Texte 3 : Merci @Nuajeux@ : "Nous irons tous à la mer"

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Il aura fallu passer des jours dans la zone, à pulvériser l'ennui en pluies de couleurs, à balayer le gris et la crasse d'amples mouvements des bras pour que le mur de l'usine désaffectée disparaisse entièrement. D'abord, ce fut comme une brume qui se levait, de celles qui étouffent en elles une vague lumière, des halos de vie timide et sans bruit. Puis ce furent des formes évanescentes aux tonalités délicates qui s'egayèrent, affirmant peu à peu leurs différences et leur éclat. Leurs rencontres, comme guidées par les contours d'invisibles pochoirs, se dessinèrent en courbes, se cisellèrent de détails.
Je vis paraître une mer ourlée de sable. Des boucles d'écumes roulèrent puis glissèrent, léchant la plage d'un baiser mouillé. Ensuite, je vis des vagues naissantes cintrer la surface des eaux. Plus loin encore, fut le vertige devant l'immensité. Mon regard aurait pu se perdre s'il n'avait rencontré un nuage paresseux, au dessus de cette ligne d'horizon que l'on dit infranchissable. C'est là où le ciel et la mer se rejoignent et s’appartiennent.
Et ce soir, un soleil qui ne sait plus à quel ciel se vouer dépose sa boule rouge orange sur le nuage de coton. Dans son sillage, les nuances de couleurs chaudes me révèlent leur secret. Le saphir et le grenat qui s'unissent en un ciel, les ocres mouillées et scintillantes qui baignent la mer, cette vague là-bas qui déferle et se rapproche, roule, ri et s'étale de tout son long, glisse doucement, doucement s’absorbe dans le sable et le brunit. Puis une autre... Et là ! une autre encore. Les unes après les autres. Isochrones. Elles viennent à moi et se succèdent
Alors, d'un monde auquel je ne sais plus si j’appartiens, le soir me souffle un vent du large que j'engouffre à plein poumons, m’insurge contre cette cage thoracique qui m'étreinte. Elle craque comme la charpente de ces navires partis pour découvrir le monde et cède soudain, me libère. Je respire lentement et à fond, à m'en donner le vertige. M'enivre. Est-ce l'air marin que je sens, comme si le vent à tant parcourir la mer s'était imprégné de son sel ? N'est-il pas plus enveloppant, plus doux, plus chaud que d'habitude ? Est-ce un rire ou un cri de guerre que j'entends ? Des mouettes peut-être ? Et ce grondement sourd à la fois si lointain, si présent qui roule avec les vagues… C'est ce que disent les coquillages quand on les porte à l'oreille, qu'on les écoute. Ils disent la rumeur d'un bord de mer. Serait-ce un sable soyeux où je m'enfonce juste un peu, qui me masse les pieds ? Une caresse chaude et épaisse qui coule la douceur de ses grains par milliers, partout sur ma peau, même entre les orteils, jusqu’à venir les chatouiller. Quel est ce rivage ? Peut-on revenir d'où on n'est jamais allé ? C'est ce que je me demande quand, dans mon regard noyé, des silhouettes passent et longent la plage. S'arrêtent. Elles semblent discuter. L'une s'écarte, l'autre recule vers moi et soudain sa voix forte me parvient et me ramène. Hassen indique à Xiong les dernières couches, une dernière touche et ensemble ils pulvérisent une ultime vaguelette d'écume sur le sable. Ça y est. Presque…

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