Chapitre 7

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Dans un alignement impeccable, la troupe attendait patiemment au garde à vous que le Reichfürher les passe en revue. Tous les membres de la troupe arboraient la chevelure courte et blonde de l'idéal aryen, et seule les poitrines menues qu'on devinait sous la chemise de lin blanche indiquait qu'il s'agissait de jeunes filles.

Sous la lumière diffuse de la salle des machines, la photo était plus noir et gris que noir et blanc, mais elle était suffisament nette pour susciter chez le caporal Klaus Steiner une fascination sans borne... Au point qu'il ne remarqua pas son visiteur avant que ce dernier ne soit tout près de lui.

— Hey chef ! hurla ce dernier à l'oreille du caporal.

— ho ! sergent Albrecht ? Qu'est ce que je peux faire pour vous ? La machine tourne.

— Oui, oui, la machine tourne !

— Alors ? Quel est le problème ?

La salle des machines ou se déroulait cette rencontre insolite était le lieu le plus bruyant du sous-marin. Au point que le caporal Steiner qui exerçait la fonction de chef mécano était devenu sourd comme un pot. Les deux hommes devaient crier pour se faire entendre.

— Aucun problème, cria le Sergent. Dites, c'est quoi ça ?

— Notre prochaine mission sergent ! Le sorcier ne vous en a pas parlé ? Ces filles sont destinées à repeupler avec des être de sang pur les territoires occupés actuellement par les inférieurs... on élimine d'abord les mauvaises herbes, on replante ensuite les bonnes ! Oh, ne faites pas cette tête là sergent. Quand on reviendra de cette mission, on aura gagné la guerre, on sera des héros du Reich et vous aussi vous y aurez droit, tout pasteur que vous êtes !

Et il partit d'un grand éclat de rire.

— Vous ne les trouvez pas un peu jeunes pour vous, chef ? Vous pourriez être leur père, voire leur grand-père.

— C'est d'autant plus émoustillant ! J'adore pouponner... Mais blague à part ! Qu'est ce que vous foutez ici ?

— Faites venir Guterman ! ordonna Albrecht sans répondre à la question.

Le mécano saisit un micro et se mit à crier:

— Guterman ! Salle des machines !

Puis il s'éloigna.

— Bon, et bien je vous laisse discuter, fit-il en guise d'au revoir. Ici je n'entends rien du tout, et je ne vois rien non

plus alors prenez votre temps et ne vous inquiétez pas pour moi.

Le sourire complice que le chef mécano lui adressa avant de disparaitre parut particulièrement déplaisant au pasteur Albrecht.

Le son grinçant d'un sas qu'on ouvre, puis qu'on referme le ramena à ses préoccupations. Guterman venait d'arriver dans la zone des machines.

— CHEF ? appela-t-il en relevant la visière de sa casquette. Vous avez besoin de moi ?

— Par ici Guterman, répondit Albrecht. Laissez la boite à outils, vous n'en aurez pas besoin.

— Friedrich ? Je ne m'attendais pas à vous voir ici.

— Je voulais te parler en particulier... C'est rudement bien de ta part d'avoir laissé le petit Hans revenir dormir avec nous, ça va lui remonter un peu le moral... le moral et la confiance c'est rudement important dans une équipe. Ça me surprend d'autant plus que tu n'as pas la réputation d'être très sympathique... ou honnête.

— Merde alors ! s'exclama Guterman. on dirait que tout le monde est au courant... c'est le Capitaine qui t'as chargé de me surveiller ?

— Si tu crois que le Capitaine te surveille, tu as intérêt à faire vraiment attention à ce que tu fais et à ce que tu dis, si tu ne veux pas finir dans un camp.

— Merci de me prévenir, pasteur ! Je ferai attention. D'autant plus que j'ai horreur des camps... il parait qu'on doit travailler. C'est même écrit à l'entrée: "Arbeit macht Freï"

— On ne se contente pas de faire travailler les déportés, Kurt. On les brûle.

— On brûle les cadavres pour éviter les épidémies, et c'est bien normal... vu la promiscuité, on ne peut pas faire autrement.

— Non, on les brûle vivant... et même pas malade. Dès que le déportés arrivent dans les camps, on sépare des hommes les femmes et les enfants et on les brûle.

— Propagande bolchévique, c'est à Radio-Londres que tu as entendu ça ?

— Non Kurt, je tiens l'information d'un officier SS. Il m'a raconté tous les détails pendant sa confession, et ensuite il est mort. Je peux t'assurer qu'il disait la vérité.

— D'accord, admit Guterman de plus en plus perplexe. Mais pourquoi tu me dis ça ?

— Parce que je n'ai pas envie que tu finisses dans un camp, et que je ne révèlerai pas ce que j'ai entendu de tes projets, si ça peut te rassurer... Parce que si Hans hurle pendant son sommeil, toi tu chuchote avec tes complices pendant que tu es réveillé, et j'ai l'oreille fine.

— Merde alors...

La vie ou la mort de Kurt Guterman dépendait entièrement de la bonne volonté du pasteur, et il venait de le comprendre.

— Je commence à comprendre pourquoi Selpin s'est suicidé, fit soudain Guterman.

— Qui ça ? demanda Albrecht

— Herbert Selpin, tu ne le connais pas, répondit Guterman. C'est un cinéaste... Il tournait un film de propagande pour le compte de Goebbels mais il a eu des problèmes et on l'a incarcéré... il s'est suicidé dans sa cellule et le tournage a été interrompu.

— Tu y étais ?

— Oui. Mon unité aurait du rejoindre le front russe, mais on a reçu l'ordre de nous rendre sur les lieux du tournage et de servir de figurants... ça a trainé pendant des mois parce qu'il n'était jamais satisfait des effets spéciaux, jusqu'au jour de cette fameuse dispute avec son scénariste... Enfin, c'est grâce à ça que j'ai échappé à Stalingrad.

— Ouais, on peut dire que tu as une chance hors du commun...

— Il parait que j'ai la "Baraka"... c'est ce que le sorcier juif dit tout le temps. Je suppose que ça veut dire que je porte chance et ça doit être vrai, parce que s'il n'avait pas demandé à ce que je sois affecté dans ce bâtiment, je serais soit encore en prison, soit sur le front russe, s'il en reste quelque chose.

— Barekha, c'est un mot hébreux, fit le Pasteur. Ça veut dire "Bénédiction divine".

— Alors notre sorcier est vraiment juif ?

— Pas nécessairement, la plupart des occultistes utilisent des rituels et des superstitions issues de la kabale ou du christianisme... et parfois, ces rituels sont inversés.

— Bon, et pour moi et mes chuchotements ? Quelles sont tes intentions ?

— Elles sont simples: je marche avec vous !

— Toi ? Tu marches avec nous ?

— Ça t'étonne ? C'est pourtant limpide, je ne veux plus être complice de tout ça ! Votre plan me donne l'occasion d'en sortir, donc je marche avec vous... Je présume que tu comptes récupérer les pierres du sorcier et organiser une mutinerie générale pour détourner le bâtiment, et tu auras besoin de moi pour convaincre les hommes.

— Qu'est ce qui te fais croire que c'est mon plan ?

— C'est simple, tu ne peux pas faire autrement... à moins d'avoir envie de ramer sur un canot pneumatique jusqu'au Brésil. Il n'y a aucun port neutre à proximité.

— D'accord ! C'est un bon plan. J'avoue que je n'avais pas encore examiné toutes les options possibles... celle-là est intéressante, bien qu'un peu coûteuse. Et je dois reconnaître qu'un beau parleur comme toi est justement bien placé pour nous aider... Bienvenue parmi nous, camarade.

— Seulement j'y mets une condition: personne ne doit être tué, on utilisera la persuasion et la menace, et les officiers qui refuseront de se joindre à nous seront libérés dans un port neutre, ça te convient ?

— Moi aussi j'y mets une condition: Ne raconte jamais aux autres ce que tu viens de m'apprendre sur les camps... Tu connais Karl ? Lui qui rêvait d'entrer dans la SS, ça pourait bien lui faire péter un cable.

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