Chapitre 27 : vendredi 22 avril 2005
Au retour de la criée, Mickaël rentra directement chez lui. Il commença par préparer un petit ragoût, avec des morceaux de viandes différentes, bœuf, agneau et porc, des carottes, des poireaux et des petits navets. Pendant que le plat mijotait à feu doux, il entama quelques préparatifs pour le repas du dimanche, ce qui fut assez rapide et succinct : l'essentiel des préparations se ferait le matin-même. Puis il s'activa à faire un peu de rangement, mangea sur le pouce.
Il s'offrit cependant une pause avant de retourner au restaurant, d'abord par une courte sieste réparatrice, puis avec un thé. Il n'hésita pas longtemps : Harmonieux était ce qu'il préférait boire ces temps-ci, du moins quand il avait un moment tranquille.
Mickaël s'installa sur une des chaises de la cuisine, face à la fenêtre, la tasse à la main. Les volutes parfumées qui en montaient lui faisaient immanquablement penser à Maureen. A cette heure, elle avait rouvert sa boutique et s'activait certainement à préparer des bouquets ronds qui partiraient bien d'ici le lendemain. Peut-être profitait-elle aussi de son début d'après-midi, plus calme, pour avancer une des commandes qu'elle devait confectionner. Son petit commerce tournait plutôt bien, de ce qu'il pouvait en juger et quand elle lui en parlait, il la sentait sereine.
Depuis quelques jours, les pensées de Mickaël s'attardaient surtout sur une question particulière. Il ne regrettait nullement de lui avoir avoué ses propres sentiments, l'attitude de Maureen depuis leur balade à Edimbourg avait cependant de quoi l'interpeller. Certes, elle ne lui avait pas répondu et n'avait pas parlé de ce qu'elle éprouvait pour lui, mais il ne pouvait oublier ses larmes et son émotion.
"Mes mots l'ont touchée, cela est certain", se dit-il en buvant une première gorgée de thé. "Mais elle a toujours peur de quelque chose. Et je n'arrive pas à savoir de quoi... Je peux comprendre qu'elle n'ait pas voulu faire connaissance avec ma famille. Elle n'a pas dit un non définitif à ce sujet d'ailleurs, j'ai plus le sentiment qu'elle trouvait que c'était un peu rapide. Soit, ce n'est pas un souci. Là aussi, on peut prendre le temps. Elle devient plus audacieuse, aussi. J'ai adoré son strip-tease... et les dessous neufs qu'elle portait. Wahou... Sam me dirait qu'elle était bandante, et il n'aurait pas tort... Plus sérieusement, elle était vraiment belle et émouvante ainsi. Elle est parfois intimidée, hésitante, et en cela, elle est très différente de Betty... Pour moi, elle ne manque pas de confiance en elle, elle a peut-être juste besoin d'être un peu encouragée. Je me demande si ses parents ont su lui manifester de la confiance quand elle était plus jeune, s'ils ont accepté aussi qu'elle ouvre son commerce. C'est bizarre qu'elle ne parle jamais d'eux... Il a dû se passer quelque chose, mais quoi ?"
Il reprit quelques gorgées, en se disant que Maureen gardait encore bien des mystères pour lui, ce qui n'était vraiment pas un problème.
"Finalement, ce n'est pas plus mal qu'elle préfère ne pas venir dimanche. Ca aurait été embarrassant pour elle, et un peu "clopin-clopant" pour nous deux aussi. Sans compter que Véra aurait fait sa curieuse et ça, je ne suis pas certain que Maureen soit prête à affronter les questions de ma sœur. Non, parti comme c'est parti, c'est Mummy qui sera la première à faire sa connaissance et, ma foi, cela ne me déplaît pas..."
Son visage s'illumina alors d'un grand sourire : la semaine de relâche approchait, il allait sérieusement pouvoir envisager de retourner dans les Highlands.
Avec Maureen.
**
En repartant au restaurant, Mickaël fit un détour par chez Maureen. Il avait pu placer dans le panier de son vélo un grand récipient contenant une bonne partie du ragoût. Il voulait le lui laisser pour qu'elle puisse en faire son repas du soir et ils auraient également de quoi manger tous les deux pour le lendemain midi.
Elle était seule dans la boutique quand il entra, portant avec précaution le récipient encore tiède.
- Ca va ? demanda-t-il.
- Oui, et toi ? Oh, qu'apportes-tu ?
- De quoi manger pour toi ce soir et pour nous deux, demain midi. J'irai tôt à la criée, mais je rentrerai tôt aussi : Harris se charge de passer aux halles. On coupe la poire en deux souvent le samedi, ça me fait moins de fatigue. Je reviendrai chez moi me reposer, puis je passerai pour déjeuner avec toi si ça te va.
- Oui, bien sûr, répondit-elle en souriant. Il faut mettre cela au frais ?
- Pas tout de suite, c'est encore tiède. C'est ouvert, là-haut ?
- Oui, tu peux monter.
- Ok.
Il fit rapidement le tour par la cour, grimpa à l'étage, puis redescendit après avoir déposé son précieux chargement dans la cuisine. Il retrouva Maureen en boutique, elle s'occupait d'un client et il resta dans la réserve, à regarder les fleurs qu'elle avait mises de côté pour lui. Quand le client partit, elle le rejoignit et lui dit :
- Ca ira ?
- Oui, très bien, fit-il d'un air concentré. Je suis déjà en train d'imaginer ce que je vais faire avec les pétales de cette rose, cette couleur un peu originale...
- J'ai pensé qu'elle te plairait, en effet, sourit Maureen, contente d'avoir deviné que cette couleur interpellerait très certainement le sens de l'esthétisme de Mickaël. Si cela te convient, je vais les emballer pour que tu les emmènes.
- Oui, c'est parfait. Merci, lui sourit-il.
Elle lui sourit en retour et ils gagnèrent la boutique. Maureen prépara rapidement l'emballage, coupa encore le bout des tiges. Puis Mickaël fit le tour du comptoir, la prit dans ses bras et l'embrassa longuement.
- A ce soir, soupira-t-il en abandonnant leur étreinte à regrets. Il faut que j'y aille.
- A ce soir, répondit-elle. Bon courage...
Elle lui ouvrit la porte, il installa le bouquet dans le panier, lui prit la main pour une dernière caresse, un dernier léger baiser sur ses lèvres, et il grimpa sur son vélo. Elle le regarda s'éloigner, d'abord tranquille, puis poussé par la vitesse dans la descente, avant qu'il ne disparaisse à ses yeux. Il avait agité une dernière fois la main et elle en avait souri.
"A ce soir".
Il y avait de la tendresse dans ces mots. Ceux de Mickaël, les siens également. "Peut-être que Lawra a raison, au fond, que je parviens quand même à lui montrer mes sentiments, même si je ne les ai pas exprimés aussi clairement que lui...", songea-t-elle en retournant dans sa boutique.
**
Mickaël rentra assez tard cette nuit-là, comme bien souvent en fin de semaine. Il n'était pas mécontent de la soirée. Il parvenait encore à surprendre des habitués, que ce soit par les saveurs ou par les décorations apportées par les fleurs de Maureen. Désormais, il avait le sentiment de l'associer pleinement à son travail, comme c'était le cas pour Sam et les autres cuisiniers. Jonathan progressait aussi de jour en jour ; cette semaine, il avait fait très peu d'erreurs et avait proposé quelques suggestions intéressantes. Mickaël appréciait vraiment le jeune homme et était heureux de participer à sa formation. C'était la première fois qu'il encadrait ainsi un stagiaire et il était content de l'expérience. Il ne la renouvellerait peut-être pas l'an prochain, mais une année sur deux, cela lui paraissait correct, du moins pour un stage aussi long que celui exigé par l'école d'Edimbourg où Jonathan avait poursuivi son cursus.
Un fin crachin accompagna son retour. Il pédala lentement, pour se détendre. Il appréciait toujours autant cette heure calme de la nuit. Il n'hésitait plus, désormais, sur le chemin qui le ramenait vers Maureen. Même quand il décidait de dormir chez lui, il repassait toujours par devant chez elle, comme pour s'assurer que tout allait bien pour elle, qu'elle dormait bien. Cette nuit, il n'alla pas plus loin que la boutique de la jeune femme, s'arrêta juste dans la ruelle qui menait à la cour par-derrière. Là, il entra le plus silencieusement possible, rangea son vélo au pied de l'escalier. Il prenait presque toute la place, mais c'était mieux que de le laisser au-dehors, sous la pluie.
Il ôta son imperméable et le suspendit à un crochet, puis grimpa l'escalier. Il enleva ses chaussures sur le palier, toujours avec le souci de faire le moins de bruit possible : l'appartement était plongé dans la pénombre, aucun bruit ne lui parvenait de la chambre. Quand il y entra, il constata que Maureen dormait à poings fermés.
Elle était allongée sur le flanc, lui tournant le dos, faisant face à la fenêtre. Il se coucha auprès d'elle, contemplant la ligne formée par son cou, ses épaules, sa hanche. Le drap la recouvrait jusqu'à mi-bras, lui révélant presque entièrement son dos. Il ne put s'empêcher de l'effleurer du bout d'un doigt. Il ne voulait pas la réveiller, juste s'offrir un petit moment de douceur avant de s'endormir.
Son doigt dessina la petite bosse de l'omoplate, remonta vers la nuque, couverte par les cheveux de Maureen. Il les repoussa doucement de son autre main, pour pouvoir continuer sa caresse. Lentement, il fit glisser son doigt le long de sa colonne vertébrale. Un premier frisson fit se dresser les petits poils de ses bras et l'interpella, alors qu'il se trouvait juste entre ses deux omoplates. Il s'arrêta là, dessina comme un petit cercle sur la vertèbre, puis sur le creux formé au-dessus avec la précédente. Ce fut un nouveau frisson. La jambe de Maureen se déploya sous le drap, sa respiration restait régulière. Il hésita à poursuivre. Il se redressa un peu, le drap glissa lentement, découvrant maintenant l'arrondi de son sein droit. Le rose de son téton tranchant avec la blancheur de sa peau éveilla son désir. "T'es mal parti pour dormir tout de suite, mon vieux...", songea-t-il avec amusement.
Il évita pourtant encore de se coller contre Maureen, mais son index n'avait pas cessé sa caresse dans le dos de la jeune femme. Elle battit légèrement des cils, soupira.
- Hum... Mickaël ?
- Oui, souffla-t-il à son oreille, heureux. Dors, je viens de rentrer. Tout va bien.
- Hum...
Elle ne bougea plus, son cœur s'était remis à battre plus normalement : elle était maintenant réveillée, mais en attente. Il n'avait pas bougé, observant toujours ses réactions tout en continuant sa caresse légère. Soudain, il la vit se mordre la lèvre et elle laissa échapper un soupir plus marqué. Alors il vint remplacer son doigt par ses lèvres, pour l'embrasser et la sucer à cet endroit précis de son dos. Elle étouffa un cri, gémit. Le corps de la jeune femme se tendit, comme pour lui échapper. Il l'accompagna dans son mouvement, ne lâchant pas ce petit coin si sensible. Un long frisson descendit tout du long du dos de Maureen, le drap glissa totalement, découvrant maintenant son ventre et ses hanches.
- Que... Qu'est-ce que tu fais ? gémit-elle.
- Chais pas... répondit-il. Juste que ça a l'air bon, alors je continue...
- Hum... Oui...
Maureen ouvrit les yeux, ne voyant déjà plus les murs de sa chambre. Comment faisait-il ? Comment faisait Mickaël pour, en la caressant et en l'embrassant juste là, lui procurer des sensations délicates et délicieuses au creux de son ventre ? Quel était ce chemin secret entre son dos et son petit bouton qui palpitait déjà ? Alors que rien ne l'avait effleuré, ni excité.
- Mickaël... C'est... Hum... Continue, s'il te plaît... Continue...
- Je n'ai pas l'intention de m'arrêter, grogna-t-il en continuant à sucer la petite zone de chair tendre.
Maureen se mit à respirer de plus en plus vite, haletante. Ses mains agrippèrent l'oreiller. Le plaisir était en train de prendre possession d'elle. Elle se retint encore, trop surprise par ce qui lui arrivait, par ce que Mickaël était en train de déclencher en elle. Les lèvres du jeune homme ne quittaient pas son dos, suçant avec application, provoquant le petit nerf si réactif. Elle gémit son prénom. Les mains de Mickaël glissèrent sur ses hanches, ses cuisses, pour se poser délicatement sur son petit bouton dardé qu'elles caressèrent tendrement. Maureen se perdit alors dans les volutes de sensations toutes plus exquises les unes que les autres, et d'autant plus qu'elles lui étaient totalement inconnues.
Elle ne revint pas de cet orgasme, s'endormant avant même d'avoir eu la force de rouvrir les yeux. Mickaël la regarda replonger dans le sommeil en souriant, heureux. Il remonta les draps sur eux, cala sa tête contre l'oreiller, entoura Maureen de ses bras et la rejoignit au pays de leurs rêves secrets, non sans lui avoir murmuré à l'oreille un "je t'aime" aussi doux que ses baisers.
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