1 . Où sommes-nous ?
« Ca va ? Est-ce que tu m'entends ? Serre-moi la main si tu m'entends !
— Il bouge les doigts normalement, la main gauche n'a pas été fracturée. Est-ce que tu peux l'examiner, je dois aller soigner la plaie d'un autre enfant. »
Les voix et les formes semblaient lointaines, étouffées, quelque chose comme un acouphène résonnait dans les oreilles de Banjet. Ses yeux s'entrouvrirent difficilement, mais tout était sombre. C'est à peine s'il parvenait à voir la silhouette accroupie à côté de lui. Lentement, il tenta de se redresser, mais il retomba presque aussitôt, et ce simple mouvement lui arracha un cri.
« Eh, tout doux ! s'exclama une voix féminine à ses côtés. Ca va aller ! Tu sais où nous sommes ? »
La vision de l'adolescent se précisa peu à peu, il apperçut le visage ovale et souriant de la jeune fille qui lui tenait la main. De longs cheveux bruns coiffés en chignon surmontaient sa tête, et elle avait l'air plutôt sereine, malgré le sang qui coulait d'une ouverture au-dessus de son sourcil gauche.
« N... non, grogna Banjet avec un soupir, luttant contre la douleur qui émanait de son épaule droite et de sa nuque.
— Ca tombe bien, nous non plus ! sourit l'autre. Et, est-ce que tu te souviens de ce qui s'est passé avant ? Avant qu'on se crashe ici, je veux dire. »
Les souvenirs assaillirent presque immédiatement le jeune homme. Il se rappelait de l'urgence, des sonneries d'alarme et des couloirs baignés de lumière rouge. Les bruits des explosions, le hurlement de sa mère, son père qui le pousse à l'intérieur de la navette. Il les avait perdu de vue, bousculé par des dizaines d'autres enfants, criant, pleurant, ou tout simplement donnant des ordres. Il s'était assis, avait bouclé une ceinture, les doigts tremblants. Le sas s'était refermé, juste avant que l'explosion ne les emporte. Après cela, il ne se souvenait de rien.
« Nous sommes dans la navette ? demanda-t-il, serrant les dents.
— Ta mémoire à l'air de fonctionner, nota l'adolescente brune sans lui répondre. Tant mieux, ça m'aurait embêtée de me trimbaler un amnésique sur une planète inconnue. »
Banjet laissa échapper un léger rire, bien qu'une quinte douloureuse le prit la seconde suivante. L'inconnue sourit également, sans doute ravie de voir que sa plaisanterie avait fonctionné. Le jeune homme se reconcentra bien vite, la dévisageant, interloqué.
« Tu as dit « planète inconnue » ? s'étonna-t-il.
— C'est un peu compliqué, grimaça-t-elle, ses yeux déviant vers un groupe d'enfants, un peu plus loin. On a été propulsés par le souffle de l'explosion du Phoenix, et on a dérivé dans l'espace un petit moment. Après ça, personne n'a compris ce qui se passait, comment on était arrivés là, mais on est rentrés dans l'atmosphère de cette planète et on s'est écrasés à sa surface. »
Son visage prit un air gêné, et elle baissa les yeux. Mais il était simple de comprendre à quoi elle pensait : le Phoenix avait explosé. Leurs parents étaient morts. Banjet poussa une profonde expiration, lui aussi chamboulé par les derniers évènements. La jeune fille à ses côtés parut reprendre ses esprits, et se tourna vers lui.
« Il faut qu'on te bouge de là, déclara-t-elle. Si tu as une fracture quelque part, une douleur...
— J'ai mal à l'épaule, et je pense que ma tête a tapé quelque part durant le crash. C'est pour ça que j'ai perdu connaissance, souffla-t-il.
— Pas de problème grave, un pied disparu ou ce genre de chose ? demanda-t-elle, une nouvelle fois avec humour. Je vais appeler Gloria, elle a suivi une formation de médecin avant de partir sur le Phoenix. Enfin, c'est ce qu'elle dit ! »
À ces mots, elle se leva et, juste avant de s'en aller, elle fit volte-face.
« Comment tu t'appelles ?
— Banjet, répondit ce dernier, tandis que, d'un bras, il tentait de se redresser. Et toi ?
— Ondyne », répliqua-t-elle, avant de se détourner à nouveau.
Banjet secoua la tête, réveillant de nouvelles douleurs dans sa nuque. Il se trouvait bel et bien dans la cabine de transport d'une navette Centaurus, mais tous les caissons réfrigérants de nourriture ou de boisson, ceux de vêtements, les outils, tout avait été malmené durant le crash. De nombreux enfants discutaient à voix basse, assis sur les rangées de sièges ou tout simplement par terre, certains hoquetaient, les joues striées de larmes. Des adolescents plus âgés s'occupaient de soigner les quelques blessures causées par les diverses chocs qu'avait connu la navette. Bien vite, il aperçut Ondyne revenir, suivie d'une jeune femme d'environ dix-huit ans aux cheveux blond platine, qui tenait une mallette de secours.
« Bonjour Banjet, le salua-t-elle en s'agenouillant à son côté. Ondyne m'a dit que tu avais des douleurs à l'épaule...
— Celle-ci », fit-il en la pointant de son index gauche.
La dénommée Gloria acquiesça et, doucement, palpa la zone indiquée. L'adolescent laissa échapper un grondement, la douleur lacinante s'étant réveillée. Il n'en fallut pas plus à la jeune femme, qui prit quelques notes rapides sur un calepin et tendit sa main à Banjet.
« Il y a une cabine d'infirmerie dans la navette, je devrais te trouver une écharpe triangulaire pour immobiliser ton épaule, déclara-t-elle. Suis-moi. »
De son bras valide, il attrapa la main de Gloria et se hissa doucement sur ses jambes. Ils traversèrent ensuite la cabine, et se dirigeaient vers l'infirmerie lorsqu'un jeune garçon d'environ dix ans se précipita sur eux.
« Casimir veut vous voir dans la cabine de pilotage, tout de suite ! » s'exclama-t-il vivement, avant de faire demi-tour, visiblement pressé.
D'un coup d'oeil entendu, Gloria et Ondyne se précipitèrent derrière le petit garçon, Banjet à leurs trousses, la mâchoire tendue pour atténuer la douleur. Ils pénétrèrent dans la cabine de pilotage, où se tenaient plusieurs adolescent dont un, visiblement aussi âgé que Gloria, qui fixait la large vitre.
« Qu'est-ce que... » commença Ondyne, avant de se couper, face à l'incroyable spectacle qui se déroulait devant ses yeux.
Ils s'étaient crachés dans une plaine noire, peuplée de roches qui montaient vers le ciel, parfois à plus de six mètres. Les sillons de ruisseaux asséchés serpentaient entre les fougères, et des arbrisseaux s'accrochaient aux rochers, leurs minuscules feuilles grises se balançant dans le vent. Et, à l'horizon, se levait un immense soleil rouge, nimbant le paysage de ses teintes vermeilles. Banjet, les yeux écarquillés, avait du mal à le croire. Ils n'étaient plus sur le Phoenix, mais bel et bien sur une planète inconnue et désertique. Mais dans aucun des manuels sur les exoplanètes connues ne figurait un tel environnement. Près de lui, il sentit Gloria se crisper.
« Où sommes-nous ? »
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