# 1 Pour un regard, pour un sourire d'elle

Une minute de lecture

Vous êtes debout sous la pluie, seul. Des gouttes d’eau froides s’insinuent lentement entre vos omoplates. À chacun de vos pas, un bruit de succion s’élève de vos bottes de cuir informes. Vous faites les cent pas sur ce trottoir désert pour tenter de vous réchauffer. D’abord, quelques mètres en direction de la vitrine sombre de la mercerie. Là, vous marquez une brève pause sous l’étroit auvent qui vous protège parcimonieusement des bourrasques. Puis, vous rebroussez chemin en direction du bar, fermé depuis longtemps. Les chaises, entassées contre le mur, luisent faiblement sous la pluie battante. C’est de là, pendant la journée, que vous avez épié la fenêtre du premier étage, sur le bâtiment qui vous fait face.

Vous levez la tête, mais l’encadrement est toujours obscur. Les volets sont ouverts sur un œil sombre et sans vie. Vous restez là, immobile, à l’attendre, à espérer une improbable apparition, même fugitive. Se tenir là, espérer… Vous savez bien que vous êtes pathétique, ridicule, même. Vous vous le répétez assez souvent pour en être tout à fait persuadé. Mais rien n’y fait : depuis longtemps, vous n’êtes plus raisonnable.

Avec tous les cafés que vous avez bus durant l’après midi, vous ne tenez pas en place. Alors, vous reprenez votre déambulation. Cette fois en direction de la camionnette stationnée devant la devanture encore éclairée d’une papeterie. Cependant, vous ne pouvez pas aller plus loin. Ne pas perdre de vue cette fenêtre… Tout votre univers s’est rétréci à ces quelques mètres de trottoir. Votre domaine s’étend maintenant entre la mercerie et la camionnette. Le temps s’est figé dans un mélange d’exaltation et de lassitude.

Pathétique : vous ressassez ce mot en boucle, comme s’il pouvait vous aider à vous extraire de ce piège. Au lieu de ça, il résonne d’une musique insidieuse, lugubre, sinistre. Vous faites demi-tour. Vous avez soudain hâte de vous tenir à nouveau face à cette fenêtre, de lever vers elle vos yeux inondés. Parce que peut-être, cette fois…

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