Chapitre 5
Je me réveille en sursaut, la sueur coule tout le long de mon corps... Un cauchemar, je viens de faire un cauchemar dans lequel je revois la mort des deux hommes que j'ai tués hier.
Je me redresse dans mon lit et me lève pour me précipiter sous le jet d'eau bienfaiteur de la douche. Les images de la veille refusent de quitter mon esprit et j'ai l'impression de sentir l'odeur de leur sang sur moi, c'est horrible. Je m'en veux, j'ai toujours eu des remords à tuer des gens, même si c'était pour ma propre sécurité. Je n'aime pas répandre la mort autour de moi, je sais que parfois il le faut et que je n'ai pas le choix. Mais hier j'avais le choix, j'aurais pu m'en sortir sans leur ôter la vie ! Cependant, j'ai perdu tout le contrôle sur bête et je n'ai pas pu m'empêcher de les massacrer et c'est cela qui me terrifie le plus. Je ne suis pas capable de me contrôler, pourtant j'ai fait des progrès ! J'avais appris à me calmer avant qu'elle n'arrive, à la rendormir pour l'enfouir aussi profond que possible dans mon esprit.
Je soupire en m'essuyant. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Je ne m'inquiète pas pour le meurtre, il n'y a pas de police ici. Celui ou celle qui découvrira les corps ira sûrement en parler au gang auquel ils appartiennent et au pire ils essayeront de savoir qui a perpétré ces crimes mais ils ne pourront jamais remonter jusqu'à moi... Ou sinon ils seront brûlés. Je ne risque donc rien, c'étaient des humains, ils devaient donc faire partie d'un gang humain.
Mais à peine cette pensée apparaît qu'un doute se crée dans mon esprit... Et s'il y avait des non humains dans leur gang ? Cela pourrait me poser plus de problèmes. Oui je sais, je psychote. Il faut que je me détende !
Je me prépare un bol de céréales au chocolat dans la cuisine avant d'aller m'affaler sur le canapé et regarder la télé tout en mangeant. Je suis assez surpris que le poste fonctionne encore, le patron doit vraiment faire attention à ce que les résidents ne cassent rien. Remarque, aucun d'eux n'a envie de perdre la caution qu'il prend en plus du loyer.
Je zappe les chaînes les unes après les autres jusqu'à ce que je tombe sur le dessin animé "Tom et Jerry". Malgré mes vingt ans, j'adore les dessins animés, je sais c'est pour les enfants, mais j'aime bien, je trouve que c'est simple à regarder, on n'a pas besoin de réfléchir. C'est assurément un bon moyen de se détendre.
Le chocolat de mes céréales a le don de me remonter le moral. Ne dit-on pas que c'est un antidépresseur ? Et bien, moi, je le pense et là, j'ai franchement besoin d'un petit coup de pouce pour le moral. En plus j'aime le goût chocolaté.
Je rigole devant les gamineries du chat et de la souris, cela me rappelle un peu mon enfance, bon, pas des plus joyeuses mais une enfance quand même.
Je reste un moment en peignoir à regarder ce programme. Bon, que vais-je faire de ma journée ? Enfin, de mon après-midi vu que j'ai passé la matinée devant le poste de télé. Et si je cherchais un autre travail ? Ce n'est pas que je n'aime pas le mien, c'est l'endroit que je ne kiffe pas, je préférerais être engagé dans un lieu un peu plus normal, enfin dans la mesure du possible car peu de choses sont normales à Dark City.
Je me brosse rapidement les dents avant de m'habiller d'un haut bleu à manches longues, d'un jean, d'une veste en cuir noir et de basket. Merci à celui qui a inventé les programmes courts sur les machines à laver.
Je mets un peu d'ordre dans mes cheveux avant de sortir en veillant à bien fermer derrière moi. Il fait toujours aussi froid dehors, j'aurais sans doute dû mettre une polaire ou un sweet, tant pis je vais faire sans. Je regarde autour de moi, je ne sais pas vraiment où aller, alors je me mets à frapper à la porte de plusieurs boutiques et restaurants.
Au bout de trois heures à me présenter et à postuler... Rien... Absolument rien ! Mais enfin ce n'est pas possible ! Il y a des milliers de morts dans cette ville chaque année, comment font-ils pour ne pas avoir besoin de personnel ?! Je comprends que les gens préfèrent entrer dans un gang avec un tel manque d'opportunité dans le travail !
Je m'affale plus que je m'assois sur le banc d'un petit parc où il n'y a personne, je suis... désespéré. Il n'y a pas d'autre mot pour dire ce que je ressens en ce moment. Je ne veux pas bosser toute ma vie au "Plaisir Coupable" ! Bon je sais que ce ne sera sûrement pas le cas, mais je ne veux pas y rester trop longtemps ! Alors quoi ? Je vais devoir rejoindre un gang ? Ça c'est absolument hors de question ! Exit de devenir un tueur froid et sanguinaire ! Je refuse d'avoir plus de sang d'innocents sur les mains, j'en ai déjà bien assez !
Je ne sais vraiment pas quoi faire, devrais-je quitter la ville ? Non, je viens à peine d'arriver et ils ne m'ont pas encore retrouvé, et puis de toute manière j'ai besoin d'argent avant de pouvoir repartir. Peut-être que je devrais recommencer à vendre mon corps ? Non, inenvisageable, je ne pourrais jamais faire une telle chose, je récuse de redevenir le jouet d'autres hommes. Mais alors que faire ? Cette question tourne en boucle dans ma tête. Je sais que je devrais m'estimer heureux d'avoir un travail dans cette ville maléfique, mais franchement, je laisserais bien ma place à quelqu'un d'autre.
Je regarde l'heure, il est trois heures de l'après-midi, j'ai dormi longtemps ! Mais ce n'est pas étonnant, je travaille de nuit et puis en plus hier je me suis couché tard.
Dois-je retourner chez moi ? Je ne vois pas d'autres possibilité, je n'ai pas d'ami ici.
Je me lève avant de reprendre le chemin de mon appartement, je regrette parfois d'être obligé de rester seul. En fait j'ai souvent ce regret, je me suis toujours demandé à quoi ma vie ressemblerait si je n'étais pas obligé de fuir sans arrêt. Comment serait-elle si je pouvais m'installer quelque part définitivement, me trouver un amoureux, fonder une famille et vivre une vie normale comme tout le monde. Mais je ne peux pas. Je réalise soudain que j'ai beau le savoir depuis bien longtemps, cela n'empêche pas une horrible douleur de me torde le cœur. Je sens les larmes qui me montent aux yeux et cela me fait serrer les poings. Pourquoi suis-je si faible ? Pourquoi je ne peux pas être plus fort ? Je sais que je ne pourrais jamais avoir une vie comme les autres, ni même trouver le bonheur, j'en suis conscient depuis toujours et je pensais être devenu fort ! Mais voilà que je me mets presque à pleurer comme un gamin !
J'efface d'un geste rageur les larmes qui débordent de mes yeux. Maudit regret ! Une goutte d'eau vient s'écraser sur mon visage et je lève les yeux au ciel. De gros nuages cris commencent à déverser leur eau sur la ville et l'odeur de la pluie ne tarde pas à envahir mes narines.
La pluie fait écho à ce que je ressens, j'ai l'impression que le ciel est triste lui aussi, j'ai conscience de cette comparaison stupide, mais je n'arrive pas à m'empêcher de le penser.
Je me retrouve rapidement trempé, mais je n'ai pas encore trop froid, mais cela ne saurait tarder car la pluie est glaciale sur ma peau.
Je presse donc le pas pour regagner mon appartement et me mettre au chaud.
Je passe le reste de l'après-midi encore devant la télé à regarder des émissions idiotes. Je n'ai jamais été un grand fan de télé, mais quand je n'ai rien d'autre à faire et que l'ennui s'installe, je ne suis pas contre un peu de stupidité, ça fait passer le temps et je me sens moins seul.
Vers dix-huit heures, je décide enfin de bouger : une douche rapide, des vêtements propres à enfiler, c'est-à-dire un jean, un haut noir et un sweet marron. Bref, les affaires qui me tombent sou la main. Alex ne m'a jamais demandé de porter une tenue réglementaire non ?
J'affronte à nouveau les rues sombres et froides de la ville. Maintenant que je sais où se trouve mon lieu de travail, je n'ai plus besoin de chercher et donc de perdre du temps. Pendant que je marche, une drôle de sensation m'envahit. Je suis encore suivi ??!!!! Cependant, toutes les fois où je me suis retourné, scrutant l'ombre à la recherche d'un éventuel poursuivant, je n'ai rien vu, rien du tout, pas même la plus petite trace d'agresseur. Mais alors quoi ? Est-ce que je rêvais ? Ou bien mon instinct me fait imaginer des choses suite à ce qu'il s'est passé hier soir ? Je ne sais pas mais en tout cas, cette sensation persistante d'être observé et pisté ne m'a pas quitté une seule seconde jusqu'à ce que j'arrive au pub.
J'entre assez rapidement dans le bâtiment pour me diriger tout de suite vers le bar derrière lequel se trouve déjà Alec :
- Tiens, salut Killian, comment vas-tu ? As-tu passé une bonne nuit ? Pas trop mouvementée ? demande-t-il en se tournant vers moi.
La manière dont il prononce ces paroles me fige sur place, j'ai l'impression d'entendre du reproche et de la colère dans sa voix, comme s'il était informé que j'avais fait quelque chose de mal. Mais il ne peut pas savoir pour les deux hommes non ? En tout cas, il est impossible qu'il comprenne que c'est moi le responsable du carnage.
Bien décidé à faire comme si rien ne s'était passé la veille, je lui souris :
- Je vais bien, et oui j'ai passé une bonne nuit, et toi ?
- Disons qu'elle était loin d'être calme répondit-il de façon très bizarre, un peu comme s'il ne disait pas tout.
Je me mets au travail sans trop me poser de questions. Je ne veux pas essayer de comprendre ce qui ne va pas chez lui, ni pourquoi il se comporte étrangement.
Et puis, le boulot n'attend pas : préparer les boissons, ce n'est pas de toute repos, chaque fois que je finis la commande d'un serveur, un autre arrive pour prendre sa place.
Plus tard dans la soirée mon impression d'être épié revient de plein fouet. Je regarde autour de moi, dans la salle, mais rien, personne n'a l'air de prêter attention au pauvre barman que je suis. Mais alors quoi ? Je suis devenu fou ? Ou trop parano ? Non, je suis sûr que je ne me trompe pas, quelqu'un me surveille, mais je n'arrive pas à l'identifier.
Dans un soupir je laisse tomber ma recherche. Après tout, à supposer que quelqu'un m'espionne vraiment, si je trouve cette personne qu'est-ce que je ferais ? Je ne vais quand même pas l'agresser en plein milieu de la salle non ?
La soirée se déroule tranquillement, enfin je suis toujours débordé sous les commandes, mais je ne me plains pas, je suis payé pour ça donc ça ne me dérange pas de le faire.
Mon service finit par prendre fin, étant en période d'essai, je travaille quelques heures de moins que les vrais employés, je ne vais pas râler, je peux ainsi rentrer plus tôt.
Alec ne m'a pas adressé une seule parole de tout mon temps de service, pourtant son regard lui était toujours très en colère et accusateur. J'ai bien essayé de lui parler, mais à chaque fois il m'a dit de m'occuper à autre chose. En tout cas c'est sûr, j'ai vraiment fait une bêtise, mais laquelle ? Bon je dois avouer que je m'en fiche un peu qu'il ne m'aime pas, mais si cela doit rendre mon travail pénible, enfin encore plus qu'il ne l'ait déjà, je ne suis pas d'accord !
Une fois à l'extérieur, je me rends compte que lorsque j'expire, de la buée sort de ma bouche, c'est bête mais je trouve ça amusant, je me sens comme un enfant. Alors, c'est d'un pas alerte que je me mets en marche pour regagner mon chez-moi. Il fait un peu moins froid cette nuit, mais je ne me fais pas d'illusion, même si l'air se réchauffe un peu, nous sommes au moins de Février, l'hiver est encore bien ancré.
Je chemine tranquillement dans la ville nocturne quand, à nouveau et de façon prégnante, la sensation d'être suivi devient plus forte. Cette fois j'entends même des pas dans mon dos.
J'accélère la cadence ceux qui me suivent en font de même, bon sang, deux nuits de suite, je n'ai vraiment pas de chance moi !
Ils marchent un peu plus vite, je dis « ils » car j'ai bien compris qu'ils sont plusieurs et apparemment ils sont déterminés à m'attraper.
Je n'ai pas envie de me battre, je ne m'en sens pas la force, je suis fatigué et je veux prendre une bonne douche puis d'aller m'allonger dans mon lit et rien d'autre. Seulement voilà le destin a décidé que je ne pourrais pas rentrer sereinement chez moi ! Destin, pourquoi me hais-tu à ce point ?
J'ai beau aller de plus en plus vite, je les sens qui se rapprochent de plus en plus de moi et, paniqué à l'idée de ce qu'ils pourraient me faire, je finis par courir comme un dératé.
Je n'ai pas envie de savoir ce qui va m'arriver si je les laisse me rattraper, peut-être que je me fais des idées, que je suis trop paranoïaque mais mon instinct m'a déjà sauvé la mise plusieurs fois. Je décide donc de l'écouter et de fuir à toutes jambes.
Je les entends qui se mettent à courir eux aussi et je détale comme si j'avais le diable à mes trousses. Étant un léopard, courir rapidement sur de longues distances n'est pas un problème pour moi, je peux tenir ce rythme assez longtemps. J'espère juste que ce n'est pas le cas pour mes poursuivants parce que sinon je suis assez mal barré.
Je cavale au hasard dans les rues, sans vraiment faire attention au chemin que je prends. Je sais qu'ils sont toujours derrière moi. J'enchaîne les petites ruelles étroites dans l'espoir d'arriver à les semer. Cependant rien à faire, ils me collent aux basques !
Je tourne dans une énième rue étroite... Et je me retrouve nez à nez avec un grand mur que, malgré mes atouts de bon grimpeur, je ne pourrais jamais escalader avant qu'ils ne me chopent.
Je décide donc de me retourner et de leur faire face. Trois hommes entièrement vêtus en noir de la tête aux pieds avec leurs visages cachés par des capuches.
L'un d'eux s'avance vers moi sans rien dire, tendant sa main dans ma direction. Instinctivement, je bande mes muscles, prêt à lui sauter dessus pour en découdre :
- Qu'est-ce que vous me voulez ?! craché-je de façon menaçante.
Mais aucun d'eux ne me répond et avant même que je comprenne ce qui m'arrive, je sens une forte douleur parcourir tout mon corps.
Je tombe à genoux sur le bitume froid et je crie à cause de cette souffrance horrible engendrée par la perception de milliers de petites lames dans le corps. Je vais mourir, je ne pourrais jamais tenir.
Je sais que c'est cet homme avec sa main tendue qui me fait avoir aussi mal. Je me retrouve impuissant à le stopper et tout doucement une torpeur froide prend le pas sur cette torture et je glisse dans une inconscience sombre et glacée.
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