Ils montèrent ensuite sur la passerelle, observant les dernières lueurs du jour à l’horizon. Le vent était fort et la mer démontée.
— J’ai besoin de pisser, dit Yaël. Toi, l’intello, je dois me mettre où pour éviter les retours ?
— On pourrait plutôt vider une bouteille d’eau et pisser dedans.
— Non, ce serait tricher. C’est peut-être ça le secret, apprendre à pisser dans le sens du vent.
Maël indiqua à son ami où il devait se mettre, celui-ci défit sa ceinture, ouvrit sa braguette, sortit sa bite par-dessus le boxer. Maël regardait avec intérêt.
— Tu veux que je décalotte ? Tu verrais que mon gland est petit.
Maël rougit et s’excusa :
— Je suis désolé, je vais te laisser pisser en paix.
— Meuh non ! fit Yaël en se décalottant, je t’ai dit que je te la montrerais.
Pendant que son ami pissait, Maël sentit à nouveau son pénis durcir dans son boxer.
— À toi, fit Yaël en secouant les dernières gouttes.
— Euh, je n’ai pas besoin en se moment.
— Dis plutôt que tu bandes, c’est vrai qu’on ne peut pas pisser en bandant. Tu remonteras plus tard.
Les deux amis redescendirent et s’assirent à la table. Ils consultèrent leurs smartphones pendant une demi-heure. Maël remonta sur la passerelle pour pisser, seul.
— On se les gèle, fit Yaël. On va casser la croûte, ça nous réchauffera.
Ils mangèrent leurs victuailles avec appétit, burent du café.
— Il n’avait peut-être pas tort, le gardien, dit Maël. On devrait goûter sa gnôle.
Ils versèrent un peu d’eau-de-vie au fond de leur gobelets.
— À la tienne, Maël !
— À la tienne, Yaël !
Ils burent une gorgée de liquide et le recrachèrent aussitôt.
— C’est dégueulasse, fit Yaël.
— Et ça brûle. Je ne comprends pas qu’il puisse boire ça.
— Il doit avoir un blindage dans le gosier.
— Je préfère ne pas avoir d’ulcère.
Les jeunes gens reprirent leur pianotage sur leur smartphone.
— Je peux te poser une question indiscrète ? fit Maël.
— Tu peux, je ne te répondrais pas si c’est trop indiscret.
— Tu discutes avec ta petite amie ?
— Non, je n’en ai pas, dit Yaël. Je rassure ma mère, elle veut que je la tienne au courant, elle a peur qu’il nous arrive quelque chose.
— Elle s’inquiète pour rien, ta mère. Nous ne sommes pas les premiers à essayer de découvrir le secret du phare et tous sont ressortis vivants. Que pourrait-il nous arriver ?
— Bah, on pourrait… Tu as un petit ami ?
— Non, je n’en ai pas.
Maël réalisa qu’il venait de se faire piéger.
— Je vais dire à ma mère qu’il ne se passe rien, qu’on se fait chier et qu’on va se coucher, fit Yaël.
— Bonne idée, je suis mort de fatigue. Le secret est qu’il n’y a pas de secret.
Quelques minutes plus tard, la lumière s’éteignit.
— Merde, fit Yaël, il l’a fait exprès ?
— Peut-être, ou alors la tempête a brisé un poteau de la ligne électrique.
— Si le phare était encore en service, un bateau aurait pu s’échouer.
— Celui du Hollandais Volant.
— C’est qui ce type ?
Maël raconta la légende, et l’opéra que Richard Wagner avait composé.
— Il doit avoir un radar ton Hollandais Volant au vingt-et-unième siècle, fit Yaël en allumant la lampe de son smartphone. On va se pieuter.
— La couchette est étroite.
— On se serrera. Les couvertures ont l’air chaudes, j’enlève mon pull et mon pantalon, ce sera plus agréable. Tu peux te mettre à poil, ça ne me gêne pas.
— Non, je fais comme toi, dit Maël, tee-shirt et boxer, et je garde les chaussettes.
Les aventuriers se déshabillèrent.
— Je ne remonte pas dehors, dit Maël, je pisse dans la bouteille vide, ce serait trop dangereux sans la lumière.
— Je vais t’éclairer avec mon smartphone.
Maël fut obligé de pisser sous les yeux de son ami qui se soulagea à son tour. Ils se couchèrent sous les couvertures et éteignirent leurs portables pour ne pas vider les accus.
— Bonne nuit ! fit Maël. Enfin, je ne sais pas si on pourra dormir.
— Bonne nuit ! dit Yaël. Tu peux te branler, ça te détendra.
— C’est vrai ? Je peux ?
— Puisque je te le dis. Mieux, branle-moi, tu pourras vérifier que je n’ai pas menti.
Yaël prit la main de son ami et la posa sur son sexe érigé.
— Tu as raison, fit Maël, elle est plus grosse que la mienne, mais pas beaucoup plus. Tu peux vérifier.
Ils se branlèrent mutuellement et en mirent partout, réalisant qu’ils avaient oublié de prendre des boxers de rechange.
…
Le soleil entrant par une fenêtre les réveilla, une odeur de café et de pain frais montait des étages inférieurs. Ils se rhabillèrent rapidement car il faisait très froid, regrettant de n’avoir pas mis leurs habits sous les couvertures, montèrent pisser, puis descendirent. Le gardien les attendait au troisième étage.
— Bonjour les gars, leur dit-il. Bien dormi ?
— Bonjour Loïg, fit Yaël, mieux que nous le pensions.
— Il y a une douche ici, et même de l’eau chaude.
La douche n’était pas entourée d’un rideau, la robinetterie devait dater de la construction du phare.
— On ne va pas y passer la matinée, pas de chichis, vous vous douchez à poil ensemble et pas de branlettes comme hier soir, sinon le café va refroidir.
— Comment savez-vous que nous nous sommes branlés ? s’étonna Maël.
— Je vous raconterai.
Le gardien ne semblait pas vouloir les laisser seuls, ils se déshabillèrent et prirent leur douche. Maël pensa que Loïg s’offrait ainsi un petit plaisir en matant ses invités à poil. Ils se séchèrent puis se rhabillèrent.
— J’avais raison, fit le gardien, vos caleçons sont pleins de taches de foutre. Ça ne m’étonne pas, vous avez des belles queues. Le petit déj’ vous attend.
Il y avait des croissants frais, du beurre, du fromage et de la confiture. Le gardien ne mangea pas. Il leur demanda :
— Vous avez trouvé le secret du phare ?
— Non, fit Maël, nous pensons que le secret est qu’il n’y a pas de secret.
— Je vais vous le dire, le secret. Je ne suis pas le gardien, je suis le phare.
— Le phare ? fit Maël, étonné.
— Oui, je prends une forme humaine pour accueillir mes hôtes, mais, une fois qu’ils sont repartis, je réintègre les murs, je suis partout, je vous ai vu vous branler. Je ne mourrai jamais, à moins qu’ils me démolissent.
Les deux amis restèrent silencieux.
— Vous ne me croyez pas ? continua le gardien/phare. Ça m’est égal, je n’ai pas d’autre secret à vous offrir et surtout, pas un mot à personne.
— Nous vous croyons, dit Maël, c’est seulement étonnant.
— Nous ne dirons rien, fit Yaël, promis.
Ils finirent de déjeuner et prirent congé du gardien. Ils s’arrêtèrent au même endroit que la veille pour regarder une dernière fois le phare.
— Tu crois à ce qu’il nous a raconté ? demanda Yaël.
— Non, et toi ?
— Je ne sais pas, il a quand même deviné que nous nous sommes branlés ensemble.
— Tous les ados le font. Ou il y avait une caméra infrarouge dans la pièce.
À ce moment-là, le feu s’alluma dans la lanterne et tourna plusieurs fois avant de se rééteindre.
— Il a eu un orgasme ! dit Yaël en riant.
— En pensant à nous, peut-être. Tu tiendras ta promesse ? Tu me montreras ta bite quand tu bandes ?
— Tu l’as vue.
— Non, il faisait nuit, je l’ai seulement touchée et j’ai senti ton sperme gicler, dit Maël.
— Tu ne serais pas un peu pédé sur les bords ?
Ils échangèrent leur premier baiser.
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