Chapitre 1 - Recherches - Partie 1

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 La lumière blanche et diffuse de l’affichage du pupitre emplissait la petite salle. Les teintes des murs et du plafond se mouvaient, cadencées par les éléments qui s’y dévoilaient. Ce linceul blanchâtre semblait recouvrir les deux têtes sombres qui étaient absorbées par le savoir qui se livrait à eux. Le silence régnait dans cet endroit interdit. Recroquevillées, les deux silhouettes immobiles tâchaient de ne pas se faire remarquer, du moins, le plus tard possible. Les affichages continuaient leur rythme soutenu, ponctué par de brefs arrêts. Puis au bout de quelques secondes supplémentaires, elles ralentirent.

 « Stop. Arrête-toi. Reviens en arrière. Ça doit être dans cette section. Tu vas trop vite, indiqua tout bas la première silhouette sombre à droite.

 — T’es sûr ? On y est déjà passé, répondit la seconde, incrédule.

 — Ah, tu m’énerves. Pas celle-là. Celle-ci juste au-dessus.

 — Bien vu. Je ne l’avais pas remarqué.

 — Quand je te dis que tu vas trop vite. Vas-y, ouvre », s’impatienta la première silhouette.

 Le silence revint. Cette fois-ci, la luminosité restait fixe en suspendant la salle dans le temps. Les deux têtes ne bougeaient plus. Ils avaient enfin trouvé ce qu’ils étaient venus chercher. Les deux adolescents accédaient enfin aux réponses et à une confirmation : les Hommes-ombres n’avaient jamais disparu.

 En catimini, les deux jeunes éteignirent le pupitre. L’excitation était à son comble. Pourtant, ils retenaient leur joie. Ils la laisseraient exploser une fois sortis du bâtiment abritant l’Encyclopedia Humanis 55 Cancri, appelée aussi Humania. Une formidable base de connaissance compilant tout le savoir humain.

 Ici, sur Parelas-d, troisième planète du système stellaire Parelas, l’humanité s’était fortement ancrée, non sans mal. L’arrivée des trois cents premiers colons remontait à des siècles. Si ces débuts n’avaient pas été consignés dans l’Humania, des théories plus ou moins fantaisistes auraient expliqué les origines humaines sur cet astre. D’ailleurs un passage était fréquemment étudié par les plus jeunes générations, celui d’un archiviste, Celet. Ce membre des cent premiers colons relatait si précisément les premiers temps de l’humanité sur cette planète que l’on aurait pu presque les vivre rien que par l’imagination. Les archivistes représentaient toujours une classe de la population qui se démarquait. Intégralement masculine, cette caste gardait jalousement les différents lieux de savoir présents sur ce corps céleste et se plaçait toujours près des centres de pouvoir. Ce soir-là, les deux jeunes avaient réussi à déjouer la vigilance de l’un d’entre eux pour accéder à une section non publique du bâtiment.

 Une fois la porte de la salle refermée, les deux silhouettes s’engouffrèrent dans un premier couloir. Ils décidèrent de ne pas filer directement par la sortie, mais de passer par une partie du petit complexe dédiée à la scolarité. Le stress tenait toujours fermement leur envie de fêter leur découverte. Seul un léger sourire pouvait laisser transpirer leur joie. Soudain, à l’angle opposé, une voix tonna.

 « Vous deux ! Que faites-vous ici ? »

 Ils reconnurent aussitôt le timbre fluet qui était poussé dans ses retranchements pour tenter d’imposer une certaine autorité. Il en résultait un effet comique qui fit disparaître leur peur. En quelques secondes, l’homme arriva à leur hauteur.

 « Zack et Josh ? Habituellement, vous ne me posez pas de soucis, vous deux. Je m’attendais plutôt à voir deux autres. Que faites-vous ici ? les interrogea-t-il de nouveau.

 Zack avait beau être plus âgé que Josh, c’est ce dernier qui prit la parole. Lentement, tout en fixant l’archiviste leur faisant face, il leva un sac devant lui.

 « J’avais oublié ça cet après-midi.

 — Et ça ne pouvait pas attendre demain ?

 — Non, répondit sans détour et avec fermeté Josh.

 Zack prit à son tour la parole.

 — Vous savez, instructeur, mon frère et moi nous avions prévu de réaliser…

 L’instructeur l’arrêta dans ses vaines explications d’un simple geste de la main.

 — Je ne veux pas le savoir. De toute façon, à cette heure, vous n’avez rien à faire ici. Vous avez de la chance que je n’ai pas encore verrouillé toutes les sections publiques », coupa-t-il d’un ton sec.

 L’archiviste pensa qu’il n’avait pas intérêt à faire durer ce moment. S’il n’avait pas autant tardé à vérifier les lieux et à fermer les accès, ces deux adolescents ne seraient pas devant lui.

 « Suivez-moi. »

 Les deux frères s’exécutèrent sans rechigner, bien heureux que l’affaire s’en tienne à ce point. Arrivés à la porte principale et après avoir récupéré tous leurs effets personnels, l’archiviste referma la porte d’entrée du bâtiment abritant l’Humania derrière eux. Ils ne prirent pas la peine de se retourner. Ils devinaient le regard sombre que l’archiviste leur avait lancé. Tout en retenue, ils dépassèrent quelques habitations avant de sauter de joie autour de la fontaine qui trônait sur une des petites places de leur cité nommée Diop. Josh s’arrêta et se rapprocha de son grand frère.

 « Zack, remontre-le-moi. »

 Sur le fin écran de son pupitre d’information mobile, plus communément appelé PIM, le reste des doutes s’effaça aussitôt de leurs esprits bouillonnants. La silhouette noire captée en plein jour semblait absorber la lumière. Il s’agissait bien d’un homme, du moins il en avait la forme. En grossissant l’image, on remarquait que les contours s’étaient estompés. Du crâne lisse aux mains en continuant vers les membres inférieurs, tout laissait croire que l’on observait une ombre. Les deux frères en avaient déjà scruté de nombreuses images ou des vidéos. Mais elles dataient toutes d’une période ancienne, révolue. Celle qu’ils observaient avait la particularité de ne dater que de quelques jours. Un autre paramètre attirait leur attention : le lieu de la prise de vue. Ils avaient les coordonnées exactes du puits parélien. Un nouveau défi se dressait devant eux : s’y rendre seuls.

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