Chapitre 5 : Les données sur Koutcha
À l’aube, le connecteur d’Adallia lui envoya une série d’impulsions douces qui lui parcourut le corps et la sortit lentement de la léthargie dans laquelle elle avait plongé. La jeune femme ne se demanda même pas quelle heure il était, son réveil était programmé pour la réveiller toujours à la même heure. Elle n’était pas trop du matin et devait donc s’assurer d’être stricte un minimum avec elle-même ou bien elle risquait d’être véritablement en retard plus d’une fois. Heureusement pour elle, la révolution d’Ordensis autour de son étoile était assez similaire à ce qu’elle connaissait, et l’organisation du temps sur cette planète ne lui semblait pas si étrangère. La seule chose qui l’incommodait encore était la pesanteur légèrement plus forte.
Adallia vérifia l’horaire de ses cours de la journée et vit qu’elle en avait un avec les première année en fin de matinée et un autre avec les deuxième année dans l’après-midi. Elle examina les salles et les bâtiments où elle devait enseigner et s’assura que les documents prévus pour ces classes étaient bien enregistrés dans son connecteur. « Bon, normalement, je devrais avoir assez de temps avant pour me rendre au Centre des sciences cybernétiques et récolter des données sur Koutcha ». La jeune femme bailla longuement et se motiva pour se lever une bonne fois pour toute.
Depuis le salon, elle entendit BIDI-O s’activait dans la cuisine, affairé au petit déjeuner. Elle vit que Kaïlye s’était endormie pendant la nuit sur l’un des divans et n’avait même pas eu la force de monter dans sa chambre à l’étage.
Adallia se pencha sur une table basse où était posé un bol contenant des fruits exotiques d’Ordensis et en prit un. Elle en profita également pour donner une tape à son amie qui était courbée comme un boomerang sur le divan.
— Réveille-toi ! On doit aller au Centre ce matin, car ensuite, j’ai des cours à donner à la Faculté d’Histoire.
En guise de réponse, Kaïlye émit un grognement qui ressemblait à celui d’une bête sauvage. Ce fut le moment que choisit BIDI-O pour sortir de la cuisine, chargé de plats pour le petit-déjeuner.
— Allez les filles, il faut manger et prendre des forces. Kaïlye, c’est l’heure de se réveiller !
— Venant d’un Androïde qui n’a ni besoin de dormir ni de manger, ça te va bien, marmonna Kaïlye d’une voix à peine audible.
— Non, il a raison, rétorqua Adallia d’une voix ferme. C’est l’heure. Je file me laver en haut, puis je descends manger le p'tit’ dej de BIDI-O. Après quoi, réveillée ou pas, je t’emmène au Centre des sciences cybernétiques avec moi.
— Ok, ok…, répondit Kaïlye, laisse-moi dormir encore un peu, je me lèverai bien assez tôt comme ça.
Adallia se dirigea à l’étage où elle rejoignit la salle d’eau. Une douche revigorante, une pastille rafraîchissante et un toilettage en bonne et due forme redonnèrent à Adallia toute l’énergie nécessaire pour affronter la journée.
Quelques minutes plus tard, la jeune femme descendit le vieil escalier en bois jusqu’au salon où Kaïlye avait émergé de ses rêveries et grignotait des toasts apportés par l’Androïde.
— Vous avez travaillé sur le G-Force jusqu’à quelle heure ? demanda Adallia en voyant la mine de déterrée de son amie.
— Beaucoup trop tard... répondit Kaïlye avec des cernes qui donnaient l’impression de lui agrandir encore plus les yeux. Et à qui la faute ? ajouta-t-elle à l’intention du petit robot qui allait et venait pour nettoyer la maisonnée.
— Oui, mais nous avons réussi à installer l’adaptateur, Adallia ! fit BIDI-O tout joyeux. Nous pourrons le tester ce soir.
— Bravo à vous deux ! félicita Adallia avant de renchérir malicieusement. J’en connais une qui va être contente.
Kaïlye se contenta de faire la grimace et d’avaler son petit-déjeuner.
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Une fois le repas terminé, les deux jeunes femmes empoignèrent leurs affaires avec quelques fruits pour le casse-croûte et quittèrent leur domicile en saluant BIDI-O. Dehors, Adallia demanda à propos de l’Androïde :
— Qu’est-ce qu’il fait de ses journées en ce moment ?
— Il construit une autre moto-jet, « le G-Force 2 »... expliqua Kaïlye d’un ton blasé.
— Je comprends mieux maintenant comment il compte faire la course avec son propre double. Il est vraiment plein de ressources !
— Oui, un peu trop parfois...
L’air frais de la mer apportait un vent de fraîcheur bienvenu. La masse rouge du soleil d’Ordensis pointait de plus en plus le bout de son nez et allait bientôt apporter un air chargé de chaleur et d’humidité. Le village paraissait plus actif que la veille. Les habitants, qui vivaient paisiblement, étaient sortis. Ils rejoignaient les fermes hydroponiques installées le long de la côte et sur les îles proches, ou bien retrouvaient les plate-formes hydrauliques et les stations sous-marines qui utilisaient les forces de la mer pour recycler l’eau en énergie.
D’autres habitants plus âgés écoulaient leurs vieux jours dans le village en menant une vie plus traditionnelle et en regardant les allées et venues des badauds. Kaïlye les connaissait tous et les saluait par leurs prénoms respectifs. Adallia s’y risquait parfois quand elle les reconnaissait.
Les deux amies prirent la direction inverse par laquelle elles étaient arrivées la veille en faisant un détour pour mieux profiter du paysage de la côte. « Une bonne bouffée d’air frais finira sans doute de réveiller Kaïlye » avait pensé Adallia.
Sur la route, la jeune femme observa les plages et les dunes désertes où des crustacés, parfois aussi gros que des oiseaux, s’enterraient dans le sable. Les habitants les laissaient exprès pour que les étudiants ne vinssent pas s’y installer et se baigner dans le coin. Ils avaient aussi démonté les kiosques pour éviter que des marchands ambulants ne s’y implantassent et ne vendissent de la nourriture à ceux qui voudraient profiter de la mer. Avec le temps, Adallia avait compris à quel point les Sythecs n’étaient pas du tout des commerçants, mais plutôt des gardiens dans l’âme. Ils ne voulaient surtout pas que les systèmes stellaires sous leur contrôle ne devinssent un jour des zones touristiques pour les Humains de la Confédération.
Plus loin, au bout d’une crique, Adallia put distinguer un autel en piteux états érigé sur la berge. La jeune femme n’était jamais allée le voir de près, mais elle se rappela de ce que lui avait dit Yu Kiao à propos de l’iconographie et de la façon dont les Sythecs représentaient leurs concepts religieux. Elle se demanda si cet autel, depuis longtemps délaissé, portait sur lui des bas-reliefs de l’arbre à énergie comme celui que lui avait montré son directeur. Plusieurs fragments parsemaient le sol autour et rejoignaient les eaux de la mer, suggérant qu’il n’y avait sûrement plus grand-chose à voir.
Au large, en face de la crique, quelques navires à voiles à fibres captant l’énergie solaire reliaient les archipels de la région et la côte où se trouvait le village. D’autres, plus massifs, utilisaient l’énergie que les stations sous-marines faisaient remonter à la surface et transmettaient aux bateaux via des champs de force émis par des balises. La mer était ainsi le théâtre d’innombrables croisements entre cargos venant des différents continents. Et alors que le jour se faisait de plus en plus présent et resplendissait sur les eaux calmes, les deux lunes d’Ordensis s’effacèrent sous un ciel bleu très clair et sans nuage.
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Les deux comparses franchirent les collines rocheuses et les monticules herbeux des environs avant d’atteindre la gare du monorail.
Elles montèrent les escaliers de la station surélevée et se positionnèrent à côté de quelques autres personnes en attendant la navette. L’environnement était très tranquille et l’on pouvait même entendre et ressentir les vibrations des viaducs qui parcouraient la ligne. Cette fois, les deux amies devaient prendre le monorail en direction du nord pour rejoindre la Faculté des Technologies où se situait le Centre des sciences cybernétiques.
La structure de cette faculté était originale en raison de sa localisation dans un lieu un peu particulier. En effet, un canyon reliant la mer depuis la côte jusqu’à l’intérieur des terres avait creusé la roche pendant des millions d’années avant de finir dans une cuvette naturelle entourée de falaises abruptes. Dans cette cuvette, l’eau s’était engouffrée et avait formé un très grand lac qui aujourd’hui abritait les structures de la Faculté des Technologies. Adallia n’y allait pas souvent, car c’était un peu trop éloigné de la Faculté d’Histoire et qu’elle n’en avait pas beaucoup l’occasion, mais elle aimait s’y rendre pour y admirer un autre environnement.
Adallia et Kaïlye embarquèrent dans le monorail qui les emmena directement vers la Faculté des Technologies en longeant la côte. Au fur et à mesure de sa course, de plus en plus de personnes montèrent à bord du puissant véhicule et le bruit des passagers finit de complètement réveiller Kaïlye. Adallia, elle, observait les étudiants en train de se chamailler à propos de la gestion de leurs dortoirs.
Le monorail vira vers l’est et s’enfonça dans un canyon rougeâtre de plus en plus grand où coulait un fleuve qui conduisait au lac de la Faculté des Technologies. Il était alors possible de voir les structures de la faculté, et notamment le haut du bâtiment principal, en forme de rotonde, dominé par des sculptures abstraites longitudinales. Ces dernières pointaient vers le ciel et symbolisaient les technologies universelles.
Le monorail pénétra dans un tunnel pendant quelques secondes avant de s’arrêter au niveau d’une station souterraine où il était indiqué sur un grand panneau : « Faculté des Technologies ».
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L’Académie avait fait un gros effort de décoration pour cette station. L’étage inférieur de cette dernière était couvert de tuyaux et de pompes qui rappelaient la mécanique rudimentaire des premiers âges et les mines d’extraction de minerais des Sythecs. À l’étage supérieur, accessible depuis un escalier, les couloirs menant aux passerelles et aux ascenseurs quittant la station étaient animés par des images tridimensionnelles aux couleurs psychédéliques qui vantaient les vertus de la recherche technologique.
Les deux amies accédèrent directement aux ascenseurs où elles se tassèrent avec un grand nombre de personnes. Une fois le sas refermé, l’ascenseur piqua vers l’arrière et déboucha sur un tube en verre qui sortait de la falaise dans laquelle se trouvait la station de monorail. À travers la baie vitrée, et en même temps que l’ascenseur descendait, Adallia put voir les nombreux pontons rejoindre le centre du lac où dominait le grand bâtiment à rotonde et quelques autres structures plus petites tout autour de celui-ci.
En bas, les deux femmes sortirent de l’ascenseur en prenant soin de laisser passer la foule afin de ne pas être bousculées. Sur le côté, un barrage contrôlait l’arrivée d’eau du fleuve qui se déversait en cascade dans le lac, et dont le remous des chutes provoquait un nuage de particules d’eau qui remontait vers les falaises. Adallia et Kaïlye prirent l’un des pontons parcourant le lac et se dirigèrent vers le bâtiment à rotonde.
Il s’agissait de la structure administrative de la faculté qui pouvait de temps à autre accueillir des délégations extra-planétaires venues visiter le site. Les dirigeants Sythecs de l’Académie profitaient ainsi de la position de cette faculté pour en offrir plein la vue à leurs visiteurs et les incitaient à investir dans l’Académie. Kaïlye avait raconté un jour que, tout en haut de la rotonde, se trouvait un restaurant rotatif à 360 degrés. Elle n’y était jamais allée, mais savait qu’on s’y rendait généralement pour fêter un grand évènement et qu’une tenue correcte était exigée à l’intérieur.
Le bâtiment central ne possédait pas de porte, une ouverture béante permettait aux gens de pénétrer dans la bâtisse. À l’intérieur, se tenait un grand hall de réception avec des cartes holographiques et d’autres indications pour se repérer. L’autre particularité de cette faculté était que les différents centres de recherches, et même les salles des cours, se trouvaient sous l’eau, à plusieurs mètres de profondeur dans le lac. Pour s’y rendre, il fallait choisir l’une des petites structures qui juxtaposaient le bâtiment central à rotonde.
Adallia, qui n’avait pas vraiment le sens de l’orientation, ne se souvenait jamais par où il fallait aller et laissa Kaïlye la guider. Cette dernière traversa toute la longueur du hall et parvint vers une sortie située à l’arrière du bâtiment à rotonde. Là, les deux amies empruntèrent à nouveau un ponton à l’extérieur et pénétrèrent dans une petite structure ronde par un sas d’entrée. Dedans, des lumières bleues tamisées filaient au sol et aux murs où des plate-formes à gravitation descendaient profondément vers le Centre des sciences cybernétiques, sous la surface de l’eau.
Tout en bas des plate-formes, se trouvait une grande salle dotée d’un plafond cristallin laissant transparaître les rayons du soleil de la surface. Grâce à cela, il n’y avait pas besoin de système d’éclairage la journée dans cette partie du centre. De grands hublots jalonnaient également les murs et laissaient entrevoir les autres bâtisses sous-marines et ovales de la faculté. À l’exception de celles-ci, rien d’autre n’était visible dans les profondeurs. Adallia trouvait décidément la Faculté d’Histoire beaucoup trop classique en comparaison de celle-ci.
Toujours derrière Kaïlye, la jeune femme passa les bornes des professeurs que son badge l’autorisait à accéder. Une fois passées plusieurs intersections, les deux amies aboutirent à un couloir qui menait aux laboratoires et aux archives du Centre. Elles devaient à nouveau passer des bornes mais ici, Adallia n’avait pas le droit de s’y rendre, et d’ailleurs, elle n’était jamais allée aussi loin dans cette zone.
Kaïlye expliqua la situation au personnel en charge de la surveillance des locaux et Adallia dut remplir un formulaire pour pouvoir passer afin de dédouaner l’Académie en cas d’incident. Kaïlye lui révéla que certains secteurs sensibles du Centre, inaccessibles même pour elle, abritaient des gardes armés. Adallia n’en fut pas étonnée, car la recherche technologique en Cybernétique incluait des informations classées confidentielles et l’utilisation d’outils qui pouvaient s’avérer très dangereux.
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Finalement, au détour d’une salle de repos un peu austère où s’entrecroisaient les différents chercheurs que Kaïlye saluait d’un geste de la main, les deux jeunes femmes parvinrent aux archives du Centre. La porte d’entrée s’ouvrit et se referma aussi vite une fois franchie.
De l’autre côté, Kaïlye indiqua à Adallia de la suivre jusqu’à un comptoir luisant près duquel se tenait un homme sensiblement du même âge qu’elles. Bien qu’il n’était pas Sythec il était grand et mince, en plus de posséder une belle chevelure blonde. Derrière lui, de longues étagères aux lumières jaunâtres s’enfonçaient dans un labyrinthe de stockage numérique de ressources.
— Parfait, c’est lui. C’est celui qui en pince pour moi, dit Kaïlye d’un air complice.
Lorsqu’elles s’approchèrent du comptoir, le jeune homme cessa de lire ses écrans holographiques et releva la tête dans leur direction. À la vue de Kaïlye, ce dernier sourit et lui dit :
— Bonjour, que me vaut ce plaisir ?
— Salut Sihryme, répondit Kaïlye en s’accoudant au comptoir. Dis-moi, comment cela se passe en ce moment pour toi ?
— Très bien, la routine. Je partage mon temps entre mes recherches et le travail aux archives comme tu peux le voir.
— C’est dur, fit Kaïlye d’une voix douce et presque suave, ça ne te laisse pas beaucoup de temps pour sortir, n’est-ce pas ?
Avec une satisfaction non-dissimulée, l’archiviste répondit :
— Non, en effet. Après, je ne m’impose pas de contrainte, je veux rester libre de mes mouvements, dit-il d’un ton un peu présomptueux.
— Je comprends... Tiens, au fait, voici ma meilleure amie, Adallia, annonça brusquement Kaïlye. Tu ne l’as jamais vu, je crois. Elle travaille à la Faculté d’Histoire, elle aussi fait des recherches en Cybernétique, tu sais.
— En Histoire du monde cybernétique, tu veux dire ? lâcha l’archiviste d’un ton condescendant et en grimaçant, comme si cela lui paraissait incongru qu’une telle discipline existe.
Le visage de Kaïlye se renfrogna, et Adallia se mordit les lèvres pour ne pas laisser transparaître son envie de le gifler. Réalisant la boulette qu’il venait de commettre, le jeune homme tenta de se rattraper :
— Oui, enfin… je veux dire que ce n’est pas commun. Au moins ça a le mérite de proposer de nouvelles perspectives, bricola-t-il sans grande conviction.
— Merci… lâcha Adallia en serrant les dents.
— Pour tout dire, enchaîna Kaïlye d’un ton plus abrupt, si j’ai fait venir Adallia aux archives du Centre, c’est parce qu’elle fait des recherches ; et j’ai pensé que certaines de nos données pourraient l’intéresser.
— Euh… balbutia le jeune homme. Je ne veux pas paraître impoli, mais les archives sont uniquement réservées au personnel du Centre. Je n’ai pas le droit de fournir des données à des membres extérieurs, même s’ils font partie de l’Académie.
— Oui, je sais bien... Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de signer une dérogation ou quelque chose du genre ? tenta Kaïlye comme s’il s’agissait d’une broutille.
Toujours gêné, Sihryme se gratta la tête. Il savait qu’il marchait sur des œufs avec Kaïlye et il ne voulait pas risquer de faire un faux pas. Toutefois, il était responsable des archives et de ce que cela impliquait :
— Non, c’est seulement dans des cas spéciaux, car beaucoup d’informations sont sensibles ici. Les données que nous acceptons de partager avec les autres facultés se trouvent au Temple, c’est la raison même de cette bibliothèque. Peut-être que ton amie pourrait aller voir là-bas ?
Commençant à perdre patience, Kaïlye fronça les sourcils et argua d’une voix révoltée :
— Il n’y a presque pas de documents de notre centre au Temple... Et puis, Adallia ne recherche rien d’interdit... Mais je vois, si tu ne veux pas nous aider, j’ai compris !
Comme l’aurait fait une ado, elle tourna le dos à l’archiviste qui se retrouvait désormais avec une mine déconfite. Adallia savait que Kaïlye était en train de jouer sur les émotions du jeune homme. En même temps, son argumentaire était implacable.
— Non, ce n’est pas… Bon, bon, ok, attends Kaïlye, gémit Sihryme qui se tourna, l’air confus, vers Adallia. Qu’est-ce que tu recherches exactement ?
— J’aurais besoin d’informations en provenance de Koutcha, dit la jeune femme qui sentait que la partie était peut-être gagnée.
— Koutcha… répéta l’archiviste avec un visage plus serein et ayant l’air de réfléchir.
D’un air hésitant, il finit par ajouter :
— Oui, j’imagine que ça peut aller...
— Tu vas l’aider ? demanda Kaïlye en faisant mine de se radoucir.
— Oui. Mais les données de nos archives sont généralement transférées sur des serveurs chiffrés. Je ne peux pas les transférer sur le connecteur de ton amie, il faudra qu’elle se connecte au réseau de l’Académie et utilise un code que je vais lui donner.
— C’est bon pour moi, fit Adallia,
— Inutile de dire que tu ne dois partager ce code sous aucun prétexte et que toi seule peut y accéder, avertit le jeune homme à l’adresse d’Adallia.
— C’est noté, je suivrai les consignes.
— Bon, dans ce cas-là, il ne reste plus qu’à me suivre aux archives. Je vais quand même vérifier la nature des données que je vais extraire avant de les partager sur les serveurs de l’Académie. S’il n’y a pas de problème, je te donnerai le code d’accès.
— Parfait ! dit Adallia.
Kaïlye se pencha et embrassa la joue du jeune archiviste qui devint rouge.
— Celui-là, tu l’as bien mérité Sihryme ! dit-elle. Bon, moi je vous laisse vous occuper de vos affaires, je file au labo.
— Tu ne viens pas avec nous ? lui demanda le jeune homme, soudain déçu.
— Non. Mais tu peux venir me chercher tout à l’heure, à la pause, pour qu’on aille déjeuner ensemble.
— Merveilleux ! répondit l’archiviste.
Avant de quiter les lieux, Kaïlye adressa un clin d’œil à Adallia qui fit de même pendant que Sihryme avait le dos tourné.
Le jeune homme fit pivoter une porte du comptoir pour permettre à Adallia de le rejoindre. De l’autre côté,la jeune femme le suivit à travers un dédale d’étagères électroniques où de petits cyber-robots étaient occupés à classer des données et à les mettre à jour dans les rayons. Tout jouasse d’avoir obtenu le droit de pouvoir manger avec Kaïlye, Sihryme emmena promptement Adallia jusqu’à un dépôt contenant des données.
— Pourquoi tu t’intéresses à Koutcha ? demanda-t-il tout en avançant.
— Je sais qu’il y a des Assegaï qui y achètent des antiquités. Je souhaiterais savoir ce qu’ils recherchent précisément.
— Hm… Oui, effectivement, tu es bien renseignée. J’imagine que c’est Kaïlye qui a dû te le dire.
Adallia abonda de la tête.
— C'est cela. Mais, en fait, pourquoi est-ce que le Centre possède des informations sur Koutcha s’il ne s’y intéresse pas ?
— C’est très simple, répondit l’archiviste. Tout d’abord, nous nous contentons de réunir toutes les informations qui touchent au monde cybernétique. Après quoi, nous les trions entre celles qui sont susceptibles de nous intéresser et les autres.
— Et c’est toujours un chercheur du centre qui trie les données ?
— Cela dépend. Parfois, ce sont des instituts de recherches privés qui nous les envoient et qui s’en chargent.
— Vous ne récoltez pas les données par vous-mêmes ?
— Pas toujours. Il arrive aussi qu’il y ait des missions diplomatiques qui collectent des ressources et nous les partagent avec l’aval de la Confédération. C’est pour cela que beaucoup de données sont sensibles.
— Du coup, pour Koutcha, cela ne pose pas de problème ?
— Non, je ne crois pas. Sur Koutcha, les échanges ne concernent pas les secteurs technologiques, et cette planète ne fait pas vraiment l’objet de surveillance. Par ailleurs, les Cyborgs n’y sont pas très nombreux, ce sont exclusivement des Assegaï.
Adallia fut surprise de ce que venait de lui apprendre l’archiviste et lui fit remarquer :
— Exclusivement des Assegaï !? C’est quand même un peu étrange, non ?
— Si c’est pour acheter des antiquités, alors pas tellement, rétorqua simplement Sihryme.
Ce que disait l’archiviste était vrai, mais il était quand même rare que les Assegaï se retrouvassent seuls pour faire des recherches sur les autres espèces. Une étude minutieuse des documents du Centre pourrait peut-être permettre d’éclaircir ce mystère. Dans tous les cas, cela rendait le sujet encore plus intriguant.
Adallia, perdue dans ses pensées, ralentit inconsciemment le pas. Pressé, Sihryme la rappela à l’ordre :
— Poursuivons, si tu le veux bien, nous sommes presque arrivés.
Adallia émergea de ses réflexions et accéléra la cadence. L’archiviste la conduisit jusqu’à un rayon où il était écrit « Systèmes et planètes cybernétiques de type P ». Le type P faisait référence, dans le catalogue des ressources, aux zones de la Galaxie qui ne faisaient pas l’objet de recherches spécifiques par le Centre des sciences cybernétiques.
Le jeune homme demanda à l’un des petits cyber-robots archivistes en charge de cette section de lui sortir toutes les ressources sur Koutcha. La machine effectua une brève manipulation et fit apparaître une base de données holographique qui regroupait les informations sur ladite planète.
— Bon, voyons ce que nous avons là, j’ai un peu oublié de quoi il s’agissait depuis la dernière fois, murmura l’archiviste qui fit dérouler plusieurs écrans et en inspecta les ressources.
Quand il eut terminé de parcourir la base de données, il se tourna vers Adallia :
— Bien, c’est comme je le pensais. Les données récoltées concernent des publications sur différents sujets en lien avec Koutcha. Il s’agit pour beaucoup de travaux de chercheurs indépendants qui ont obtenu une autorisation pour se rendre sur cette planète. À toi de faire le ménage dans tout ça et de ne sélectionner que ce qui concerne tes recherches. Si c’est bon pour toi, je vais te transférer l’ensemble des documents sur les serveurs.
— C’est parfait. Est-ce j’y ai accès pour une période limitée ? demanda Adallia.
— Oui, tu n’as que vingt-huit jours à partir d’aujourd’hui pour étudier les données. Au-delà de ce délai, elles ne seront plus accessibles.
« Pas de temps à perdre alors » pensa la jeune femme. L’archiviste lui donna le code d’accès aux informations sur un papier et la pria une fois encore de le garder pour elle. Adallia rangea le papier dans sa sacoche et en profita pour regarder l’heure. Elle vit alors qu’il n’y avait plus de temps à perdre si elle voulait faire cours à ses étudiants sans arriver en retard.
Elle remercia vivement l’archiviste pour son aide et lui souhaita bonne chance pour son déjeuner avec Kaïlye. À peine le jeune homme avait-il eu le temps de répondre qu’Adallia avait agrippé la bandoulière de sa sacoche et filé comme l’éclair en direction de la sortie. Bien qu’elle dût se dépêcher de rejoindre au plus vite la Faculté d’Histoire, dans son for intérieur, elle avait encore plus hâte de commencer à éplucher les documents du Centre.
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