Chapitre 7 : Entre potes.

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Après les concerts, c'était toujours la même rengaine. Je débordais de sueur, à l'instar de ma tête, vide. La scène avait le pouvoir d'extérioriser chacune de mes mauvaises pensées et la musique retardait l'implosion. Les murs qui vibrent, le sol qui gronde, l'explosion des instruments et les cris qui les menaçait de les couvrir : je sentais des ailes me pousser lorsque je chantais.

L'euphorie qui en suivait, débarrasser la scène et charger le matériel dans la voiture de Jo' (Le contrebassiste). Puis la paye, les bières avec le groupe et de temps en temps avec mes tout premiers amis, j'étais extatique à l'intérieur. Ce soir-là faisait partie de ceux-là. Lewis et la bande me laissèrent tranquille avec les gars. Une raison particulière de faire la fête ? Je leur avais promis un verre la dernière fois qu'ils avaient pris la peine de venir me voir. Et dieu sait ce que c'était risqué pour eux de se regrouper. Pauvre dieu, je le réclamais tant à cette époque. Nous étions cinq jeunes garçons de dix-sept ans, vivant dans le tourment et qui se bourrait la gueule un soir de décembre, alors qu'ils devraient étudier pour leurs examens. Mais nous étions tous si intelligents qu'un jour d'étude de moins ou de plus ne changerait rien à nos performances. Et depuis que j'étais orphelin, j'en avais plus rien à foutre du monde. Depuis Blear, j'avais envie de tout envoyer valser. Depuis leurs ruptures, ils ne me restaient plus que mes copains et le groupe à qui me raccrocher. Voilà, en dehors de la scène, je sombrais à nouveau.

Cette soirée fut un carnage, entre pintes et blagues à deux balles, même Michael rit de bon cœur alors que je le savais perturber. Problème de fertilité, c'était bien un truc de Richess.

Nous avions bu jusqu'à ne plus savoir se reprendre et pour la première fois de notre vie, on a fait un vrai truc d'adolescents de notre âge : danser en boîte, ou plutôt dans le bar où j'avais joué et qui s'était transformé en discothèque après minuit. La tête qui tourne, qui tombe et qui se laisse aller au gré de la musique, j'adorais ça. Sauter, crier, danser, le contact de mes copains dans la lumière tamisée. Une accolade par ci, un câlin par là, puis des fous rires à en perdre la tête quand on renversait nos boissons au sol. Elliot et Louis se dévouèrent pour aller chercher celles qui les remplaceraient. Ils se faufilaient en se dandinant jusqu'au bar et je les vis galérer à refuser l'abondance d'amour d'un groupe de filles. Je les percevais plutôt comme des vautours ou des chacals, rodant pour attraper leur proie de leurs griffes acérées. Le sexe féminin dans toute sa splendeur : sous alcool elles devenaient de vrais bêtes. Sur la piste aussi elles gravitaient autour de Michael qui nous lançait des appels à l'aide. Chuck était bien trop occupé à siroter sa bière, observant la débauche faire son travail. Deux mains se glissèrent le long de mes côtes pour s'arrêter à l'avant de mon ventre. Je sentis une poitrine s'écraser dans mon dos, bien que j'eusse la sensation d'avoir perdu tous mes sens. Je ne voyais que ses longs ongles, un semblant de joli visage quand je tournais le mien vers l'arrière. Elle se frottait, faisait aller ses hanches et guidait les miennes. Puis, elle fit le tour de ma personne et se planta devant moi, prenant ma main pour acquise. Belle, sexy, téméraire, pas de doute, une dominatrice. N'importe quel mec lui aurait sauté dessus, mais moi je le contentais de reculer. Chuck vint à ma rescousse et la dégagea d'un simple geste. Parce que c'est important de le répéter : personne n'oserait remettre en question un Ibiss. Le garçon au summum de la hiérarchie Richess savait se faire comprendre et la seule qui pouvait calmer ses abus de pouvoirs, c'était Bl...

- Quel bourreau des cœurs, me coupa-t-il dans mes pensées.

- J'ai appris du maître, lui criais-je à l'oreille.

- Ah ça ! Tu as toujours le mot pour me faire plaisir ! Mais tu peux toujours rêver pour me surpasser, s'esclaffa-t-il en tapotant mon épaule.

- Je suis plutôt doué, dis-je en passant mes bras autour de son cou.

- Oh Dossan, quel honneur !! surjoua-t-il. Tu me fais la cour, corbeau ? Et tu comptes aller jusqu'au bout cette fois ?

Je m'arrêtais de danser, toujours accrocher à son cou. Mon meilleur ami n'avait pas la langue dans sa poche, alors je décidai de fourrer la mienne dans sa bouche. Michael nous regarda essayer de prendre le dessus sur l'autre tout penaud. Au bout de quelques secondes, je sentis mon souffle se couper et sa main remonter sur mon cou. Tricheur, il savait que je détestais qu'on le serre.

- Mais qu'est-ce que vous foutez ? s'exclama Louis plié en deux de rire pendant qu'Elliot checkait la condition de Michael.

- Je lui montre qui c'est le boss, fit-il en se léchant les lèvres. Quoi t'en veut encore ? ajouta-t-il en me chopant par le visage, écrabouillant mes joues.

- Va te fai'fout! marmonnais-je en le repoussant gentiment.


Cette petite bagarre finit en étreinte collective et en cris lorsque Michael vomit sur les chaussures d'une petite donzelle dont le mec vint chercher les noises. Celui-ci ne fit pas le fier entre l’air féroce d’Elliot, la carrure de Louis et Chuck qui se voulait condescendant au plus haut point. Pratique d'avoir des copains riches et puissant pour éviter les problèmes.

Nous en avons eut d'autres d'un autre genre. Saint-Clair avait installée un système de code par élève pour protéger l'internat la nuit. Impossible de me rappeler du mien et les gars faisaient n'importe quoi dans la rue. Heureusement que Chuck tenait bien l'alcool. Avec un peu de concentration, nous avons réussi à rentrer dans le bâtiment. Notre but était de rentrer dormir dans l'immense chambre de ce dernier, mais le chemin fut légèrement compliqué. Je ne marchais plus droit, tournoyant sur moi-même dans les couloirs et je fredonnais. Enfin, c'était ma vision des choses.


- Arrête de crier ! rugit Louis qui ne tenait plus sur ses jambes.

- Il le fait exprès c'est pas possible, râla Elliot.

- Sans doute, c'est sa chambre après tout… Dossan ! Arrête !


Je m'amusais à toquer à toutes les portes, gloussant et fier de mes propres actes. J'entendis des plaintes venant de certaines chambres et je dansais toujours, alors que les garçons tentaient de me contenir. Devant sa chambre, je fus pris de rire nerveux et d'une haine sans relâche. Je n'eus le temps de frapper que la porte s'ouvrit en grand. John-Eric apparut dans un long peignoir, il avait la tête de quelqu'un qui s'était levé du mauvais pied. Je perçus sa colère et me couvrit la bouche, faisant semblant d'être désolé.


- Tu as vu l'heure ? gronda-t-il.

- Désoooolé de vous avoir dérangé monsieur, ça n'arrivera plus ! fis-je en prenant une voix geignarde.

- C'est pas vrai, allez reviens ici ! s'écria Chuck en tentant de garder un ton de voix bas. Excuse-nous John, je vais le mettre coucher.

- Non non non, je me sens très bien ici ! pestais-je en me dégageant de son emprise.

- Mais c'est quoi ce boucan ?! s'éleva une voix depuis la chambre.


Elle avait des petits yeux, les cheveux légèrement en bataille et se couvrir aussi d'un peignoir lorsqu'elle m'aperçut. J'eus l'impression qu'elle allait m'exterminer, mais sa beauté restait sans égale.


- Laisse-nous, fit-elle à l'égard de John. S'il te plaît, ajouta-t-elle en le voyant hésiter.

- Très bien, répondit-il d'un ton obligé avant de s'enfuir dans la chambre.

- Blear, dis-je en m'appuyant contre le chambrant de la porte. Tu passes une bonne nuit à ce que je vois, continuais-je en m'approchant de son visage.

- Tu trouves ça drôle ? Il est temps que tu arrêtes ça…

- Arrêter quoi ? Hum ? demandais-je en l'encadrant pour plonger mes yeux dans les siens.

- De boire, reprends-toi ! s'énerva-t-elle en se débarrassant de mon bras d'un geste.

- Je m'occupe de lui. Ca suffit, on y va maintenant, vint Chuck en m'attrapant par les épaules.


Louis l'aida à me choper parce que je ne voulais pas décamper et alors qu'ils me traînaient de force, je la voyais me regarder d'un air dédaigneux. Une pointe de tristesse se dessinait ensuite sur son visage et je sentis mon cœur s'écraser lorsqu'elle disparut à nouveau dans sa chambre.

Je ne me rappelle pas grand-chose de la suite des événements. De comment ils m'avaient installé dans le lit de Chuck à côté de Michael, déjà inconscient. Le plafond dansait devant mes yeux et je n'arrêtais pas de rire, mais je sentais quelque chose d'humide sur les joues. Je ne me souviens plus du moment où je me suis endormie. Louis tomba dans les bras de Morphée peu de temps après, assis sur la chaise du bureau et la tête écrasée contre celui-ci. Seuls Elliot et Chuck restèrent éveillés, assis tout deux au sol.


- Quelle soirée, souffla Chuck qui buvait encore du vin.

- À qui le dis-tu, répondit Elliot sur le même ton. Tu me sers un verre ?

- Avec plaisir, fit-il en lui tendant la bouteille directement.

- Tu n'y vas jamais par quatre chemins, hein.


Il engloutit quelques gorgées et reposa brusquement la bouteille devant lui, essuyant les gouttes qui coulait sur son menton d'une main. Un silence se créa alors pendant qu'ils se regardaient dans le blanc des yeux.


- Qu'est-ce qui te chamboule mon chou ? gloussa Chuck, un sourire en coin. Toi aussi, tu vas te mettre à pleurer sous l'effet de l'alcool ? Femmelette !

- On n’est pas tous aussi alcoolique que toi, rétorqua-t-il plein de sarcasme.

- Raconte à tonton Chuck, je te dis, insista-t-il en lui jetant un semblant de coup de pied.

- Nous avons tous quelque chose qui nous rend malheureux, à quoi bon, soupira-t-il en haussant les épaules.

- C’est pas tous les jours que je te prête une oreille, alors profites-en.

- T’es chiant, merde, pesta-t-il en se recroquevillant sur lui-même.


Il s’attrapa la tête nerveusement et secoua ses cheveux dans tous les sens, frustré. Chuck l’observait, toujours un sourire aux lèvres. Il commença à marmonner des choses, puis soupira un grand coup, prêt à se lancer. Par derrière ses avants-bras qui le cachait légèrement, son regard blessé, fit perdre son sourire à Chuck.


- Elle à accoucher aujourd’hui… Kat va enfin avoir son fils dans les bras et moi je me bourre la gueule comme un gamin avec mes amis. Et ça me fait tellement mal de penser à tout ça…

- À quoi tu penses ? demanda-t-il très sérieusement.

- J’ai envie de voir à quoi va ressembler son gamin, mais je n’ai plus ma place à ses côtés. Je suis tellement égoïste et je regrette tellement de ne pas avoir profité plus du temps que nous avions ensemble. Chuck je sais que tu es tout aussi bien placé que moi pour le savoir, mais j’ai tellement mal, avoua-t-il. Je souffre, ajouta-t-il dans un sanglot, et je…


Il n’arrivait plus à aligner deux mots, prit de pleurs et il se cachait d’autant plus dans ses genoux. Chuck vint s’asseoir à côté de lui et passa une main dans son dos, puis posa sa tête contre son épaule tremblante. Le lendemain matin, je les retrouvai endormis l’un sur l’autre, les yeux gonflés d’avoir pleuré ensemble.

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