Gite
Ma chère amie,
Je ne sais comment vous remercier de m’avoir fait découvrir ce gite touristique de Näversjöberg, l’endroit idéal pour achever le roman dont vous attendez le tapuscrit depuis bien trop longtemps. Endroit idyllique, j’ajouterais même paradisiaque, encore plus beau que sur la photo.
Les arbres se sont déjà parés de leurs couleurs automnales, il fait très chaud pour la saison, trop me direz-vous, réchauffement climatique oblige, qu’importe. La maisonnette est isolée dans une forêt, mais le frigidaire et le congélateur sont assez remplis pour tenir un siège et, comme c’était convenu, mon hôte se chargera de faire les courses, je n’aurai qu’à lui dire ce qui me manque. Il s’occupera également du ménage et de mes chaussettes sales.
Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter ce premier jour dans le Royaume de Suède. Le vol jusqu’à Stockholm a été très agréable, le second jusqu’à Åre Östersund un peu moins, quelques turbulences. Le responsable du gite, Torbjörn, m’attendait à la sortie, il m’a tout de suite reconnu. J’ai été surpris par sa jeunesse, je me demandais s’il avait déjà un permis de conduire. Devançant ma question, il m’a rassuré : il avait 18 ans et se chargeait maintenant d’accueillir les hôtes à la place de son père. Il parlait même français, avec très peu d’accent, me tutoyant spontanément comme c’est l’usage en Scandinavie. Il était vêtu légèrement : un short et un tee-shirt, les deux blancs. Il avait de longs cheveux blonds et la peau diaphane.
Nous sommes montés dans un gigantesque quatre-quatre, il s’en est excusé, ce n’était pas convenable dans le pays d’origine de l’égérie du climat Greta, mais nécessaire à cause de la rudesse de l’hiver. Nous sommes arrivés rapidement au gite. Torbjörn avait pensé à tout : il avait déjà chauffé l’eau du jacuzzi à l’extérieur devant la maisonnette avec quelques buches, une légère vapeur s’élevait de la surface. Le jeune homme m’a montré l’intérieur, boisé, très simple : une seule pièce avec un grand lit, un sofa, une table, des chaises et une petite cuisinette. Je suis passé aux toilettes, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de douche. Le jeune homme m’a expliqué qu’on se lavait dehors en toute saison, ajoutant que cela ne posait aucun problème puisqu’il n’y avait pas de voisins. Comme je ne reste qu’un mois, j’espère être rentré avant la première neige.
Torbjörn m’a demandé si je voulais essayer la baignoire, je pourrais lui dire si la température de l’eau me convenait. J’ai failli refuser, puis je me suis dit qu’il devait avoir l’habitude de la nudité de ses hôtes. Je me suis déshabillé à l’intérieur et j’ai posé mes habits sur le lit. Lorsque je suis ressorti de la maisonnette, le Suédois n’avait plus qu’un slip blanc qui paraissait bien rempli. Il avait préparé un gant de toilette et un savon aux oranges et clous de girofle et les avait posés sur le bord du bassin. Il m’a alors lavé de la tête aux pieds, y compris mon sexe et mes fesses.
Vous imaginez bien, chère amie, qu’aucun homme normalement constitué n’aurait pu résister à une telle douceur. J’ai eu une érection, ce qui ne l’a pas surpris le moins du monde. Je me suis plongé dans l’eau pour la cacher, mais il a enlevé son sous-vêtement et m’a rejoint sans me demander s’il pouvait le faire. Il avait un fin et long pénis surmonté d’une toison blonde, terminé par un prépuce également très long. Ses couilles étaient petites et pendantes.
Que vous dire de plus, chère amie ? Lorsque nous sommes sortis de l’eau, il m’a tendu une grande serviette blanche pour me sécher, il bandait, son sexe était presque à la verticale, le gland toujours recouvert par le prépuce. Nous avons fait l’amour, tendrement, sans nous presser. Il était très endurant et j’ai bien cru qu’il ne jouirait jamais. Il m’a ensuite laissé seul en me promettant de revenir le lendemain. J’étais euphorique, je me suis couché sur le lit et, fatigué par le voyage, je me suis endormi.
Je me suis réveillé en fin d’après-midi, j’ai diné avec du saumon fumé, du pain croustillant et un verre de vin blanc, avant de vous écrire. Je devrais maintenant me mettre à mon roman, mais je vais procrastiner une dernière fois, la douce présence de Torbjörn me hante encore.
Bien à vous.
Votre dévoué Ghislain
***
Ghislain relut son courriel. N’avait-il pas trop donné de détails intimes ? Il n’avait jamais caché sa gaytitude et son éditrice publiait aussi une collection de romans érotiques, elle ne serait pas troublée et connaissait peut-être le jeune homme. N’était-elle pas déjà venue à Näversjöberg l’été passé ? Avait-il eu les mêmes prévenances avec une femme ?
L’écrivain cliqua le bouton pour envoyer le message. N’obtenant aucune réponse, il vérifia la connexion wifi en consultant un site d’actualité. Une nouvelle à la une le frappa : « L’écrivain Ghislain de Beauséjour, lauréat du prix Goncourt de l’année dernière, est mort dans le crash du vol Stockhom - Åre Östersund ».
Il devina la présence de Torbjörn dans son dos, l’ange lui massait les épaules et lui susurra :
— Bienvenue au paradis !
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