Texte 4 : Parce que les fils oublient que les mères sont immortelles - Isabelle Aupy (en cours d'écriture et titre provisoire)
Il + passé :
Pour parler d’elle, il faudrait parler des quatre sœurs qu’elle a dévorées dans le ventre de sa mère. Il faudrait remonter plus loin encore, aux origines d’un monde qui n’a jamais été le sien, d’une histoire qui déjà était la mienne. Il faudrait avaler les vies comme elle le faisait, les broyer et les mâcher jusqu’à les épuiser tout à fait, qu’elles ne laissent que leur goût dans la bouche et leurs pieds dans l’estomac.
Je + présent :
C'est comme une brûlure qui va au-delà de ma main, au delà de sa joue. C'est une trahison. Une gifle est toujours une trahison, de soi et de l'autre. Une surprise aussi, et j'ignore lequel de nous deux est le plus étonné de mon geste. C'est juste qu'elle a jaillit de moi, comme ça, comme si les cris ne suffisaient plus, qu'il fallait que tout s'arrête. Et tout s'est arrêté. Il ne pleure pas. Il ne conteste rien. Il me regarde, c'est tout. Peut-être avec un regard vide, ou neutre, ou impassible, non, vide. Mon geste a tué quelque chose, ou bien il arrive après, comme pour signer une évidence : mon petit garçon est mort, et moi, perdue devant ce corps qui m'est étranger, devant ses bras de gibbon et sa voix d'homme, je ne sais pas comment vieillir avec lui ni comment rester sa mère.
Je + passé :
Il y aura toujours cette question qui tournera autour de moi. Toujours cette réponse que je me surprends à chercher dans des images incongrues : la façon dont le thé colore ma tasse, la fumée de ma cigarette dans les airs, la fourure de mon chat autour de mes doigts. Ca me prenait comme ça, par surprise et du fond du coeur, dans des moments de rien, des moments de calme où j'avais enfin le temps de me demander si j'avais été une bonne mère. Une question d'une grande bêtise, qui n'avait depuis longtemps qu'une seule réponse possible. Parce que je savais, depuis leur naissance, qu'à leur tour, mes enfants me donneraient tort.
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