Au commun des mortels

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« Vous voulez que je vous dise ?

Je me fiche éperdument de vos misérables vies. Elles ne valent rien à mes yeux. De toutes les façons, vous vous entêtez à les gâcher. Vous vous plaignez sans arrêt sans même vous en rendre compte. C’est devenu un réflexe presque comme une respiration, vous le faites sans en prendre conscience. Un boulot à la con, une destinée de merde, des crédits sur le dos mais malgré tout des rêves remplis de kitch à foison, relayés à longueur d’ondes à grands coup de slogans médiatiques et de téléréalités aussi mièvres que possible pour laver vos cerveaux. Comme s’il ne vous étiez pas permis de penser par vous-mêmes !

J’ai l’impression que plus rien ne vous anime. Vous n’avez plus la flamme. Cette litanie perpétuelle de doléances n’en finit plus, je ne le supporte plus. Vous subissez la vie en oubliant de la vivre simplement. Jamais de satisfaction, jamais de plaisirs assouvis…quelle tristesse à vous entendre !

Vous oubliez l’essentiel, le sel de votre histoire : vos mômes, l’amour, tous les moments de bonheur, les grandes étapes qui ont su révéler le meilleur de vous.

Tout votre précieux temps à geindre, celui d’une existence à courir après de l’abstrait, de l’irréel, du vide, alors que le plus important gît sous vos yeux. Votre cœur est éteint, votre instinct, vos émotions sont mises en sommeil par les diktats d’une société essentiellement éprise de valeurs monnayables dont le cours en bourse donne le vertige aux plus humbles d’entre vous.

Vous lorgnez les chiffres du loto comme vérité universelle en vous berçant d’illusions dans lesquelles vous n’arrivez pas à vous reconnaitre. Mais vous continuez à semer dans la tête de vos chérubins la graine pernicieuse de la compétitivité et de la performance à n’importe quel prix en rognant sur la beauté de l’innocence.

Le culte du plus beau, du plus fort sans restriction s’est lentement et consciencieusement immiscé en vous.

Je ne vous en veux pas, je suis juste rempli de colère de devoir cautionner malgré moi un processus qui semble inéluctable, ardemment défendu pour plusieurs générations.

Mais que cherchez-vous donc au final ? La facilité, la médiocrité ? Non, je ne peux vous croire aussi lâches, aussi veules à ce point que vous ne puissiez voir la vérité en face.

Je vous maudis tous autant que vous êtes, je vous exècre. Je vomis sur ce que vous êtes, sur ce que vous représentez pour moi aujourd’hui et j’ai honte de vous en particulier. J’ai honte de la race humaine en général.

Mais plus que tout, je me dégoute, de ne plus vous appartenir. Je n’en possède plus les moyens. La lutte permanente prend fin. Dans ce combat, j’y ai laissé trop de plumes. Mon corps s’est meurtri d’avoir dû livrer bataille dès que j’ai su. L’affrontement se révélait, dès le départ, perdu d’avance. Je ne vivais que dans l’illusion de la normalité, du conformisme apaisant. Je me suis leurré en payant le tribut jour après jour. Des années à se demander pourquoi le terme incurable prenait racine en moi. Des années à braver l’inévitable, à narguer la fatalité à grands coups d’optimisme. A faire en sorte de ne pas sombrer, ne pas tomber et se relever à chaque nouvelle épreuve pas après pas. La combativité, je connais, alors ne venez pas me donner de leçons à ce sujet et cessez de qualifier mes agissements d’actes de courage ; ils n’en sont pas. Occupez-vous plutôt de vous car ce sont vos choix qui définissent le goût de votre destinée.

Jamais je ne vous comprendrai puisque vous, vous disposez de ce que je n’ai plus. De ce que j’ai définitivement perdu. Vos petits soucis ne sont jamais que trop petits et insignifiants à mes yeux.

Ma colère ne s’éteindra pas, je le sais. Elle demeure en moi, je dois juste essayer de la canaliser car l’issue pourrait être fatale pour vous ou pour moi…Dont acte ! »

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