Chapitre 52 : dimanche 5 juin 2005 (3ème partie)

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- Sam et Willy ont prévu de passer ce soir, ça vous dit de rester manger un morceau ? proposa Mickaël.

- Oh oui ! s'écria Léony, ravie à l'idée de revoir les amis de son tonton.

- Depuis quand ce sont les enfants qui décident ? gronda sa mère.

- Volontiers, ajouta Jimmy en adressant un grand sourire à sa femme.

- Bon, alors, allons-y, dit Mickaël. Ils doivent venir vers 18h.

Ils regagnèrent rapidement l'appartement de Mickaël, Léony ayant tenu à remonter en voiture avec eux et non avec ses parents.

- Thé, bière ? proposa Mickaël une fois arrivés.

- Bière, répondirent sa sœur et son beau-frère. Si Sam et Willy arrivent, autant être d'attaque !

Maureen sourit, Mickaël savait déjà qu'elle allait choisir le thé. Il se pencha vers elle, lui murmura un mot à l'oreille. Elle acquiesça d'un léger hochement de tête. Cette tendre complicité étonna Véra. Elle connaissait son frère, il était amoureux fou, cela crevait les yeux, et Maureen l'était tout autant. Elle fut cependant surprise par la grande connaissance qu'ils semblaient déjà avoir l'un de l'autre. "Se pourrait-il que ce soit enfin la bonne ? Elle a dû plaire à papa et maman, j'en suis certaine. Ils ne vont pas échapper à mes questions, ces deux-là... Quant à Mummy... Elle n'aura pas intérêt à me faire de cachotteries !"

- Tu n'es pas de Glasgow, Maureen ? demanda Véra. Tu n'as pas notre accent...

- Je viens de Dublin, répondit simplement la jeune femme qui se doutait bien que Véra ou Jimmy auraient fini par lui poser la question.

Car si Mickaël avait pu dire certaines choses à ses parents et à Mummy pour lui éviter des questions un peu trop gênantes, il n'avait pu faire de même avec sa sœur. Elle se rendit compte cependant qu'elle pouvait répondre à ce genre de questions avec simplicité et franchise, sans pour autant entrer dans des détails qui allaient la mettre en difficulté. Elle poursuivit, ce qui étonna un peu Mickaël qui pensait plutôt que la jeune femme allait attendre la question suivante de sa sœur :

- J'ai eu l'opportunité d'ouvrir un petit commerce à un prix raisonnable pour le bail, à Glasgow. Voilà pourquoi je suis ici.

Véra se contenta de l'explication sans penser le moins du monde que cela cachait autre chose. Elle découvrirait la vérité quelques jours plus tard, chez ses parents, avant de soumettre Mickaël à un nouvel interrogatoire en règle, cette fois, sans la présence de Maureen.

Elle était restée debout, appuyée contre le mur près de la fenêtre, et regardait son frère s'activer. Il avait déjà sorti de quoi faire une grande salade composée, pommes de terre froides, carottes qu'il était en train de râper, salade verte, poisson froid. Puis il prépara la sauce. Ses gestes étaient rapides, précis, il dosait les différents ingrédients au premier coup d'œil. Il réfléchit un instant, estima qu'il n'y aurait pas assez en poisson pour eux tous et se décida à faire quelques œufs durs pour compléter.

- Ca commence à devenir coquet, chez toi, Micky, lança Véra d'un ton taquin en désignant la fenêtre du menton.

- Petite surprise de Maureen d'hier soir, répondit-il. Joli choix, non ?

- Maureen ou les fleurs ?

Il n'eut pas le temps de répondre, car on sonna à la porte. Léony se précipita pour ouvrir et sauta dans les bras de Sam avant qu'il ait eu le temps de franchir le seuil.

- Bonsoir, ma petite fiancée ! lança Sam d'un ton badin. Comment vas-tu ?

- Très bien, Monsieur mon fiancé, répliqua la petite fille en riant.

Puis elle lui plaqua deux bises sonores sur les joues, avant de passer dans les bras de Willy en lui disant :

- Bonsoir à mon deuxième fiancé ! Mais c'est toi mon préféré !

William éclata de rire et la reposa à terre.

- Tu vas bien, Léony ?

- Oui ! J'ai passé la journée avec tonton, c'était drôlement bien.

Sam venait de refermer la porte derrière eux et s'avançait dans le couloir.

- Salut les jeunes ! Vous allez bien ? Tin, Jimmy, t'as pris du bide ?

- Non ! Je fais gaffe... Toi, en revanche...

- Moi ? Tu crois que j'ai le temps de prendre des kilos ?

- Non, j'allais dire que tu étais encore plus maigre que la dernière fois que je t'ai vu...

- Bon, charrie pas. Micky, file-moi donc une bière, j'ai le gosier sec. Willy m'a fait marcher...

- Vous êtes venus à pied ? demanda Mickaël en ouvrant la porte du réfrigérateur pour sortir deux bouteilles qu'il décapsula avant de les tendre à ses amis.

- On s'est juste garé dans la rue à côté, fit Willy. Je ne savais pas si les places allaient être libres devant chez toi et je n'avais pas envie de m'embêter à faire le demi-tour.

Mickaël hocha la tête. Willy salua Véra et Jimmy, puis fit la bise à Maureen.

- Tu vas bien, Maureen ?

- Oui, merci, William. Et toi ?

- Ca va. Les vacances approchent... Tiens, Micky, mets donc ça au frais, dit-il en sortant une bouteille de champagne d'un sac qu'il tenait à la main.

- Du champ', Willy ? Qu'est-ce que tu as à fêter ?

- Ma mutation ! répondit-il en faisant un grand sourire. Finie la banlieue de Glasgow pour moi...

- Tu vas où ? demanda Véra, curieuse.

- A Callander. Bon, c'est pas encore la campagne profonde, mais ça s'en rapproche.

- Tu t'éloignes des montagnes, fit remarquer Jimmy.

- C'est vrai, en convint William. Mais bon, je ferai deux-trois ans là-bas, peut-être un peu plus. Et qui sait ? Je serai peut-être à Fort William avant ces deux-là... ajouta-t-il en désignant Mickaël, puis Sam.

- Ca, c'est pas pour demain, fit Sam. Si tu crois qu'Harris va nous lâcher... Une paire comme nous !

- Moi, je pense qu'il fait plutôt pitié, cet homme, dit Véra. Devoir vous supporter Mickaël et toi... Enfin, surtout toi d'ailleurs...

- T'es pas chiée, Véra, rétorqua Sam. Plains-toi que je fais mal à manger !

Véra haussa les épaules. Elle connaissait la réputation de son frère et de Sam, mais cela n'avait pas grande valeur pour elle, du moins, sur le plan culinaire. Que son frère ait une bonne place était important, mais le reste...

Pendant qu'ils discutaient, Mickaël avait terminé les préparatifs du repas et commença à mettre la table avec l'aide de Maureen. Ils s'attablèrent tous, William déboucha la bouteille de champagne en guise d'apéritif. Maureen but juste une goutte dans le verre de Mickaël. Elle sourit plus d'une fois en entendant les réparties entre Sam et Véra qui monopolisaient quasiment la conversation à eux deux. Heureusement, Jimmy n'était pas en reste et elle discuta un peu plus avec William. Ce dernier lui expliqua en quoi consistait son projet professionnel. S'il avait été heureux de pouvoir enseigner dans une des écoles des quartiers pauvres de Glasgow, il avait aussi envie de voir autre chose et espérait depuis longtemps pouvoir partir "à la campagne". Mais il fallait un peu d'expérience pour cela. En partant pour Callander, l'année prochaine, il ne serait ni trop loin de Glasgow, ni d'Edimbourg, et allait vivre une expérience professionnelle différente.

- Mon rêve serait quand même de pouvoir enseigner sur une île, une petite. Avoir peut-être 5 à 10 enfants seulement et de niveaux différents. Entre ceux qui apprennent tout juste à lire et ceux qui sont prêts à partir pour le continent, pour être en internat.

- Fais ça tant que t'es célibataire, lança Sam. Parce qu'une gonzesse qui voudrait te suivre aux Orcades en plein hiver, à moins qu'elle soit du coin, franchement, faudrait qu'elle soit sacrément amoureuse... ou complètement tarée.

- Pourquoi dis-tu cela, Sam ? demanda Maureen qui était parvenue à poser une question avant que Véra n'intervienne.

- Parce que, Princesse, la vie tout là-haut en plein hiver, faut s'accrocher. Déjà qu'ici, c'est pas facile, mais alors plein nord... Entre les jours qui ressemblent à la nuit, les tempêtes, le froid...

- Tout cela est compensé par la chaleur des liens entre les habitants, fit William. Et moi, ça me convient.

- T'es qu'une espèce de sauvage, Willy. Du temps de la conquête de l'ouest, t'aurais été fan des Indiens ! renchérit Sam.

- C'est bien possible, sourit William en retour. J'ai toujours eu un faible pour les peuples opprimés...

- Bon, ça, au moins, ce qui est certain, c'est que tu voteras pour l'Indépendance, toi, dit Véra.

- Aucun risque que je vote le contraire, oui, dit William. Mais c'est le cas de nous tous autour de cette table...

- Moi aussi, je voterai pour l'Indépendance ! s'écria Léony.

Sa réaction fit rire tout le monde et Mickaël leva son pouce en direction de la petite fille en lui adressant un clin d'œil.

Sam allait poser une question à Maureen, se retint au dernier moment. Il se souvenait de la consigne de Mickaël de ne pas parler de l'Irlande à Maureen. Néanmoins, il aurait bien aimé savoir ce que la jeune femme pensait de tout cela. Prudemment, il décida d'orienter la conversation vers un autre sujet :

- Bon, on va pas parler que de politique. On va se faire un billard ?

- Oh oui ! dit Léony en battant des mains.

- Ah non, fit Véra en roulant des yeux en direction de Sam. Demain, il y a école et nous, on travaille. Il est déjà tard. On va rentrer.

- Mais... commença à protester la petite fille.

- Il n'y a pas de mais. Sam, je te retiens d'avoir balancé ça devant la petite. Si elle fait un caprice, je te préviens, je t'appelle et tu viens t'en charger...

- Désolé, Véra. J'ai pas pensé...

- Tu ne penses jamais à rien ! Tu verras quand tu auras des gosses !

- C'est pas demain la veille... rétorqua-t-il d'un air un peu fermé.

Mickaël sentit que la discussion partait sur une pente glissante et dit :

- Léony, c'est promis, la prochaine fois, on t'emmènera. On ira dans l'après-midi, comme cela, tu pourras voir Sam jouer.

La petite fille descendit de sa chaise et vint se blottir dans les bras de son tonton. Maureen la regarda d'un air attendri et dit :

- Tu vas pouvoir disposer ton petit bouquet dans ta chambre aussi, Léony. Tu m'as dit que tu avais un joli petit vase pour le mettre.

- Oui, c'est vrai, sourit la fillette. Ce sera très joli dans ma chambre.

Véra eut un petit soupir de soulagement et adressa un sourire muet à son frère et à Maureen. Mais elle ne tarda pas à donner le signal du départ. Léony s'accrocha encore un moment aux bras de son oncle, puis donna deux nouvelles bises à Maureen avant de repartir avec ses parents. Quand Mickaël referma la porte, il souffla :

- Pffiu... Ca a été chaud.

- T'aurais dû la fermer, Sam, fit William.

- Ah, désolé, j'étais parti... J'ai pas pensé à la petiote... T'as assuré Micky, et toi aussi, Maureen. Bravo.

- Bon, on se fait un billard, alors ? dit Mickaël. Je crois que Sam est bien chaud...

- Yep. On a quand même la mut' de Willy à fêter... Le champagne, c'est une chose, mais une soirée au pub, c'en est une autre...

Maureen approuva. Elle se souvenait que Sam avait dit être un bon joueur de billard et elle était curieuse de le voir jouer. De plus, elle trouvait l'ambiance sympathique et comprenait l'envie des trois jeunes gens de s'amuser. Elle éprouvait la même.

**

Ils se rendirent dans le centre-ville, en prenant la voiture de Willy. Cela ne ferait pas trop loin pour Mickaël et Maureen pour rentrer et William pourrait ainsi déposer Sam au retour. Le pub était grand et, en ce dimanche soir, il n'y avait pas beaucoup de clients. Les gens travaillaient le lendemain et c'était surtout le vendredi et le samedi soir qu'ils s'y retrouvaient.

Mickaël passa la commande des bières alors que Sam et William s'installaient déjà au billard. Maureen ne savait pas jouer, aussi prit-elle place à une table pour les regarder. Et elle eut droit à tout un spectacle auquel elle ne s'attendait pas. Sam était visiblement en très grande forme, Mickaël aussi et William était bien décidé à ne rien lâcher. A les regarder jouer, elle se dit que chacun exprimait dans le jeu sa personnalité.

L'exubérance de Sam faisait face au côté posé et réfléchi de William, l'humour de Mickaël et sa sensibilité se révélaient aussi dans sa manière de jouer. Mais le plus impressionnant était vraiment Sam. Et là, il se lâcha complètement. Il commentait chaque coup, les siens comme ceux de ses amis, il se déplaçait avec une rapidité impressionnante autour de la table, jaugeait le jeu, observait tout. Maureen se demanda s'il était ainsi en cuisine et quand elle poserait la question à Mickaël, celui-ci lui confirmerait que oui, mais la rassurerait en lui disant que contrairement à la table de billard, Sam ne se couchait pas sur les plans de travail, ni sur les gazinières...

Maureen comprit vite qu'il était vraiment difficile de battre Sam, et que Mickaël et William se battaient plutôt entre eux pour gagner la deuxième place. Ils étaient sensiblement du même niveau et c'était une bataille assez acharnée. Elle rit beaucoup aussi et, plus d'une fois, en croisant son regard, Mickaël put percevoir tout son plaisir à être ici, à passer cette soirée tous ensemble. Il en fut heureux pour elle comme pour lui. Et il se dit que c'était une nouvelle forme de partage et d'échange, entre eux deux, et que c'était vraiment plaisant.

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