Chapitre 39
Paris, lundi 26 mai 2025
Il est un peu plus de quinze heures et ceci est probablement ma dernière entrée dans ce journal. Dans quelques jours, peut-être moins, je revêtirai l’uniforme de l’ennemi, m’infiltrerai dans son QG et en délivrerai Chloé ou bien y laisserai la vie. Dans tous les cas, je ne rentrerai pas sans elle.
Si Paris est un jour libéré et que quelqu’un tombe sur ce journal, qu’il soit convaincu de mon honnêteté : j’ai couché là mes erreurs comme mes faits de gloire, les idées sombres comme les nobles. J’ai aimé Chloé comme personne. Le plus singulier est que je ne sais toujours pas pourquoi, pourquoi la Providence m’a sauvé des eaux froides de la Neva, pourquoi elle m’a ramené à Paris, pourquoi elle m’a inscrit dans cette école. Mais ce que je sais, c’est que je lui en serai toujours reconnaissant.
Peut-être la personne qui lira ces lignes n’aura que faire de mon sentimentalisme larmoyant. Peut-être ne manifestera-t-il d’intérêt que pour le témoignage que ce journal apporte sur Paris occupé et sa résistance intérieure. Peut-être bien, mais peu m’importe en réalité, car cela ne fait aucune différence : j’ai aimé Chloé parce qu’elle est la France en ce qu’elle a de meilleur, elle est culture et élégance, esprit et légèreté, génie et orgueil. Elle est ce pourquoi je veux donner ma vie.
Puissent ces quelques pages vous éclairer sur ce que fut ma vie auprès d’elle.
Nathan
PS : Je n’ai d’autre bien plus précieux que ce journal, il est mon testament. Lorsque le lecteur aura retranscrit ce journal dans un livre, je lui demanderai de bien vouloir aller enterrer ces quelques feuilles manuscrites près du saule pleureur d’une maison de campagne située en Bourgogne, au moulin de la Chaume à Etang-sur-Arroux. Que ma sœur sache que le frère qu’elle a élevé a fait de son mieux pour se montrer digne d’elle.
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