Chapitre 148 : mardi 3 janvier 2006

9 minutes de lecture

Un beau soleil illuminait la campagne tout autour de Fort William. Les sommets du massif du Ben Nevis se découpaient, plateau blanc tranchant sur le ciel bleu de ce matin d'hiver. Ils ne s'étaient pas levés trop tard et ils passèrent une petite heure à faire les courses avec Mummy. Puis Mickaël occupa la cuisine pour préparer le repas du midi. Après le thé, Mummy les invita à aller se promener "tant qu'il faisait clair et qu'ils pouvaient en profiter".

Mickaël emmena Maureen sur la côte, le long du Loch Linnhe. Ils étaient seuls à se promener à cette heure, sur la longue langue de sable. Habillés chaudement, la promenade était agréable.

- Tu sais, dit Maureen, cela ne fait qu'à peine une journée que nous sommes arrivés, mais j'ai déjà l'impression d'avoir changé de monde, d'être en vacances depuis plusieurs jours !

- Cela fait souvent cet effet-là, de venir ici en cette saison, répondit Mickaël. C'est très dépaysant. On a de la chance, aussi, d'avoir le soleil avec nous aujourd'hui. Je ne sais pas si cela va durer, Mummy avait raison de nous envoyer dehors, pour en profiter.

- Ca ne va pas lui demander trop de travail ce qu'elle veut préparer comme repas ?

- Non, ne t'inquiète pas. C'est l'avantage des ragoûts. Ca se prépare vite, mais ça cuit longtemps.

- Et plus c'est réchauffé, meilleur c'est ! conclut-elle en souriant.

- Tout à fait !

Ils s'arrêtèrent au bout d'un petit quart d'heure de marche, admirant le calme du loch. Mickaël fit quelques pas vers la grève, trouva un morceau de bois rejeté par la mer parmi des algues brunes. Un petit sourire aux lèvres, il commença à tracer quelques lettres sur le sable mouillé. Maureen s'approcha, le regarda faire et rit. Il se redressa, elle lui prit le bâton des mains et écrivit à son tour. Puis ils rirent ensemble. Sur le sable étaient écrites deux simples déclarations.

Maureen, je t'aime.

Mickaël, je t'aime.

Puis Mickaël prit la jeune femme par la taille, trouva son regard sans le chercher, un regard très doux, serein, d'un bleu-gris qui lui donnait le sentiment d'être vivant. Il se sentit heureux : les éclats de douleur, de doute, avaient disparu. Jour après jour, elle avait gagné en sérénité, en confiance, en elle-même et en lui. Elle était épanouie. Et en retour, cela le rendait profondément heureux. Ses propres yeux verts pétillèrent et un éclat de bleu les illumina.

- Ca fait vraiment du bien d'être là, dit-il.

Maureen noua ses bras autour de son cou, l'attira vers elle.

- Oui, vraiment, répondit-elle en le fixant.

- Je t'aime. Très fort, dit-il.

- Moi aussi. Embrasse-moi...

Ils s'embrassèrent longuement, puis reprirent leur promenade, avant de regagner la maison sur la montagne. Mummy les attendait avec une tarte aux pommes. La cuisine embaumait le ragoût de mouton et la soupe de légumes. Maureen se dit que la vieille dame n'avait pas dû arrêter, même s'ils la trouvèrent avec son tricot, assise dans son fauteuil face à la vue.

- Ah, Mickaël, il va falloir ramener du bois.

- Ok, j'y vais.

Il ressortit avec le grand panier à bûches, fit deux chargements pour remplir le bûcher près de la cheminée. Il relança aussi le feu. Maureen avait pris place dans le petit canapé et contemplait la vue. Le soir était déjà en train de tomber et les couleurs de l'hiver étaient tout aussi belles que celles de l'été. Le ciel devenait rose pâle, les montagnes se découpaient très nettement et elle se dit que s'ils étaient montés plus haut, vers le sommet du Ben Nevis, ils auraient sans doute pu apercevoir les sommets des montagnes de Skye.

Mickaël revint de la cuisine en apportant le thé. Mummy avait déjà déposé tasses et assiettes sur la table basse. Le petit bruit régulier des aiguilles à tricoter se joignait à celui des bûches craquant dans le foyer. Maureen ressentit une forte impression de paix, d'être comme dans un cocon. La maison lui faisait toujours cet effet-là.

Mickaël prit place à ses côtés, surveilla l'infusion, puis servit sa grand-mère et Maureen, avant de découper des parts de tarte.

- Où êtes-vous allés vous promener ? demanda la vieille dame sans arrêter son tricot.

- Sur les bords du Loch Linnhe, dit Mickaël, je ne voulais pas aller trop loin... Il faisait frais, mais c'était agréable.

- Il faut vraiment profiter quand le temps est dégagé, en hiver, dit-elle. Parfois, ça reste bouché des jours durant, pour peu qu'il y ait des tempêtes...

Il hocha la tête, il connaissait son pays, soumis aux vents d'ouest dominants, aux colères de l'océan, mais aussi, à la magie des éclats de soleil, des jeux de brume.

- Que faites-vous comme tricot, Mummy ? demanda Maureen avec curiosité.

- Un pull pour la pitchoune. Elle grandit vite... Véra m'a dit que ceux que j'avais tricotés l'été dernier devenaient déjà trop petits... Il y en a un que Léony aime bien, je l'ai emporté avec moi pour le rallonger... Après, Jimmy m'en a commandé un aussi et peut-être que j'aurai le temps d'en faire un pour toi, Mickaël. Mais peut-être que pour l'hiver prochain...

- Bah, occupe-toi de Léony d'abord, répondit-il. Moi, j'ai de quoi faire...

**

- Bon, les enfants, faites comme vous voulez, moi, je vais me coucher... dit Mummy en se levant après avoir déposé son tricot sur le petit meuble à côté de son fauteuil.

Après le dîner - la soupe de légumes de Mummy était au moins aussi délicieuse que sa tarte, grâce à la crème -, Mickaël avait lancé l'idée d'une partie de scrabble, Maureen avait décliné la proposition, car c'était un jeu en français, et elle en avait profité pour écrire ses cartes de vœux. Puis Mickaël avait préparé un thé, Zen, et ils avaient repris place dans le coin salon. La nuit était totalement tombée, on apercevait les lumières de Fort William en contrebas et quelques lueurs également, sur la rive en face.

- Bonne nuit, Mummy, lui souhaitèrent-ils avant qu'elle se dirige vers le couloir.

- Tu remettras un peu de bois dans la cheminée pour la nuit, Mickaël ? fit-elle encore.

- Ok, pas de soucis. Dors bien.

- Vous aussi. Et n'oubliez pas de faire la grasse matinée...

Ils sourirent, puis ils l'entendirent monter tranquillement l'escalier. Mickaël avait passé son bras par-dessus l'épaule de Maureen, elle s'était appuyée contre lui. C'était leur deuxième soirée ici, mais la première dont ils pouvaient vraiment profiter puisqu'ils s'étaient couchés juste après le repas, la veille. La jeune femme se sentait déjà bien reposée, la promenade dans l'après-midi lui avait fait du bien. Elle était satisfaite aussi d'avoir rédigé ses cartes de vœux, celles pour ses parents et son frère Gary étant les plus difficiles à écrire, même si c'étaient les plus courtes... Elle eut une pensée pour sa grand-mère, se demanda si l'aïeule lui répondrait. Elle ne l'avait pas fait l'an passé, mais, dans une de ses lettres de l'automne, Tara lui avait donné des nouvelles. Elle allait bien et c'était une pensée réconfortante pour Maureen.

- On essayera d'aller voir Al, dans la semaine, fit Mickaël.

- Hum, si tu veux, oui, volontiers, répondit Maureen. J'espère que Meg et lui vont bien.

- J'ai un petit cadeau pour eux, aussi. Ce serait l'occasion de le leur offrir.

- J'imagine que c'est quelque chose qui ne se périme pas, fit-elle d'un ton un peu amusé.

- Tu as bien deviné, rit-il. C'est une bouteille que papa a rapportée de France, je lui en avais passé la commande.

- Je suis quand même impressionnée de tout ce que tu as fait ramener à tes parents l'été dernier... Heureusement qu'ils n'étaient que deux et qu'ils avaient une grande voiture !

- Papa a ramené quelques provisions pour lui aussi, tu sais... sourit Mickaël. Et ne t'y fie pas, mais ma mère y a contribué grandement !

Maureen resta un instant silencieuse, puis dit :

- Tu ne t'offres pas un petit whisky ? Pour fêter nos vacances ?

- Tu es une vraie pousse-au-crime, dit-il en la regardant. Mais tu as raison... Et si j'ai évoqué Al tout à l'heure, c'était bien parce que j'avais l'intention d'en boire un.

Il se leva alors, ouvrit une des portes du long buffet bas, chercha un peu et sortit une bouteille de whisky d'Oban.

- Tu en veux ? proposa-t-il à Maureen.

- Non, merci. Je vais juste le sentir. Il reste du thé, je vais prendre une dernière tasse. Il est vraiment très bon et bien équilibré. Tu as bien fait d'en reprendre pour ta grand-mère.

- J'étais certain qu'il lui plairait et peut-être plus encore que Doux. Il faudra veiller à lui en amener à chaque fois que nous viendrons ici.

Maureen opina. Le jeune homme se rassit à ses côtés, l'enlaça à nouveau. Il fit "chauffer" un peu le whisky dans son verre, puis le lui tendit pour qu'elle en savoure les arômes. Ensuite, seulement, il le dégusta. Ils restèrent silencieux, Maureen goûtait l'atmosphère paisible de la vieille maison. Elle la ressentait différemment du printemps ou de l'été dernier, comme si l'hiver la rendait plus chaleureuse, plus protectrice encore.

Encore une fois, elle se demanda quand et qui avait construit la maison. Et combien de couples avaient pu, comme eux, profiter de son atmosphère, de la vue qu'elle offrait. Elle pensa que, très certainement, la pièce où ils se trouvaient était parmi les plus anciennes de la maison, avec la cuisine, l'entrée, et peut-être aussi, la chambre et la buanderie qui se trouvaient plus à gauche de l'entrée. De l'extérieur en tout cas, c'était l'impression que cela donnait, car la taille des fenêtres était la même. Les poutres du plafond étaient très certainement anciennes et n'avaient sans doute jamais été changées.

Mickaël but une nouvelle gorgée. Il se sentait bien, ici, comme toujours, comme depuis toujours. Ses plus anciens souvenirs d'enfance le ramenaient à cette maison, Mummy dans sa cuisine, Steven avec les moutons. Un agneau à peine né que son pépé lui avait mis dans les bras. Véra et des petites voisines en train de danser la ronde dans la cour. Les poules qui s'étaient échappées une fois du poulailler. Et puis, ce jour où il s'était caché car il ne voulait pas rentrer à Glasgow. La colère de Steven l'avait marqué. A l'époque, il n'avait pas compris. Maintenant, il savait que c'était la peur qui avait rendu son grand-père presque fou de rage de l'avoir cherché si longtemps.

La main de Maureen se glissa sous son pull, il ferma les yeux. Il avait amené Betty ici, deux ou trois fois. Elle s'était bien entendue avec Mummy, mais Mickaël connaissait suffisamment bien sa grand-mère pour savoir qu'elle appréciait beaucoup plus Maureen que son ex-petite amie. Il se sentait déjà détendu et commençait à profiter du repos des vacances. Mais aussi et surtout, il était heureux d'être là, avec Maureen. L'hiver dernier, il était revenu seul avec Mummy, pour sa semaine de congés d'hiver. Encore une fois, il apprécia d'y être avec Maureen, de pouvoir partager ces moments simples, forts et riches, avec elle. Car il savait qu'elle aimait elle aussi cet endroit, cette maison, qu'elle appréciait la présence de sa grand-mère.

Il termina son verre car la main de Maureen s'était maintenant glissée sous son t-shirt. Elle leva son visage vers lui, il l'embrassa longuement, caressant sa nuque, glissant ses doigts dans ses cheveux. Quand ils rompirent leur baiser, elle avait le souffle un peu plus rapide. Il ne dit rien, s'écarta et se leva pour remettre du bois dans la cheminée. Puis il lui tendit la main et ils gagnèrent la chambre.

**

La dévêtir. Vêtement après vêtement. Comme il aurait effeuillé une marguerite. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pour la vie... Faire courir un premier frisson, lui faire échapper une première plainte. La regarder fermer les yeux et savourer l'effet de ses caresses, de ses baisers. Découvrir avec émotion les dessous bleu pâle qu'elle avait choisis de porter ce jour-là et qui s'harmonisaient si bien avec le gris-bleu de ses yeux. Avec ce bleu qui prenait le dessus sur le gris car le bonheur grandissait dans son cœur.

Effleurer sa peau pour la faire frissonner encore et encore. L'embrasser pour goûter encore et encore le soyeux de ses lèvres. Rechercher ses points sensibles pour la faire se cambrer et crier. L'emporter à nouveau, dans leur monde. Et se perdre en elle... pour se trouver.

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