Chapitre 15 : Ibiss vs. Stein.
Dès ma naissance, j’ai été bercée par de doux avertissements disant que nous les Stein, devions toujours faire bonne figure. Dans notre langage familial, cette devise ne signifiait pas forcément bien se comporter. Tant que la façade restait intacte, l’intérieur pouvait être brisé. Et si personne n’y voyait que du feu, à la bonne heure ! C’est que nous avions réussis notre défi, c’est-à-dire celui d’apparaître comme des gens corrects alors que nous étions de vils fennecs.
J’ai entendu ce genre de réflexions tout au long de mon enfance, ainsi que ces trois mots : “Écoute, planifie et contrôle”. Ma mère me les énonçait toujours fièrement, les présentant comme les mots clés de notre réussite. En outre, manipule les autres avant d’être manipuler et tu survivras. Voici le cadre dans lequel j’ai grandi, dans une atmosphère d’auto-suffisance, d’égocentrisme et de compétition.
Quelle chance d’être née avec la majestueuse crinière d’or des Stein, imposante, brillante et lionesque. Hériter de ce gène, fut un plus pour que mes parents m’adorent. Dès l’instant où ils m’eurent dans leurs bras, je fus déposé sur un piédestal : “Cette petite, Marry Stein, ira loin”. Eh oui, je suis venue dans ce monde avec la qualité d’être belle et adorable, alors ils m’ont donné les moyens de me développer. Selon leurs critères, bien évidemment.
Je fus élevé comme l’un des leurs, parce qu’il y avait des risques que ce ne soit pas le cas. À la traine ? On la laisse derrière. J’ai planté mes griffes dans le sol pour ne jamais les défaire, avançant à leur rythme. “Elle en veut cette petite ! “, criaient tous mes professeurs que ce soit à l’école ou dans les nombreux sports que je pratiquais en dehors des cours. Pas vraiment le choix, où ils m’abandonneraient.
Ces mots se voulaient peut-être un peu fort : un père qui n’avait jamais été présent ne pouvait abandonner quoi que ce soit. Pas même ça soit disant fille chérie, son rayon de soleil et la gamine la plus douée qu’il n’est jamais connu. Derrière ma mère perfide qui m’obligeait à reproduire le schéma d’enfance qu’elle avait vécu, ballotter entre concours de beauté et compétition sportives, il y avait les ordres de mon père. J’excellais à sa demande où il ne daignait m’accorder un regard.
Perfide ai-je dit ? À ça, s’ajoutait la possessivité et la jalousie. Comment expliquer aux autres que j’étais la petite poupée de ma mère tant que je ne la surpassais pas ? Ainsi, je présentais tous les concours qu’elle souhaitait, mais dès que je m’apprêtais à exceller dans cette catégorie, elle détruisait mes plans. Quelle honte pour ma mère de se faire dépasser par sa fille, il en était hors de question. Et n’atteignant pas mon but, mon père me regardait de moins en moins.
Lorsqu’on est élevée dans une famille comme la mienne, qui se croit supérieur aux autres, on finit par croire qu’on l’est vraiment. Mais le drame c’est que dans la hiérarchie, nous ne sommes que les quatrièmes. Et lorsqu’on essaye de faire croire au monde que cette fausse réalité existe bel et bien, le mot “excentrique” prend tout son sens. Mes parents m’ont appris à regarder de haut les familles Fast, Challen et Hodaïbi et à me foutre des Akitorishi car nous avions toujours le pas sur eux. Ils m’ont nourri à la haine pour les Ibiss et au respect pour les Makes. Face à la famille la plus puissante du pays, nous ne faisions pas les malins. Pour survivre, même si ça leur faisait du mal de l’admettre, il fallait également savoir rester à sa place de temps à autre.
À force de compliments, de “m’aduler” à leur manière, ils ont créées un petit monstre : première de classe chaque année, multiples activités sportives, une enfant bien élevée, intrépide et coquette. J’ai toujours été magnifique et comme ma mère se nourrissait de sa supériorité, je faisais de même avec la jalousie de mes “copines”.
“Écoute, planifie et contrôle”, j’avais tous les enfants du primaire dans ma poche grâce à cette règle. Merci maman, très chère mère, de m’avoir appris à être au-dessus des autres. Enfant-monstre, il n’y avait qu’une lueur d’espoir dans ma vie : Shad Berkley. Mon ami d’enfance, un fidèle compagnon et mon futur mari, à l’époque. Il exacerbait mes bons côtés, ma joie de vivre, ma chaleur, ma gentillesse, car j’aimais rendre service même si cela puisse paraître inconcevable. Mais lorsqu’il tomba amoureux d’Eglantine Akitorishi, “famille sur laquelle nous avions toujours le dessus” et qu’il s’interposa entre la voiture qui était censé la tuée, je me suis transformée.
Me voilà manipulatrice, achetant l’amour et l’amitié, par le sexe et l’argent. Je suis la mauvaise langue de l’école, celle qui sait toujours sur tout. Un ragot croustillant ? Je suis au courant la première. Et j’adore ça, je me complais dans cette supériorité et des regards affriolants qui s’animent à mon passage. Je suis Marry Stein et j’écrase le monde de mes talons hauts. Dans l’adolescente, il y a déjà une femme qui crée l’extase chez les hommes et l’envie dans les yeux de leurs partenaires. Personne, non personne, n’est capable de me contrôler… Oups, le disque est rayé. Bon, peut-être qu’il y avait bien quelqu’un pour me mettre des bâtons dans les roues. Alicia ? La blondasse folle qui s’est ramené comme une fleur à l’école et qui entre autre à rassembler les Richess en une joyeuse bande ? Non.
Notre haine pour les Ibiss remontaient à des générations, depuis que nos ancêtres eurent la folle idée de conclure un pacte pour unir leurs forces. Tout était question d’argents. Lequel avait trahi l’autre en premier ? J’avais ma petite idée sur la question, mais la guerre qui suivit entre les deux familles, donna tort et raison à chacune d’entre elles. Si mes parents se confrontaient sans cesse aux parents de Chuck Ibiss, barons de l’immobiliers, je devais me coltiner le fils. Et évidemment, il prit le dessus, dans tous les sens du terme. Du moment où il me vola ma place de présidente des déléguées à celui où il craqua pour mon excellente personne, preuve de ma suprématie, j’avoue avoir légèrement pété les plombs. Si mes parents avaient connaissance du nombre de septièmes ciel nous avions atteint ensemble, ils en tomberaient immédiatement.
Bien que je me serrais régaler de leurs réactions, ils n’avaient aucun moyen d’apprendre que je me tapais le futur plus puissant businessman du pays. Comme ces derniers termes l’énonçaient, il y avait de nombreux avantages à sortir avec Chuck Ibiss. Le premier étant sa persuasion et la deuxième son charisme. Les photos du bal qui avaient permis aux parents d’Elliot de découvrir sa relation avec Katerina, n’existaient plus. Ils les avaient achetés, brûlés ou encore enfermés dans un coffre-fort ? Peu importe ce qu’il en avait faits, je me rassurais de cette disparition, car je pus me rendre l’esprit libre à l’école le lendemain de notre séparation.
D’accord, j’avais peut-être aussi le cœur lourd et les nerfs d’avoir dû recommencer mon maquillage des yeux à trois reprises, tellement mon mascara avait coulé. Mais parfaite, j’arrivais dans ma cour, récupérant mes sbires en un claquement de doigt : “Dites au monde que Marry Stein est une femme libre et que les meilleurs prétendants montrent leur bout de leur nez”. Ainsi, je devançais Chuck dans l’annonce de notre rupture. Lorsqu’il se pointa à son tour, je n’eus aucun scrupule à lui montrer que j’avais repris du poil de la bête. Il m’accueillit un sourire en coin pour formaliser ce dont nous avions parlés : amants hier, rivaux demain. Plus de pitié, nous reprenions tout deux la course là où nous l’avions laissés. Je lui avais fait promettre de ne pas me ménager et moi de le pourchasser autant de temps qu’il le faudra. De cette manière, nous ne nous quittions pas réellement. À travers la compétition et en lisant entre les lignes, il y aurait toujours un “je t’aime” dissimuler. Il pourrait tenter de prendre le dessus autant qu’il le veut, cette fois je ne me laisserais plus faire.
La nouvelle qui atterrit par la suite à mes oreilles en ce dernier jour scolaire, me donna l’impression de gagner un grand combat. La petite Emilie, celle qui avait tant voulu être à ma place, aux côtés de Chuck et à qui il avait un offert plus d’une nuit, quittait l’école définitivement. C’est devant le portail de l’école, à la fin des cours, que je l’attendis avec un grand sourire.
- Marry ? Devrais-je vraiment m’étonner de ta présence ? fit-elle d’un ton agacé.
- Voyons, tu voulais partir sans me dire au revoir ? répondis-je d’un ton bien plus cocasse.
- Comme c’est aimable, persiffla-t-elle.
- N’est-ce pas ? gloussais-je en retour. Tu nous manqueras tellement je te souhaite un bon voyage, Emilie.
- Oh je pense que je vais me plaire là où je vais, loin des Richess. Et tu sais, avant de partir, je voulais m’assurer de te donner un cadeau d’au revoir, moi aussi.
- Ouh, devrais-je avoir peur ? J’adore les surprises !
- Tes parents l’ont été, en tout cas, rétorqua-t-elle.
Je crus mal entendre et la dévisagea en me remémorant les mots qu’elles venaient de prononcés, afin de savoir s’ils étaient réels. Qu’est-ce que cette petite prétentieuse avait bien pu dire à mes parents ?
- Timing parfait, rit-elle alors en voyant ma limousine se garer sur le trottoir.
- Si tu penses me faire peur avec des menaces en l’air…
- Marry, deux ans sous ta tutelle de sous présidente m’ont permis de beaucoup apprendre de toi, et de Chuck par ailleurs. J’avoue que j’ai peut-être abusé sur les notes et les photos, mais elles permettront à tes par…
- Pétasse, l’attrapais-je par le col.
- Je croyais que tu n’avais pas peur ? fit-elle un sourire aux lèvres.
- N’oublie pas qui je suis, un jour ou l’autre, tu le payeras ma chère, la lâchais-je pour lui jeter mon regard le plus noir avant de disparaître dans ma voiture.
Le chauffeur me regarda d’un air grave et me prévint que nous aurions la chance que "Monsieur Stein" participe au souper. Je savais maintenant à quoi m’attendre. Serrant la lanière de mon sac à main, avant de jeter un œil sur les documents à l’intérieur, je me convins que tout irait bien. Le tout était de leur montrer que je faisais bien partie de la famille.
Un pied dans la maison, j’entendis les talons de ma mère claquer contre le marbre et se rapprocher à toute vitesse. Tout y était, sa tenue de deuil et son air sévère, accompagnée d’une main qui voulut gentiment se déposer sur ma joue. Je bloquais son geste de mon bras, et fouettant l’air du dossier que je gardais précieusement.
- Avant que tu n’essayes de me gifler une deuxième fois, écoute-moi.
- Je n’ai pas d’ordre à recevoir de…
- Qu’est-ce donc ? la coupa mon père qui apparut dans un magnifique costume argenté.
- Oh, est-ce que ça vous intéresse ? fis-je en les dépassant fièrement pour me loger dans le salon.
- Je ne te connaissais pas aussi impertinente ! s’écria ma mère dont les boucles frisotèrent de colère.
- Vraiment ? Pourtant, c’est un héritage que je porte de toi, maman, ricanais-je. Trêve de bavardage, vous êtes curieux n’est-ce pas ? C’est vrai, je suis sorti avec Chuck Ibiss et nous avons passé d’exceeeellent moment en tête à tête, pas besoin de vous faire un dessin, hum ?
- Où est donc passé ma fille ? s’indigna mon père pendant que sa femme se mit à criser.
- Elle ne nie même pas !! Toi et ce… Les Ibiss !! Comment as-tu pu ?! Coucher avec l’ennemi ! Tu peux oublier ton héritage !!
- Vous seriez donc prête à perdre ceci ? dis-je en montrant à nouveau le dossier. Mon héritage contre, je ne sais pas, les plans des premiers investissement de ce très cher Chuck Ibiss ? ricanais-je en faisant allez les pages entre mes doigts.
- Les plans… Non, c’est faux, s’interloqua-t-elle en essayant de les saisir.
- Hop là, non non non, je les ai obtenus grâce à mon dur labeur. Coucher avec l’ennemi n’a pas que du mauvais, je dirais même que ça avait beaucoup de bon, ris-je ouvertement.
- Tu es… diabolique…
- Très bien, ton héritage contre les plans, annonça mon père.
- Es-tu sérieux ?!
- C’est la chance de notre vie, alors j’accepte ce marché. Nous ne tiendrons pas rigueur de cette aventure ou plutôt de ce plan ingénieux, bien qu’il s’agisse d’une trahison.
- Parfait, voilà votre dû. Oh une dernière chose, me régalais-je de son agacement quand je rapportais les documents à ma poitrine. Je souhaite créer ma propre ligne de vêtements dans les années à venir, est-ce que nous avons un accord ?
- Comme si nous allions accepter ce genre d’activités !
C’est ce que nous verrons, répondis-je en la dévisageant lorsque mon père hocha de la tête, acceptant n'importe quoi pour obtenir enfin le dossier qu’il convoitait tant.
- Je… Tu… Vas dans ta chambre, tout de suite…
- Oh non, je crois qu’après autant d’efforts, j’ai bien droit à un bon petit spa, accompagnée d’une Margarita ! m’exclamais-je en leur lançant un clin d’œil.
Ils me regardèrent tous les deux me déhancher jusqu’au couloir menant au sous-sol aménagé d’une piscine, ma mère outrée, à l’instar de mon père qui portait un air satisfait sur le visage.
- Et ça te fait rire ?!
- Nous l’avons tellement bien éduqué, l’élève dépasse enfin le maitre, répondit-il en agrippant son épaule d’une main ferme, tenant les plans dans l’autre.
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