3 . Une odeur de soufre
Ondyne se précipita sur sa combinaison, suivie de près par Casimir. Elle décrocha le vêtement des crochets auquel il était suspendu, et le toisa quelques secondes avant de retirer son T-shirt pour l'enfiler. C'était une taille adulte, mais elle avait presque atteint la sienne, et parvint sans mal à enfiler la combinaison. Le symbole du Phoenix, un oiseau de feu formant un cercle au design peu complexe, ornait la poitrine de son habit, et elle se figea un instant. L'horrible son de l'explosion parvenait encore à ses oreilles, et elle se souvint le cri de son père, juste avant qu'elle ne lui lâche la main, juste avant que ne se referme la porte du sas.
« Hey, Ondyne ! s'exclama Casimir en la secouant. Pas le temps de douter, il faut aller voir ce qu'il se passe. »
La jeune fille papillonna des yeux, secouant sa tête pour chasser les images du colon et de sa famille. Elle attrapa le casque que lui lançait le jeune homme au vol, et s'avança à ses côtés. Ils descendirent les quelques marches qui les menaient au niveau inférieur, déverrouillèrent la porte blindée et la refermèrent soigneusement derrière eux. Casimir passa la cagoule de sa combinaison sur ses cheveux, puis enfila le casque. Une fois raccordé avec la tenue spatiale, de petites diodes lumineuses s'allumèrent, éclairant son sombre visage. Ondyne l'imita, puis ils se tirent face à la porte du vaisseau.
« J'ouvre avec la commande manuelle, déclara le jeune homme aux cheveux noirs. J'espère qu'Izobel ne va pas tarder à rétablir l'ordinateur. »
La jeune fille ne répondit pas, interdite. Son silence était dû au doute et à la peur qui la gagnait peu à peu. Elle ferma les yeux, alors que Casimir s'éloignait. Le cliquetement de la manivelle d'ouverture retentit, et elle battit des paupières, aveuglée par un puissant jet de lumière qui arrivait de l'extérieur. Aussitôt, elle sentit un air lourd l'engloutir, et déglutit péniblement. C'est parti... songea-t-elle, en faisant quelques pas à la suite de son équipier. La lande grise s'étendait devant eux, percée par ces étranges rochers percés de minuscules cratères.
« On dirait des morceaux de météorites, grésilla la voix de Casimir dans l'écouteur de son casque, répondant à ses interrogations muettes. Je devrais peut-être faire des prélèvements...
— Je pense que vérifier l'origine du tremblement de terre de tout à l'heure est plus important, le coupa l'adolescente brune en hochant la tête. Bien sûr, c'est mon avis personnel... »
Presque à contrecoeur, Casimir se détourna du roc et ils prirent de la distance avec la Centaurus. Une fois à une dizaine de mètres de l'appareil, ils se retournèrent vers elle. Ondyne se pinça les lèvres, remarquant l'état d'inclinaison de la navette.
« Elle a forcément glissé, lança-t-elle.
— On va la contourner, annonça le jeune homme. Il faut vérifier qu'elle ne soit pas coincée, pour pouvoir décoller en temps voulu. »
Intérieurement, la jeune fille craignait que quelque chose de pire ne se soit passé. Elle chassa ces pensées négatives et se dirigea vers l'autre côté de la Centaurus. Ses pieds rencontraient une terre dure et sèche sous ses épaisses bottes originellement adaptées pour l'espace. Elle sentait la fureur des rayons néfastes du soleil qui tentaient de percer son casque, et prit conscience de la nature sauvage de cette exoplanète. Il fait chaud, tout ressemble à un champ mort, et le soleil est super proche de sa planète. Voilà qui est rassurant. Elle sentit soudain une légère vibration sous ses pieds. D'un échange de regards avec son équipier, elle comprit que lui aussi l'avait senti. À leur grand soulagement, la navette n'avait pas bougé.
Peu à peu, ils s'approchèrent de l'autre côté de leur vaisseau. La terre s'était fissurée par endroits et d'étranges fumées jaunâtres montaient du sol. Ils ne s'arrêtèrent pas, arrivant enfin à la zone détruite. De stupeur, Ondyne voulut plaquer sa main sur sa bouche, mais celle-ci rencontra la surface dure de son casque. Elle fut aussitôt rejointe par Casimir, qui lui aussi affichait une mine ahurie.
Les tremblements de terre qui avaient secoué la région avaient entrainé la chute de nombreuses pierres, et la navette se tenait maintenant en équilibre précaire au-dessus du vide. Ils s'étaient crashés au bord d'une falaise de plus en plus instable. Le jeune homme allait ouvrir la bouche pour parler, mais il fut pris de court par la voix grésillante d'Izobel dans l'écouteur de leurs casques :
« L'ordinateur est de nouveau opérationnel ! s'exclama-t-elle d'un ton empli de fierté. Le scan affirme que l'air de cette planète est respirable, mais ne restez pas trop longtemps dehors. Les gaz qui s'échappe de la surface ne sont pas sains pour autant. »
Avec des gestes précautionneux, Ondyne déclencha les attaches de son scaphandre et le glissa sous son bras. L'amosphère lourde et sèche parut lui écraser la tête, et elle fut contrainte de papillonner des yeux pour ne pas être éblouie par le soleil. Une forte odeur de soufre la prit à la gorge, et elle hoqueta. Près d'elle, Casimir secoua la tête, comme pour chasser des insectes invisibles, puis passa un doigt sur l'émetteur pour contacter la navette.
« Izobel ? appela-t-il. J'espère que personne ne t'entend, je ne veux pas affoler nos passagers.
— Que se passe-t-il ? s'enquit la jeune fille à travers le transmetteur.
— La navette penche au-dessus du vide ! s'écria Ondyne d'une voix paniquée. Encore quelques secousses et on va tomber et s'écraser un kilomètre plus bas ! »
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