Oyez oyez, joyeux drilles, chevaliers et ladies, passants et repoussants, fier-à-bras et simples d'esprits !

Voici l'histoire ! (Attention, je prévoirai des arrêts fréquents, pour les pauses pipi et les impatients)

Ah ! Non, pardon, d'abord l'introduction !

Le noble et féerique duché de Maravut-pied-des-monts-glaviot-et-rack-sur-mer – qui, au passage, avait remporté le concours du plus long nom de duché du royaume, sinon du monde –, souffrait régulièrement de sa splendide noblesse et de son intense féerie...

On pouvait encore tolérer les quelques mégalomanies des sang-bleus, qui, comme partout, ne savaient plus que faire de leurs écus, et, non contents de vivre la vie de château, se lançaient dans la construction de casinos pharaoniques où de toute façon personne ne se rendait, vu que tout le monde était pauvre, sauf eux.

La féerie, en revanche, était devenue bien trop envahissante et ce depuis plusieurs années. Les habitants n'en pouvaient plus. Quelques fées, ça va. Ça décore, enchante, ajoute des couleurs aux champs de fleurs. Un dragon, à la rigueur. Ça invite au tourisme, avec visite des grottes en bateau et, moyennant supplément : son et lumière au gré des rugissements et des flammes arquées. Quelques centaures, dans les forêts, ça emplit les cœurs, fait fuir les bandits, les voleurs. Les sorciers, les sorcières, cachés dans leurs huttes, attirent le chaland, ça fait de l'argent, qui ruisselle ensuite sur le duché... C'est connu, l'argent ruisselle... Enfin passons !

Ainsi, Maravut-pied-des-monts-glaviot-et-rack-sur-mer souffrait d'un tel excès de féerie qu'il évoquait un parc d'attraction ayant vu ses animations prendre le pas sur les visiteurs. Les créatures magiques pullulaient tel des lapins sous aphrodisaques et empêchaient de plus en plus les citoyens de vivre.

Ils n'en pouvaient plus de ces fées qui, hystériques, glapissaient jour et nuit sous leurs fenêtres, au motif que « Non, c'est ma fleur ! — Dégage de là, sale truie, j'l'ai vue en premier ! — Ne parlez pas comme cela devant mes quinze larves, c'est inconvenant ! — Et la contraception ça existe, trainée ! ». Leurs querelles finissaient souvent écrasées, comme elles, sous les mailles des tapettes à mouches – rebaptisées, pour l´occasion, en tapettes à moches.

Les citoyens exécraient les bandes de dragons qui, délinquants, faisaient des barbecues, à quinze ; accompagnés du bétail qui n'avait rien demandé. Ils mangeaient trop, déjà, les troupeaux entiers y passaient ; et surtout ils buvaient... Et un dragon avec un coup dans l'aile – disons-le – ça ne fait pas que raconter des blagues salaces, ça fait des dégâts ! Et puis, la fumée, franchement, ça pollue grave, diantre !

Le peuple ne savait plus quoi faire des centaures par centaines qui, en galopant sans cesse, bousillaient les récoltes, piétinaient les terres fraîchement retournées. Guère sympas, ils kidnappaient régulièrement les jeunes filles à marier. Leurs dots disparaissaient avec elles, dans les sillages de leurs sabots d'hybrides... Tant de fric perdu !

Les villageois abhorraient les sorciers et les sorcières qui, non contents d'avoir enfin saisi qu'ils étaient sexuellement compatibles, n'en pouvaient plus de se multiplier, formant des dynasties entières, bâtissant des villages, des châteaux, des fiefs, des péninsules ! Il se murmurait même qu'ils fondaient une école... L'écoles des sorciers – « N'importe quoi » disaient en choeur les Maravut-pied-des-monts-glaviot-et-rack-sur-meriens, passablement racistes « Et bientôt ils inventeront un sport d'équipe sur balais, peut-être ? » ajoutaient-ils en partant de leurs rire gras.

Pour ainsi dire, la féerie était devenue un fléau. Et la grande duchesse, qui comptait ses millions, comptait aussi y mettre fin. Tous ces enchantements, magies et créatures, ne rapportaient plus un sou et ne l'enchantaient guère.

Elle convoqua tout un tas de gens pour régler le problème. De chaque coin du royaume les aventuriers affluèrent et vinrent gonfler de leurs cliques la région déjà surpeuplée.

C'est là que notre histoire commence.