Chapitre 6 : Maureen, dimanche 13 mars 2005
Les mains sur les hanches, le regard de Maureen faisait le tour de la boutique. Les parfums embaumaient et les fleurs de printemps égayaient l'intérieur de leurs couleurs tendres. Elle était prête à ouvrir, ne lui restait qu'à disposer quelques belles potées sur le trottoir.
Cela faisait tout juste six mois qu'elle s'était installée. Sa boutique se trouvait dans une rue assez animée et commerçante, à la limite du centre-ville de Glasgow, sur la colline au nord de la Clyde. Le précédent locataire avait tenu là un petit magasin d'informatique et voulait partir pour un lieu plus grand. Cela avait été l'idéal pour la jeune femme : une pièce assez vaste pour le magasin et une autre petite attenante, où elle pouvait ranger son matériel, ses stocks. Et surtout, un appartement meublé à l'étage au-dessus. Ainsi, elle n'avait aucun frais de déplacement, ni même pour se loger. Tout au plus avait-elle eu besoin de racheter un peu de vaisselle, de linge de maison, mais rien de coûteux. Le divorce avait été prononcé au détriment de Brian car Maureen avait pu prouver qu'il avait quitté le domicile conjugal. Elle avait alors bénéficié d'une petite somme d'argent qui lui avait permis de financer ses premiers mois de loyer à Glasgow et de payer son billet pour l'Ecosse.
Six mois déjà. Sa première journée lui paraissait à la fois si loin et si proche. Cette première journée au cours de laquelle elle avait vendu trois bouquets et avait fait la connaissance d'autres commerçants de la rue. La plupart s'étaient montrés accueillants et plutôt contents de la voir s'installer, notamment une vendeuse de vêtements féminins. La clientèle de Maureen pourrait être attirée par sa propre boutique et réciproquement.
Elle se fit vite et bien à Glasgow, à son nouveau quartier, à ses nouveaux voisins. Elle avait sympathisé rapidement avec les propriétaires d'un pub situé en haut de la rue, à un carrefour. Certains soirs, quand elle se sentait un peu seule, elle mangeait facilement chez eux. En fin de semaine, ils avaient pris l'habitude de lui acheter deux ou trois bouquets pour décorer leur comptoir.
Au cours de ces six mois écoulés, elle avait connu des hauts et des bas. Une semaine catastrophique au mois de novembre, précédant de peu un mois de décembre plus satisfaisant au cours duquel elle avait bien vendu grâce à des compositions originales et des décorations de table aux couleurs de Noël. Puis le début d'année s'était poursuivi dans de meilleures conditions et elle avait vu le printemps arriver avec satisfaction.
Jusqu'à ce dimanche de début mars où, alors que rien ne l'annonçait, sa vie allait basculer.
**
C'était un dimanche de tout début de printemps, un printemps encore timide, mais qui, pas à pas, prenait le dessus sur l'hiver. Les jours rallongeaient, les nuages gris s'étiraient et laissaient voir de plus en plus de ciel bleu. Une petite vague de redoux avait fait sortir les habitants et Maureen sentait la reprise s'engager. Sa voisine, la vendeuse de vêtements, avait le sourire. Les clientes avaient envie de changement et Maureen remarqua bien vite que ses petits bouquets ronds, colorés et lumineux, rencontraient un certain succès.
Elle vendit bien, ce matin-là. Tous ses bouquets ronds partirent vite et elle dut en refaire trois pour des clients plus tardifs. Elle reçut la visite d'une jeune femme qui faisait toujours son jogging le dimanche et avait pris l'habitude d'acheter un petit bouquet de roses avant de rentrer chez elle. Elle avait vu aussi un couple qui venait régulièrement, peut-être deux à trois fois par mois. Ainsi qu'une dame qui rendait visite à sa mère chaque fin de semaine et lui apportait toujours un bouquet.
L'heure de la fermeture approchait. Elle commença à ranger certaines fleurs dans l'arrière-boutique et comptait encore laisser pour un bon quart d'heure au moins les plantes sur le trottoir. Elle était en train de trier quelques fleurs quand le carillon de la porte résonna.
Elle ne savait pas encore qu'elle allait rencontrer l'homme de sa vie.
Mickaël.
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