Graf Garmer von Grugger est déprimé.
Cinq ans plus tôt sur Terre.
La fin du 23ème siècle fut terrible, tant pour l’humanité que pour la Terre. Après diverses pandémies, un hiver nucléaire, une énième guerre des ressources, ainsi que celle menée contre les androïdes et l’alliance des planètes extérieures, la Terre était devenue un vaste champ de ruines.
D’un peu plus de 18 milliards, la population humaine était retombée à moins de 2 milliards d’habitants.
Sa géographie elle-même avait été modifiée par le nombre invraisemblable des cratères qui la défiguraient. Pour plusieurs milliers d’années à venir, des régions entières seraient infectées par les radiations et une pollution chronique.
Dans les régions épargnées par les combats, une succession de catastrophes s’enchaina sans interruption.
Cela commença par la disparition progressive du pouvoir des États qui une fois de plus étaient en cessation de paiement. Dans un premier temps, elles tentèrent comme à leur habitude de privatiser toutes leurs ressources. Puis ce fut à la demande des plus riches, l’abandon de l’idée de démocratie et de sa vision du bien public et de ses lois égalitaristes.
Ainsi naquît l’ère du chaos et de l’anarchie.
Il n’en fallut pas plus pour qu’émerge un pouvoir autoritaire. Il était évidemment détenu par les Néo-Capitalistes. Ce gouvernement se voulait mondial. Il avait le visage des Écolobobos et du clergé de l’Ecclésiaste.
Tous deux étaient à la botte des multinationales, de ces géants de la technologie, de l’agroalimentaire et du complexe militaro-industriel, qui avaient profité de la crise et de l’effondrement qui s’en suivit, pour poursuivre et accroitre leur mainmises sur l’économie et sur le pouvoir politique d’états moribonds.
C’était donc sous couvert d’une transition énergétique et écologique, qu’ils avaient acquis le contrôle absolu de l’économie et des communautés. Ainsi grâce aux énormes fortunes amassés dues à la spéculation, et aux prix exorbitants de toutes les ressources essentielles, les Néo-Capitalistes qui avaient pris pour acronyme CETC, que l’on prononçait 7, acquirent le monopole de la gestion de l’air et de l’eau.
Cela tombait bien, car l’étendue des zones contaminées, nécessitaient la construction d’énormes centrales d’épuration de l’eau, de fermes énergétiques et de tours de filtrations de l’air. Ce cout ahurissant entraina l’accroissement des impôts et des taxes.
Dans un premier temps, la CETC mit sur le devant de la scène les Écolobobos et la religion de l’Ecclésiaste.
Le but affiché de cette étrange troïka était de prévenir les guerres, les famines, et surtout d’encadrer le progrès. Toutefois sa finalité réelle était de ne plus assister la plus grande partie de l’humanité, mais de l’exploiter comme une ressource.
Il s’en suivit que plus des deux tiers de la population, incapable de payer les prix élevés, tant pour boire que respirer, perdit tous ses privilèges. Cette plèbe qu’on appela bien vite les « sans droits » puis les « SD », fut forcée de se « vendre » comme « asservis », mais en pratique ils furent assimilés à des esclaves, devenant ainsi la propriété des grandes entreprises. En outre, un grand nombre de dissidents, d’hérétiques et de non-conformistes furent privés de tous leurs droits (ainsi que leurs familles), ajoutant un nombre croissant de serfs et d’esclaves.
Le plan de cette troïka était aussi simple qu’implacable. Faire une première sélection par l’argent, l’intelligence et le physique sur les deux milliards d’humains restant.
Monopoliser l’Australie, en faire leur fief exclusif et découper le reste du monde en 12 zones d’exploitation.
Ainsi cette iles continent fut transformée pour des milliers d’années en paradis pour nantis, en enfer pour leurs esclaves.
Pour arriver à ce résultat, il fallut réorganiser les classes sociales sur un modèle strictes de castes de type Indouiste. C’était ce que le philosophe Nayaka Sapa*, appelait « Une société en forme de cloche. »
On était revenu à une vision plus que simplifiée de la Société.
Tout au sommet, il y avait le Cartel Suprême, fort de 1000 individus, qui nommait parmi les siens, les Administrateurs de Zones, ou AZ.
En dessous, mais toujours au sommet, il y avait les Citoyens Alpha, tous actionnaires des Multinationales ou CA. Ils représentaient environ 1/10000 ème de la population mondiale. Ils étaient riches et disposaient de la technologie moderne. Ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient, sous réserve de ne pas déplaire à un membre du Cartel et de payer l’impôt.
Puis, il y avait les Status Centralis, ou SC. Ils n’avaient aucuns rapports avec le Cartel, mais servaient de personnel d’encadrement au service des Alphas.
Il fallait compter en moyenne 20 SC pour 1 CA.
Plus bas, il y avait les Lambdas, ou L, Au nombre de 4 millions.
Et en bas et jusqu’à la base, il y avait les esclaves, 200 voir plus pour 1 Citoyen Alpha. Ils servaient aussi bien chez les Alpha que chez les Status Centralis ou les Lambdas. C’étaient des condamnés parmi les SC ou des droits communs pour des faits bénins chez les L : dettes, vol, avoir déplu à un citoyen Alpha.
C'était aussi les descendants d’esclaves de la première sélection du 23ème siècle, ou le résultat de rapts ou d’opérations de police dans l’une des 12 zones.
Les condamnés pour des faits graves servaient aux expériences génétiques.
Dépendant du Cartel et des Citoyens Alpha, il y avait les gens d’armes : militaires, policiers, gardes privés, généticiens, informaticiens, ils faisaient partie des Status Centralis.
Seuls le Cartel, les Citoyens Alpha et la frange supérieur des Status Centralis avaient accès à la technologie de pointe.
Depuis, très longtemps, il n’y avait plus de carte d’identité, de passeport, de permis de conduire, de cartes de crédit. Tous les membres du Cartel, tous les Citoyens Alpha, les Status Centralis et les Lambda avaient une minuscule puce dans leur organisme, où tous les renseignements les concernant étaient consignés. Il était impossible d’extraire cette puce.
Pour ce qui était du reste du monde, il fut comme on l’a dit, découpé en 12 zones qui étaient peuplées par le reste de l’humanité.
Avec le temps, Ils oublièrent même l’existence du Cartel Suprême, des Citoyens Alpha et de l’Australie. Ils vivaient comme au Moyen Age, sans aucune technologie, ce qui était pour le Cartel un gage de paix ou de conflits limités.
Néanmoins, il existait des centres de surveillances tenus par des AZ. Ils étaient dissimulés, car ils se situaient sous des dômes au centre des zones les plus contaminées.
***
Graf Garmer von Grugger, en ce début de juillet, était plus déprimé que jamais. Il envisageait même de démissionner de ses fonctions d’Administrateurs des Régions Centre Europe. Il désirait repartir à zéro sur une des nouvelles planètes récemment colonisés.
Mais avant cela, il avait une dernière traque sur les bras. Il ne voulait pas laisser de cadavres dans un placard. Quoique si justement il s’agissait d’abattre trois individus.
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