Chapitre 2 : Vous êtes qui ?
Espace du système Zêta; An 21 400
Zack ouvrit les yeux, et fut immédiatement ébloui. Une pièce lumineuse, entièrement blanche du sol au plafond. Sérieusement, il était mort ou quoi ? Non, pas vraiment. Sinon, il n'aurait pas aussi mal dans ses membres engourdies qu'il parvenait à peine à bouger. Mais alors, il était où ? À l’hôpital ? Franchement, y aurait des toubibs pour lui expliquer la situation si c'était le cas. Les types d'hier ? Ils étaient à parier sur le fait qu'il pouvait survivre. Pourquoi l'auraient-ils ramené parmi eux. Le dépouiller ? Si c'était ça, ils avaient perdu leur temps. Il était à sec et avait tout misé sur ce contrat.
Le chasseur solitaire ferma les yeux, essayant retrouver un potentiel souvenir de son arrivée ici au fond de sa mémoire. Mais rien, que dalle, nada. C'est à ce moment que la porte s'ouvrit. Zack fit mine d'être toujours endormie. S'il écoutait bien les discussions autour de lui, peut-être en saurait-il plus.
- Alors, enfin réveillé mon garçon ? C'est que t'as failli y rester.
Bon, raté pour ce qui était de jouer la comédie. Tant pis, au moins il allait savoir qui lui parlait, car cette voix, il ne l'avait pas entendu la dernière fois. En tournant la tête, il tomba sur une femme ayant visiblement de la bouteille derrière elle. La soixantaine, des cheveux gris souris, et des rides. Une vieille quoi. Habillé en blouse blanche, il ne mit pas longtemps à comprendre que ce fut elle qui l'avait soigné.
- Vous êtes qui au juste et on est où ?
- Je suis Corryna, médecin de bord de la Licorne Noire.
- La quoi ?
- La frégate spatiale de combat dans laquelle tu te trouves. Tu as vraiment de la chance d'être encore en vie. Franchement, à quoi ça rime de foncer tête baissée contre un adversaire plus fort que sois.
- Ça ne vous regarde pas. Et puis, les autres n’ont pas fait mieux.
- Eux étaient sans doute des cons, mais ils avaient au moins l'intelligence d'attaquer à plusieurs contre un gros morceau. Toi t'as juste de la veine d'avoir survécu assez longtemps pour être sauvé par le capitaine Abel.
- Qui ça ?
- Le capitaine du vaisseau. Sert toi de ta tête, ça parait évident sans que j'ai besoin de préciser. Enfin pour quelqu'un de normal et de censé. Tu vas rester encore quelques jours ici, et tu feras la rencontre l'équipage.
- Quoi ? Mais j'ai une vie moi. Un logement, un objectif à réaliser
- Ha bon ? Et tu te mets en danger aussi facilement comme si tu cherchais à crever ? Pour ton retour chez toi, tu verras ça avec le capitaine. Moi, je suis juste chargé des soins ici, je ne prends pas de décisions.
C'est qu'elle avait du caractère la vieille. Zack aurait bien voulu lui répondre, mais il renonça. Elle marquait un point cette dame, il lui devait la vie, ainsi qu'au reste de l'équipage. Il se contenta de respecter les consignes durant les jours suivants, ne voyant Corryna à peine qu'une fois par jour pour un examen de routine. La seule autre personne à venir le visiter était une jeune femme rousse, petite, mais gâtée par la nature, qui lui apportait ses repas. Dans un premier temps, il pensa qu'elle avait peur de lui, car elle ne lui adressait jamais la parole. Ensuite, devant l'absence de son sortant de sa bouche malgré le fait qu'il tentait de lui faire la conversation, il se demanda si elle n'était tout simplement muette. Même pour répondre à un « bonjour », et se contentait d'un signe de tête quand elle ne l'ignorait pas.
Au bout d'une semaine de convalescence, il était enfin capable de bouger et donc de repartir chez lui. Il ne lui restait plus qu'à en toucher deux mots au capitaine. Mais avant qu'il eut le temps de se lever, la porte de l'infirmerie s'ouvrit. Un homme d'une stature imposante aux nombreuses cicatrices sur le visage entra dans la pièce. Un vieil uniforme d'officier aux galons arraché en signe de déchéance, ou de désertion, il semblait que celui qu'il cherchait était venu à lui en premier. Il tira une chaise, et s'installa devant le lit. Son faciès n'affichait aucune sympathie en sa faveur.
- Mon garçon, on va avoir une petite discussion tous les deux.
- Ça tombe bien, je voulais vous parler de mon retour chez moi. C'est que j'ai un toit et un boulot moi.
- Ton vieux trou à rats miteux ? Quant à ton travail, c'est justement la raison de cette entrevue.
- Comment savez-vous pour mon studio ?
- Parce que je me suis renseigné sur toi, tout simplement. Le type qui s'amuse à essayer de nous doubler sur les contrats impériaux. Et pour quoi ? Se ramasser en beauté ?
- Ce n'était pas mon intention de vous faire du tort. Mais j'ai un objectif. Et il nécessite que je m'occupe de ce genre d'affaires.
- Comme tous les petits nouveaux en quêtes, de gloire, hein ? Tu veux rencontrer l'empereur ? Pour quelle raison ?
- Je vais buter ce connard, et ce sera bien fait pour lui.
Le capitaine se mit à hurler de rire en l'entendant. Un jeunot qui se permet de tels propos ? Il ne manquait pas de culot. Mais ce n'était pas si simple d'approcher l'homme le plus important et le mieux protégé de tout l'Empire Terrien. Impossible pour un amateur qui avait failli se faire buter par de vulgaire mafieux. Une fois son amusement passé, il reprit son air grave.
- Toi, tu veux tuer l'empereur rien que ça ? Et tu crois vraiment que je vais te laisser partir après avoir entendu ça ? Pourquoi je le ferais ?
- Vous êtes un déserteur des forces spatiales ? Donc vous aussi vous avez des griefs contre lui.
- Imbécile. Mes motivations n'ont rien à voir avec ça. Et tu n'as pas besoin de les connaître. En revanche, comprends bien que je reste loyal envers l'empereur. Je le sers juste à ma façon.
- Si vous saviez, vous ne le seriez pas autant.
- Mais détrompe-toi, cette affaire ne m'est pas étrangère. Ne t'ai-je pas dit que j'avais pris la peine de me renseigner à ton sujet ? À ton avis, jusqu'où j'ai creusé ? Qui tu es, pourquoi tu cherches à te venger, rien ne m'a échappé.
- Alors vous savez que mes raisons sont légitimes. Vous n'avez pas le droit d'essayer de m'en empêcher.
- De toute façon, je ne te laisse pas le choix. On t'a sauvé la vie, soigné à nos frais. Donc, au temps te rappeler que tu as une dette envers nous. Tu vas bosser pour moi histoire de la rembourser.
- Vous êtes sérieux là ? Et je n’ai pas mon mot à dire ? Je vous signale que je ne vous ai rien demandé moi !
- Mais tu es en vie grâce à nous. Cela ne change rien. Au moins, ça m'évitera de te voir nous mettre des bâtons dans les roues. Et si tu te faisais tuer en recommençant tes conneries, j'aurais mauvaise conscience. Et puis, sache que si tu restes avec nous, tu as de fortes chances de rencontrer l'empereur. Nos chemins se croiseront tôt ou tard.
Zack n'en revenait pas. À quoi il jouait ce capitaine ? D'abord, il lui fait comprendre qu'il est contre son projet, et maintenant il lui propose de l'aider ? Cela n'avait aucun sens. Enfin, il n'avait pas exactement dit ça, mais c'était tout comme puisqu'il lui offrait l'opportunité de voir l'empereur en restant sur son vaisseau. Pour une raison qui lui échappait, cela cachait quelque chose d'important, et de bien précis.
Le capitaine dans tout cela. Qu'avait-il à y gagner ? À part un nouveau membre d'équipage qu'il éviterait de payer, certes. Mais il allait bien falloir qu'il dorme, mange, se lave, et l'habiller. Puis, de l'équipement de combat c'était pas donné. Est-ce que l'investissement en valait vraiment la peine ?
- J'espère que tu ne crois pas que je vais te rendre la vie facile, gamin. Tu vas devoir travailler dur ici. On dépend tous des efforts de chacun sur ce vaisseau. Fait des conneries, tu vas vite retourner à l'infirmerie.
- En gros, vous me demandez de bosser gratuitement pour vous, et vous espérez que je vais m'impliquer à fond ?
- Une dette est une dette. Et dans notre milieu, ne pas rembourser c'est dire adieu à son honneur de pro, et donc fin de carrière. Tu penses que tu peux jouer au con avec moi sans en payer le prix ?
- Non, je suis juste surpris de la tournure des événements. J'ai l'impression que vous me rendez service tout en profitant de moi.
- Pas vraiment. Je t'ai dit que tu aurais toutes tes chances de rencontrer l'empereur grâce à moi. Mais pas que je te laisserais l'occasion de le tuer.
- En gros, c'est surtout une façon de me mettre sous surveillance tout en étant gagnant dans l'affaire.
- Je vois que tu fais enfin preuve de bon sens. Il y a du progrès. Mais estime-toi heureux. Tu vas avoir la possibilité d'apprendre avec les meilleurs ici. Cela t'évitera les mésaventures comme celle dont on t'a sauvé.
Ainsi, il était fixé sur son sort, mais tant pis. Ou tant mieux ? Certes le capitaine n'était pas vraiment favorable à son projet, et le lui avait bien fait comprendre. Mais il s'en fichait bien à cet instant. Il venait de faire un grand pas vers son objectif, et c'était tout ce qui comptait pour lui. La suite des événements allait même dans son sens. Si on le formait, et bien, alors il lui suffisait de retourner ce savoir contre le capitaine quand il rencontrerait l'empereur, puis d'enfin assouvir sa vengeance.
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