La personne au bout du fil raccroche et moi je reste là, sans rien dire, paralysé par la peur. Ils vont me retrouver, maintenant j'en ai la certitude. Tout ce que j'aurais fait jusqu'à présent n'aura donc servi à rien ?

Mon bras retombe le long de mon corps et je lâche mon téléphone, il est plus qu'urgent que je parte d'ici, je dois de nouveau changer de ville avant qu'ils ne mettent la main sur moi.

Je me force à retrouver un semblant de calme, paniquer ne servira strictement à rien sauf à me faire me comporter n'importe comment, comme à mon habitude dans ce genre de situation. Réfléchissons, il a dit qu'ils me trouveraient, c'est conjugué au futur, donc ce n'est pas encore le cas et j'ai du temps devant moi.

J'ai besoin de dormir un peu afin de renouveler mes forces, aussi je sombre assez rapidement dans un sommeil bienfaisant, le lit est tellement moelleux et chaud, c'est très agréable pour dormir. Étrangement je ne fais pas de cauchemar, c'est assez rare pour être souligné, mais je suis content, pour une fois que je dors profondément.

Lorsque je me réveille le lendemain, le soleil est déjà haut dans le ciel et je me redresse en grommelant avant de regarder l'heure : 9 heures. Est-ce le bruit de la poignée qui m'a réveillé ?

- Salut Killian ! Tu as bien dormi ? demande cette voix remplie de joie.

Je me redresse en grognant pour fusiller l'importun du regard, mais Aaron ne semble pas s'en soucier.

Comme hier il porte un plateau qu'il pose sur le lit sans même être gêné par le fait que je dorme nu. Puis il me tend mon sac à dos :

- Je suis allé chez toi le chercher cette nuit, j'ai mis toutes tes affaires dedans.

- Merci lâché-je avec soulagement.

Je prends mon bien et le pose au pied de mon lit, je me sens plus rassuré de retrouver mes effets personnels.

Je lorgne sur le plateau avant de sourire : des crêpes avec du Nutella, du beurre et de la confiture à étaler dessus. Il y aussi un verre de jus d'orange, je sens que je vais me régaler !

Je dévore donc mon petit déjeuner, c'est vraiment très bon et une fois que j'ai tout englouti, le vampire se relève pour récupérer le plateau :

- À ce midi Killian, dit-il en me saluant.

Je suis assez étonné car hier c'était un vrai moulin à paroles et à questions et ce matin... rien. Bizarre !

Cependant je ne m'attarde pas plus que cela sur le pourquoi du comment. Je me lève pour m'habiller avant de procéder à ma toilette. J'ai besoin de temps pour réfléchir et mettre en place une stratégie afin de m'échapper.

La seule idée plausible qui marcherait à coup sûr est diablement risquée !

Par la fenêtre, je vois la neige tomber tout en flocons vaporeux et cela me rend nostalgique car j'adorerais m'amuser dans cette masse poudreuse. Hélas, j'ai d'autres priorités.

Mes pensées sont interrompues par l'arrivée de Gabriel. Il ne pourrait pas frapper ? Ma piaule est un vrai moulin, ma parole ! Et puis, ce petit rictus sur son visage me donne juste envie de lui coller mon poing dans la figure :

- Bonjour Killian, as-tu passé une bonne nuit ? m'interroge-t-il.

Je lui lance un regard qui aurait pu tuer Satan lui-même mais lui se contente de se marrer. À croire que cette situation l'amuse :

- Allons, ne sois pas fâché petit chaton, je viens simplement prendre des nouvelles de mon hôte.

- C'est ça, prends moi pour un con ! Tu ne crois quand même pas que je vais gober un truc comme ça ? Qu'est-ce que tu veux ? Si c'est pour que je te dise ce que tu veux savoir, tu peux partir parce que ma réponse n'a pas changé depuis hier.

Il soupire et s'approche de moi avec une grâce effrayante et attirante à la fois, quelque chose en lui me fascine et m'attire. C'est franchement énervant, surtout qu'il est très beau et qu'il le sait parfaitement !

- Je vois, je n'ai donc plus rien à faire ici, Azraël te passe le bonjour chaton.

- Pourquoi ne vient-il pas me le dire lui-même ?

- Il est parti régler des affaires au Paradis avec Dieu.

Je le regarde, interloqué par ce qu'il vient de dire. Dieu existe ? Bon ceci dit, j'aurais dû m'en douter, car si le Mal existe, le Bien aussi forcément :

- Il existe ? demandé-je sans toutefois parvenir à y croire.

Gabriel me lance un regard complètement effaré par ma question. Puis il se met à rire, ce qui me donne encore plus envie de le frapper :

- Bien sûr que oui ! Tu as conscience de l'existence des Anges, des Nephilim, des Vampires, des Spectres et autres, mais tu ne crois pas en l'existence de Dieu ? Si ça peut te rassurer, Satan aussi existe, je l'aime bien. Mais dis-moi, du coup en quel dieu crois-tu, toi ?

Je suis éberlué, car il confirme ce que je pensais et je sais pertinemment bien que ce qu'il vient de dire et totalement juste et logique. Mais cela me fait prendre conscience aussi de son alter égo démoniaque :

- Et bien je crois en Freyr, le Dieu de la Vie et de la Mort et en Anima, le Dieu des animaux.

- Je vois, ce sont des dieux des anciennes croyances. Je me demande qui tu peux bien être pour croire en de telles divinités que plus personne ne connaît de nos jours, dit-il avec curiosité.

Il s'approche de moi et se penche, ses lèvres à quelques centimètres des miennes. Je dois faire un effort surhumain pour ne pas rougir de la tête aux pieds. Et surtout, je dois faire attention de ne pas tomber dans le piège qu'il me tend : utiliser sa sensualité pour me faire avouer ma vraie nature :

- Tu m'intéresses petit chaton, j'ai vraiment hâte que tu te livres à moi.

Puis il s'approche encore plus, sa bouche étant désormais tout près de mon oreille et il lâche d'une voix voluptueuse :

- Dans tous les sens du terme, si tu vois ce que je veux dire.

Cette fois je craque, je le repousse brutalement avant de lui faire un joli doigt d'honneur. Je me retiens de lui sauter dessus pour lui arracher la gorge :

- Tu peux toujours rêver ! Je ne serais jamais à toi tu entends ? Jamais ! lui crié-je.

Il rigole de nouveau. Son attitude ironique et toute puissante fait monter en moi toute ma colère et me donne des envies de meurtre, juste pour effacer ce sourire machiavélique :

- Tu sais chaton, ils disent tout ça, mais je peux t'assurer que tu pliera devant moi. Sur ce, je te souhaite une bonne journée.

Il sort, me laissant bouillir de rage. Non mais pour qui il se prend cette espèce de connard ?! Je jure qu'à la seconde où j'en aurais l'occasion, je lui arracherais les yeux et le tuerai dans d'horribles souffrances !

Et voilà... je suis à nouveau contraint de me recentrer sur moi-même afin de retrouver un semblant de sérénité.

Lorsque je suis enfin calmé, je m'allonge sur le lit en soupirant, non mais franchement, qu'ai-je fais pour mériter ça ? C'est horrible pour moi d'être enfermé de la sorte, je me sens coupé du monde, privé de ma liberté. J'ai l'impression d'étouffer et de manquer d'air.

Il ne me reste plus qu'à visionner... encore un film ! Je m'installe confortablement sur le lit et j'arrête mon choix sur « Zootopie ». J'aime beaucoup les films d'animations, surtout ceux qui sont drôle mais sérieux à la fois, comme celui-ci. Et puis je dois avouer que la lapine qui est l'héroïne principale est vraiment mignonne. Certes, c'est un lapin et moi j'aime bien les boules de poils.

Au beau milieu du film, à nouveau, quelqu'un pénètre dans ma chambre sans au préalable en demander la permission. Décidement...

- C'est toi Killian ? demande une voix que je ne connais pas.

Je regarde l'homme qui se tient en face de moi, il est grand, baraqué, avec le crâne rasé et une large balafre en travers de son visage. Le pauvre, il a dû avoir mal. Il porte un uniforme de vigile, et curieusement, je note qu'il n'a pas d'arme.

C'est en voyant ses yeux que je comprends pourquoi : ils sont oranges, mais pas comme de l'or liquide, non, plutôt électriques comme la foudre. Un Élémentaire de Foudre. Mince, je sens que ça ne va pas être une partie de plaisir. Bon, calme-toi Killian, après tout rien ne prouve, à part son regard mauvais qu'il veut me faire du mal :

- Heu... Oui c'est moi, en même temps, je suis le seul prisonnier ici, non ?

Un sourire diabolique se dessine sur son visage. Je n'aurais peut-être pas dû répondre narquoisement à sa question finalement.

Il tend sa main vers moi. Un crépitement se fait entendre et un éclair fonce dans ma direction à une vitesse hallucinante. Ce n'est qu'à mes reflexe que je dois de ne pas finir griller en plongeant sur le côté.

Il y a une grosse marque de brûlure ainsi qu'un trou à l'endroit même où je me tenais quelques secondes plus tôt :

- Non mais ça va pas ! Pourquoi tu as fait ça ?! crié-je en me redressant.

- Je vais te tuer pour avoir osé ôter la vie à deux de nos membres ! C'est notre règle ! Les assassins de nos amis doivent mourir !

L'Élémentaire lance un autre éclair dans ma direction et je l'évite de justesse une nouvelle fois. Il veut donc me cuire parce que j'ai tué sans le vouloir deux de ses potes ? Même si cela paraît logique car c'est une des règles majeures dans les gangs : œil pour œil, dent pour dent, je ne vais pas me laisser faire pour autant.

- Écoute, j'ai juste voulu me défendre car ils voulaient me violer ! Je les ai tués par erreur, je te le jure ! lâché-je pour tenter de lui faire entendre raison.

Pour toute réponse : il m'envoie un éclair encre plus puissant. Il faut vraiment que je trouve rapidement une solution car je vais finir en poulet frit sinon !

L'homme se jette sur moi pour essayer de me griller encore une fois, mais je suis plus rapide et je l'esquive, en profitant pour courir vers la porte restée entrouverte. Je sais que je fais sûrement une grosse connerie mais je n'ai pas trop le choix il y a urgence là.

Je cours donc dans le couloir, à l'aveuglette mais je m'en fiche un peu.

Je finis par arriver dans un petit salon, sans issue malheureusement et je me tourne vers mon ennemi qui se tient devant la seule sortie possible. Inutile de préciser qu'il a laissé pas mal de marques de brûlures dans les couloirs pendant notre course.

Avec une grimace cruelle et sadique collée sur le visage, il me dit d'un ton malsain :

- Cette fois tu es à moi...

Il tend une nouvelle fois sa main vers moi, une boule de foudre y prend forme avant de prendre de plus en plus d'ampleur. Je déglutis, je ne sais vraiment pas comment m'en protéger, à coup sûr je vais finir en grillade !

N'ayant pas d'autre choix, je ferme les yeux, appelant ma bête. Je la sens qui se réveille et qui grogne de satisfaction. La soif de sang vient assez rapidement et je dois me concentrer fort afin de garder le contrôle sur elle et ne pas me laisser trop submerger.

Mon ennemi me regarde avec des yeux ronds, médusé par mon apparence. Mais il se remet bien vite de sa surprise et se concentre encore plus.

La boule dans sa main double encore de volume et il la lance dans ma direction. Malheureusement pour lui, et heureusement pour moi : il est trop lent. J'ai largement le temps d'esquiver son attaque, de foncer sur lui et de me glisser dans son dos.

Il pousse un cri de rage quand je lui attrape le bras pour le lui torde, puis un craquement sinistre se fait entendre et il hurle de douleur :

- Je ne me laisserais pas tuer par toi. J'ai trop lutté dans ma vie pour en finir aussi bêtement.

Je le force à s'agenouiller. Je suis tellement centré sur mon adversaire que je ne remarque pas que d'autres personnes sont entrées dans la pièce. Ce n'est que lorsque je reconnais SON odeur que je reprends pied avec la réalité :

- Puis-je savoir ce qu'il se passe ici ? demande une voix posée mais d'où perce une menace.

Je me fige, je regarde derrière moi et je vois Gabriel qui braque ses yeux azur dans les miens :

- J'attends une explication.

Je déglutis, je suis vraiment dans la merde ! Non seulement il me voit en train d'agresser un de ses hommes, mais en plus il découvre ma forme hybride. Maintenant je suis sûr qu'il ne va plus me lâcher.

Un sourire sadique et séducteur en même temps se dessine lentement sur ses lèvres alors qu'il répète d'une voix un peu plus suave :

- Alors ? Je t'écoute chaton.