Gary coupa la communication et se rejeta dans son fauteuil en soupirant. Mais il se releva aussitôt et sortit sur le trottoir : il prit une Gauloise dans son paquet et l’alluma. Il fit le calcul dans sa tête : il n’en avait fumé que trois et il était dix-sept heures. Pas mal, se dit-il. Il essayait en vain de se débarrasser de cette addiction même s’il estimait avoir, à juste titre, nettement diminué sa consommation quotidienne de tabac. Ce fut donc avec un plaisir non dissimulé qu’il « savoura » sa cigarette. Une jeune femme, passant près de lui, le regarda d’un drôle d’air.

C’était un homme baraqué de 39 ans, à la beauté rude, qui n’avait pas de vie privée, se vouant corps et âme à son travail d’enquêteur à la Brigade des Stupéfiants.

Habitué de ce bar, -il y venait deux ou trois fois dans la semaine- il appréciait l’ambiance chaude et tamisée qui émanait de cet endroit discret, les fauteuils confortables en cuir et même les tableaux retraçant les décors typiques de sa région. Il affectionnait tout particulièrement celui qui représentait la Promenade des Anglais avec ses célèbres chaises bleues. 

Revenant s’asseoir, il but une longue rasade de sa bière et se remémora la communication qu’il venait d’avoir avec Emma.

Pour le début de sa seconde mission, elle s’en sortait bien, mais avec le physique qu’elle avait, ce n’était pas très difficile de se prêter au jeu de la séduction. C’est après que les choses se corseraient. Il s’agissait de démanteler un réseau international de trafiquants de drogue qui sévissait sur la Côte d’Azur. Emma devait « harponner » le dénommé Lucas, à la tête de cette organisation en France, afin de lui extorquer le plus d’informations possible sur leur prochaine opération. Difficile tâche, il en convenait. Il fallait surtout qu’elle garde la tête sur les épaules.

A l’issue d’une sélection de candidats triés sur le volet, cette jeune femme de 29 ans avait présenté tous les atouts -physiques et psychologiques- pour réussir. Sa première mission avait consisté à prendre en filature un fournisseur de cocaïne et grâce à elle, ils avaient pu remonter la filière et arrêter un important revendeur.

Il régla sa consommation, revêtit son manteau et salua le serveur.

Dehors, il faisait exceptionnellement doux pour la saison. La nuit commençait à tomber. Il mit la main dans sa poche, puis se ravisa. Non, il ne fumerait pas.