Chapitre 30 : Le prénom.

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“Et qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus, répondit-il d’un ton étrangement calme. Que ma mère est morte ? Violer, trainer dans les escaliers par cet enfoiré…

- Non, ce que tu dis là n’aidera pas...

- Vous vouliez que je parle, non ? Bah voilà, elle est morte. Comme tout le reste, d’ailleurs. Mes potes, l’amour de ma vie, et ma mère. Manquerait plus que ce fils de pute crève, et tout serait paaaarfait !”.


***

Après une longue soirée au poste de police en garde à vue, Chuck fit libérer Dossan qu’ils avaient gardés plus dans son intérêt que dans leurs siens. Il ne fallut que quelques billets de plus pour le couvrir de ses excès de violence et les formalités attendraient qu’il se soit remis du choc. Il avait mis son avocat sur le coup pour gérer tout ce qui concernait le décès, l’enterrement, l’héritage et sa défense. Dossan était incapable de gérer ne serait-ce qu’une seule de ces choses, se laissant balloter d’un point à l’autre. Le soir même, alors qu’il l’avait poussé jusque dans sa chambre, Blear apparut dans le couloir en compagnie de John-Eric.


  • Je veux le voir Chuck ! Je veux le soutenir et...
  • Non, il n’acceptera pas, même sans toi John, répondit-il d’un air désolé en déposant ses yeux topazes sur l’élégant jeune homme.
  • J’aimerais pourtant faire quelque chose, n’importe quoi…
  • Le mieux que vous puissiez faire est de vous en allez, il ne supportera pas plus de douleur. Je suis vraiment désolé, prenez plutôt des nouvelles de Louis et d’Alicia, je ne sais pas quand je pourrais aller les voir.

Ils repartirent comme ils étaient arrivés, désarmés et tristes d’être incapable de fournir une aide. Quand Chuck entra dans la chambre, il trouva son ami assis sur le rebord du lit, livide. Ses cheveux charbons tombaient sur ses yeux rouges et séchés, il était complétement vide. Chuck le regarda pitoyablement, avec peine, parcourant son corps affaissés et ses vêtements encore souillés de sang. Il l’aida à s’en débarrasser et le poussa jusqu’à la douche, prenant place sur la cuvette le temps qu’il resta a broyé du noir sous l’eau. Comme une lavette, il essora ses cheveux, recouvrit délicatement son corps nu d’un essuie. Une fois propre et lavé de toute corruption, il le guida jusqu’au lit où il se laissa tomber sur le ventre. La tête dans l’oreiller, son nez devint rouge et ses yeux se remplirent de larmes. Chuck s’allongea pour étreindre ce corps si mince et si fragile. La grimace sur le visage de Dossan lui brisa le cœur et la main qui se raccrochait à la sienne lui fit honteusement du bien.

  • Ne m’abandonne pas, geint-il entre deux sanglots.
  • Jamais, lui assura-t-il.
  • Ma mère, déglutit-il sans pouvoir continuer sa phrase.

Il le serra un peu plus fort, ramenant sa tête contre son torse où il se blottissait fébrilement. Les cris qui sortirent par la suite de sa gorge, expulsés à pleins poumons et déchirant, saignait son cœur.

Le lendemain matin, Dossan se réveilla au milieu de ses trois amis, tous serrés comme des sardines dans le grand lit. Il ne manquait que Louis, dont la simple pensée le fit paniquer. Il réveilla les garçons lorsqu’il s’effondra au sol, après s’être précipité hors du lit. Il n’avait plus de force. Michael vint l’aider à se relever, s’effarant du visage creusé de Dossan.

  • Où est Louis ? demanda-t-il d’une voix basse.

Elliot et Michael échangèrent un regard, puis s’arrêtèrent tout deux sur Chuck qui ne savait pas non plus ce qu’il en était. Quand le roux annonça qu’il était dans le coma, Dossan se remit à trembler, entamant une nouvelle crise. Il était convaincu que tout était de sa faute. C'est lui qui l’avait blessé et il ne voulait rien entendre d'autre.

  • Les médecins pensent qu’il se réveillera très prochainement et Alicia va bien aussi, Dossan, tu n’y es pour rien, le rassura Michael.
  • Alicia, va bien ? s’interloqua-t-il, et ?
  • Sa fille aussi, sourit-il, tu vois, elle avait même raison sur le fait que ce serait une fille…
  • Louis n’a même pas pu y assister, à cause de moi, marmonna-t-il. Elle ne me pardonnera jamais…
  • Bien sûr que si ! Et elle veut te voir, s’en alla Elliot.
  • Non !!

A l'idée de s'imaginer aller la voir, il se remit à crier et à se faire du mal en se griffant les avant-bras pour se punir. Chuck l’empêcha de se taper la tête contre le mur et lui colla une gifle pour le calmer. En voyant la folie dans ses yeux, il prit une décision. Celle de me l’apporter, même de force.


Je le reçus le jour qui suivit le jugement de son père . Celui-ci serait placé dans l'aile psychiatrique de la prison où il serait envoyé. Dépourvu d’humanité, il retourna mon bureau sens dessus dessous. Il lança tout ce qu’il trouvait sous la main, brisa tout ce qu’il pouvait casser. Cette haine qu’il me montrait découlait d’une grande tristesse, d’un profond désespoir. C’est seulement quand il se coinça dans un coin de la pièce, en boule parmi les débris, pleurant sa détresse que je réussis à l'approcher. Il ressemblait à un animal sauvage, blessé, prêt à mordre la main qui viendrait le sortir de ce cauchemar. Je la déposais doucement sur le haut de son crâne, caressant sa chevelure d’un geste affectueux. Le regard noir qu’il me lançait ne m’effrayait pas car j’y voyais un appel à l’aide. Il avait simplement vécu trop de tragédie. Un père qui le bat depuis sa tendre enfance, une mère soumise et faible succombant à ses coups. Il n’avait même pas été présent pour l’aider. Dans un coin de sa tête, il aurait préféré trouver la mort en même temps que sa mère. Ses sourires forcés, le réconfort qu’elle lui apportait malgré tout, il regrettait qu’elle ait souffert autant de temps. Et en un autre sens, il aurait tellement voulu la garder à ses côtés. Il avait tout simplement été incapable de la sauver. Tout ce qu’il pouvait faire maintenant, c’était pleurer et ce, loin des bras de la femme qu’il aimait. Il avait quitté Blear, respecter les lois qui l’entouraient pour son bien, pour celui de son enfant et même pour John-Eric. Il avait arrêté d’aller en cours, la vue du couple trop dur à supporter. Il s’était éloigné de tous ses amis, persuadé qu’il valait mieux pour les uns et les autres qu’il s’en aille. Mais dès l’instant où il avait passé le cap de les rejeter, il comprit qu’ils s’étaient sentis trahis. Jamais, ils ne lui pardonneraient d’avoir refusé de se joindre à leur promesse. Il avait été si cruel envers Blear et lui avait dit les pires horreurs. Peut-être même qu’elle ne l’aimait plus ? Qu’elle s’était fait à l’idée qu’il ne l’attendrait pas ? C’était bien évidemment un mensonge, jamais il ne cesserait de l’aimer. Mais il avait été plus facile de les abandonner avant qu’eux ne le fassent. Il pensait que partir loin de ce qui lui causait autant de peine serait la bonne solution. Cependant, à forcer de trop s’éloigner, de trop s’enfoncer dans cette fausse bulle de bonheur, il s’y était perdu. En touchant à l’alcool, il prit goût à l’ivresse, à l’impression d’oublier tous ses problèmes. En prenant de la drogue, il apprit à planer, à ne plus ressentir la douleur. La fête avec les membres du groupe, les baisers réconfortant seulement le temps d’une nuit, la musique tout simplement, n’existait en fait que pour lui rappeler ces souffrances. Et quand il chantait sur scène, dansant, voltigeant sous les cris des fans, il avait l’impression d’être quelqu'un, d'être aimer le temps d’une soirée. Pour ressentir cet amour à nouveau, il s’enfonçait un peu plus chaque jour dans la débauche. Encore et encore, concert après concert. Il ne lui fallut que très peu de temps pour se rendre compte que l’amour qu’il cherchait ne résidait pas en ces actes et ces personnes, mais bien en ceux qui l’attendaient, sans qu’il le sache. Cette façon de vivre, la prise de risques, il ne connaissait plus que cette manière pour se sentir en vie. Au détriment de quoi ? La vie de sa mère. Il était persuadé de l’avoir tué. Non pas l’homme fou, le paranoïaque, son bourreau, mais bien lui. Il estimait qu’il avait cédé à la folie par sa faute. Par son mauvais comportement, par sa façon d’être, il avait tout gâcher. Il était même sûr et certain qu’Alicia et Louis lui en voudrait pour toujours de les avoir privé de leur premier rôle en tant que parents : être tous deux présents à la naissance de leur fille.


  • Tu ne le sauras qu’en allant lui rendre visite…
  • Non, je ne peux pas… Comment pourrais-je la regarder des yeux après tout ça..
  • Dossan, si tu t’en veux autant, alors c’est la meilleure chose que tu puisses faire. Si elle t'en voulait, ne penses-tu pas qu’elle voudrait que tu t’excuses ? Bien que je sois certaine que ce ne soit pas le cas, tu lui dois bien une visite. Tu leur dois tous une visite parce qu’ils n’ont cessés de s’inquiéter pour toi et tu n’auras jamais autant besoin d’eux qu’en ce moment même, lui confiais-je.
  • L’enterrement, laissa-t-il échapper douloureusement.
  • Il a lieu demain matin, n’est-ce pas ? Que penses-tu d’aller voir Alicia et sa fille après ? Si tu as peur d’y aller seul, je peux t’accom…
  • Non, j’irais seul, quand… je serais prêt…
  • C’est une promesse ? fis-je en lui tendant mon petit doigt.

Il l’attrapa difficilement, mais lorsqu’il le croisa au mien, je vis dans ses yeux qu’il fournissait un réel effort et l'envie de revenir vers ses amis. Et c’est de cette manière que depuis longtemps, il fit un pas vers nous.


***

Bien qu’il eût l’habitude de se vêtir de noir, en cette matinée il n’arriva pas à prendre goût à sa couleur emblématique. Il refusa la présence de Richess à l’enterrement, il refusa tout simplement de vivre cet instant avec d’autres. Il eut pourtant droit à un défilé dans sa chambre le matin même et il fut difficile de contenir ses larmes quand il reçut une rose blanche de la part de chacun de ses amis. Marry lui apporta celle où il y avait le nom de Blear accroché dessus et elle l’aida à s’habiller. Quand il lui avoua qu’il ne voulait s’habiller de noir, elle fit un aller-retour jusqu’à la chambre de Chuck où elle découvrit Pris à moitié nu dans son lit. Sans y prêter attention, elle s’arma d’une chemise blanche et d’un pantalon souris alors que la dite lui hurlait dessus.

  • Je suis venue ici avant toi, pouffiasse !

Chose faite, elle lui tendit la tenue choisi en hâte, dont le résultat la satisfait pleinement. Il ressemblait à un ange déchu, vêtu de blanc, en parfait contraste avec ses plumes noires. Il n’eut le choix de laisser Chuck l’accompagner et devant l’église son cœur se serra par le peu de personne présente pour sa mère. Elle n’avait plus qu’une sœur qui avait écopé de quatre enfants et seuls ses grands-paternels avaient osé se montrer dans la famille de son père. Ceux-ci s’outrèrent de sa tenue, digne d’un mariage. Dossan dû forcer Chuck à s’en aller qui lui laissa les roses entre les mains.

Après la courte cérémonie, seul face à la tombe où ils descendaient le cercueil, il fut heureux de ressentir la présence de ses amis, à chaque fois qu’il y lança une rose. Il y resta longuement, accroupi face à la photo de sa mère dont les cheveux noirs ressortait, il versa tant de larmes qu’il arrosa tout le part terre. Avant de partir, il n’arriva pas à quitter le cadre car il ne savait guère s’il avait ne serait-ce qu’une autre photo d’elle.

Le temps d’aller à l’hôpital arriva. Il choisit un moment ou il serrait seul avec elle. Quand il arriva dans sa chambre, plus nerveux que jamais, il eut la mauvaise surprise de ne pas l’y voir. L’infirmière l’informa qu’il venait de la déplacer dans la chambre de Louis. Il ressentit plus de honte que de soulagement, lorsqu’elle lui lança un sourire tendre à son arrivée. Instantanément, en découvrant son ami branché aux machines et les blessures due à sa césarienne, il se mit à pleurer.


  • Je suis désolé, sanglota-t-il, je suis tellement désolé.
  • Et de quoi donc ? De m’avoir permis de découvrir cette petite puce un mois plus tôt ? Elle est en parfaite santé, tu sais ? Est-ce que nous pouvons la voir ? demanda-t-elle à l’infirmière qui s’empressa d’aller la chercher.
  • Mais pourquoi elle n’est pas avec toi ? Et Louis, la césarienne… Tout est de ma faute, Alicia si je…
  • Je suis contente que tu sois venu, le coupa-t-elle, c’est tout ce qui compte.

Quelques instants d’après, l’infirmière arriva avec la couveuse où séjournait la toute petite fille d’Alicia et Louis. Elle l’aida à la placer dans le creux de ses bras, Alicia était légèrement maladroite. Dossan vint instantanément soutenir sa tête, s’attendrissant et se brisant en voyant qu'elle avait hérité des yeux bleus de Louis.

 

  • Pourquoi est-ce que tu pleures encore ? rit soudainement Alicia.
  • Louis n’aura même pas été présent et moi je suis là, à contempler sa fille…
  • C’est vrai, c’est dommage, dit-elle tristement, mais tu n’es certainement pas celui qui a causé ça. Je suis certaine qu’il se réveillera très bientôt et je pourrais lui présenter à ce moment-là, fit-elle en jetant un regard amoureux à Louis qui ne sut lui rendre la pareille.
  • Tu ne l’appelles pas par son prénom, est-ce que par hasard.... ?
  • Julie ? Alexandra ? Nous n’avions pas encore décidé, répondit-elle d’un air perdue. Les médecins disent que je suis obligé de lui en donner un, mais je n’arrive pas à me décider. Ce n’est pas ta faute, répéta-t-elle en découvrant son visage dépité. Moi aussi je m’en veux, je suis désolée de ne pas avoir pu venir à l’enterrement.
  • Tu n’y es pour rien, tu donnais la vie, fit-il en esquissant un sourire triste tandis qu’il jetait un œil à la photo de sa mère.
  • Est-ce que je peux la voir ? Après autant de temps à te connaître, je ne l’ai vu que rarement. Si belle, s’impressionna-t-elle en sondant la photo. Madame Dan’s, votre fils est la personne la plus courageuse et la plus forte que je connaisse. C’est quelqu’un de doux, de gentil et de loyal, jamais je n’aurais cru avoir un si bon meilleur ami. Vous avez bien travaillé, car je ne doute pas une seconde qu’il tire tous ses bons côtés de vous. Portez-vous bien, au paradis des meilleurs mamans. J’espère que vous rencontrerez la mienne, rit-elle en déposant un baiser sur le cadre puis en le retournant.
  • Alicia, merci, souffla Dossan ému.
  • Je vois, c’est bon j’ai trouvé ! s’exclama-t-elle soudainement à l’en faire sursauter, ma fille est née le jour où ta mère est partie, alors est-ce que tu m’autorises à lui donner son prénom ? En son honneur ? sourit-elle en déposant son doigt sur le nom inscrit derrière le cadre.
  • Comme elle… Tu sais que tu n’es pas obligé, et si Louis n’aime pas ? s’inquieta-t-il alors qu’il tentait de garder ses larmes.
  • Si c’est pour lui rendre hommage, je suis certaine qu’il serait d’accord, alors qu’en dis-tu ? Kimi, ça lui va à merveille, tu ne trouves pas ?

Elle lui montra sa fille d’un mouvement, glissant son doigt dans sa petite main, pendant qu’elle lui rendait son plus beau sourire. À ce moment-là, il ne put s’empêcher de faire de même et quand il sentit ses minuscules doigts se serrer autour de son index, il sentit son cœur se serrer, puis une vague de bonheur le traverser. La petite tête blonde qui se tenait devant lui serait aimé et élever par deux des personnes en qui il avait le plus confiance. Tournant la tête vers Louis comme pour chercher son approbation, il prit cet air paisible sur son visage pour un “oui”. Une larme roulant sur sa joue, il hocha alors frénétiquement de la tête, en guise d’acceptation, mais surtout en guise de remerciement pour lui avoir transmis le prénom de sa mère.

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