Chapitre 27
Le lendemain je suis réveillé par d'agréables caresses sur mes hanches. Lorsque j'ouvre les yeux, je me retrouve nez à nez avec les magnifiques et profonds yeux bleus de mon déchu :
- Mmmmmmm, salut Gab, murmuré-je en me collant à lui.
- Bonjour chaton.
Il m'embrasse. Je me colle langoureusement contre lui et lui demande :
- Ça va ? Le sédatif ne fait plus effet ?
- Non ne t'inquiète pas. Bon dieu qu'est-ce que j'ai eu peur ! J'ai vraiment cru que j'allais finir en sacrifice et que je ne pourrais plus jamais voir ton beau visage ! Par contre je ne me souviens plus trop de ce qu'il s'est passé, comment avons-nous fait pour réussir à nous échapper ?
Je souris et lui raconte, l'aide que nous a offerte Halëy et sa réussite dans sa tentative de raisonner sa sœur. Lorsque j'ai terminé, il se passe la main sur le visage :
- Et bien, on a vraiment eu un énorme coup de bol cette fois. Mais maintenant on sait que nous avons encore une petite chance d'empêcher que ce monde ne soit réduit en miettes, c'est une bonne chose.
- Oui, mais nous avons perdu beaucoup de temps avec cette histoire. J'espère que nous n'arriverons pas trop tard. Il faut que l'on se dépêche de se remettre en route !
- Alors, pas de câlin du matin ? dit-il avec une fausse moue triste.
Gabriel me fait sa bouille de chien battu, celle qui m'attendrit et m'amuse en même temps. Normalement je craque toujours quand il me fait cette tête mais là nous sommes sérieusement à la bourre :
- Non Gab, pas de câlin du matin nous devons nous hâter.
Il fait la grimace, même ainsi il reste beau comme un dieu. Est-ce possible ?! Il m'émerveille toujours autant. Cependant, il n'insiste pas et nous mangeons rapidement. Je reprends ensuite ma forme animale pour aller plus vite et comme la dernière fois, il m'aide à positionner mon sac puis nous partons.
Il nous faut encore plusieurs heures de route mais nous finissons enfin par atteindre la montagne et une fois au pied de celle-ci je retrouve forme humaine et me rhabille. J'ai l'impression que la végétation est beaucoup plus vivante ici, les couleurs sont plus intenses.
La montagne est vraiment immense d'ici que je n'aperçois même pas son sommet. Je regarde mon amoureux :
- Tu vois une entrée ? l'interrogé-je.
- Non. J'ai une idée : toi tu cherches depuis la terre et moi depuis les airs d'accord ?
J'acquiesce et je le regarde faire apparaître de grandes et magnifiques ailes d'ange aussi noires que la nuit. Un noir intense et profond et je suis hypnotisé par elles :
- Chaton, arrête de baver.
Je retrouve mes esprits et lui adresse un sourire désolé :
- Pardon, c'est la première fois que je vois des ailes aussi belles que les tiennes.
Il rigole et s'envole dans un mouvement fluide pendant je reste quelques secondes incapable de détacher mon regard de lui, puis je me saisis de son sac et continue mon exploration en contournant la montagne pour essayer de trouver une entrée.
***
Trois heures ! Ça fait plus de trois heures qu'on cherche cette putain d'entrée sans le moindre résultat ! Je pousse un long soupir d'épuisement et je regarde Gabriel qui est assis, tout comme moi, contre un tronc d'arbre :
- C'est pas possible, on a fait le tour de toute la montagne que ce soit par la terre et les airs et on n'a rien trouvé ! lâché-je avec consternation.
- Peut-être que ce n'est pas la bonne montagne ?
- C'est elle, je le sens, j'en suis même certain. Alors pourquoi est-ce qu'on ne trouve pas comment pénétrer à l'intérieur ? Tu es sûr que tu en as bien fait le tour ?
- Oui, je suis même allé aussi haut que je le pouvais, mais il n'y avait rien.
Je regarde le ciel, la nuit va bientôt tomber et nous n'avons toujours pas trouvé le moindre petit indice.
Je réfléchis longuement tout en fermant les yeux. J'écoute les bruits de la nature, le chant des oiseaux, le bruissement du vent sur les feuilles et le bruit d'une rivière près de nous... Attendez une minute, la rivière !
- Gabriel je crois que j'ai une idée ! Viens ! dis-je en sautant sur mes pieds.
Sans même prendre le temps d'attendre sa réponse, je lui attrape la main et cours jusqu'à trouver l'étendue d'eau, la rivière partant d'un grand lac tout près de la montagne. Je pose mon sac dans un buisson avant de faire de même avec le sien :
- Chaton, tu veux bien m'expliquer ce qu'il se passe ?
- L'eau ! Nous avons cherché depuis la terre et les airs mais pas dans l'eau !
- Attends tu es sérieux ? L'entrée se trouverait sous l'eau ? Tu te rends compte que c'est assez absurde non ?
- Je ne vois pas pourquoi cela serait impossible ! Après tout, c'est une bonne cachette. Personne ne pourrait se douter de ça et quel moyen de sécurité plus fiable que de l'eau dans un monde rempli d'animaux dont les trois quarts ont peur des grandes étendues d'eau ? Tu ne penses pas que cela pourrait être le meilleur endroit pour cacher un objet dangereux et précieux ?
Je vois que mon raisonnement commence à cheminer dans sa tête. Je dois avouer que moi aussi j'ai du mal à croire à cette théorie. Pourtant plus j'y pense et plus elle me paraît logique. De toute façon, nous n'avons pas d'autres hypothèses pour le moment :
- Très bien chaton, mais j'espère que tu es sûr de ton coup. J'imagine que nous allons devoir plonger dans le lac. Mais une fois que nous l'aurons fait, comment comptes-tu trouver ce que nous cherchons ? De plus on ne sait même pas combien de temps on devra rester sous l'eau et la nuit ne va pas tarder à tomber.
Il n'a pas tort. Toutefois, nulle option ne se profilant à l'horizon, je décide donc de retirer mes chaussures :
- On n'a pas le choix de toute façon, à moins que tu aies une autre idée ? le sondé-je en le regardant.
Il semble sur le point de dire quelque chose. Finalement il se contente juste de secouer la tête et de m'imiter en se déchaussant.
Je m'avance prudemment vers la berge et plonge ma main dans l'eau :
- Par chance elle n'est pas très froide, lancé-je à Gabriel.
Je m'enfonce petit à petit dans le lac, il est très clair et je peux voir sans problème au travers. Heureusement que je ne fais pas partie de ceux qui ont peur de l'eau. Je me laisse glisser dans le liquide cristallin. C'est agréable et Gabriel me rejoint assez rapidement tout en regardant autour de lui :
- Comment allons-nous trouver l'entrée ?
- Il va falloir chercher. Restons près l'un de l'autre on ne sait jamais, répondé-je.
Nous plongeons après avoir pris une grande inspiration pour emmagasiner une réserve d'air suffisante afin d'effectuer nos recherches. Nous nous concentrons d'abord sur les contours les plus éloignés de la montagne. Si notre quête s'avère infructueuse, nous nous rapprocherons le plus près possible au pied de la montagne immergé sous l'eau.
Il nous faut plusieurs fois remonter à la surface pour reprendre de l'air afin de plonger toujours plus profondément. Je commence à me dire que je me suis trompé, que nous perdons du temps inutilement.
Je suis même sur le point de jeter l'éponge quand, au loin, une lumière attire mon attention, elle est très faible et se voit à peine. Elle semble provenir d'un endroit assez profond, semblable à une sorte d'abysse et je tire la main de Gabriel pour attirer son attention et lui montrer le petit éclat.
Il hoche la tête et nous nous dirigeons vers cette petite et faible lumière. Elle provient d'un tunnel et sans hésiter un seul instant, je m'y engage, suivi de Gabriel. Il commence à faire assez sombre car les lunes se lèvent lentement dans le ciel. Heureusement que la lumière nous éclaire. Nous longeons le boyau en prenant appui sur les parois pour aller plus vite.
Cela fait plusieurs minutes que nous nageons dans ce tunnel et l'air commence à me manquer. Mes poumons se mettent à me brûler et le besoin d'ouvrir la bouche pour avoir de l'oxygène se fait de plus en plus fort.
J'accélère la cadence, tout commence à devenir flou et sombre autour de moi. Je nage de plus en plus vite, ma vue s'obscurcit et j'ai l'impression que je vais m'évanouir.
Puis j'émerge à l'air libre, enfin ! Je nage péniblement jusqu'à l'entrée d'une grotte devant laquelle je m'affale sur le dos en prenant de grande bouffée d'air :
- Ça va chaton ? demande mon déchu avec inquiétude.
Je tourne la tête vers Gabriel, qui n'a visiblement pas souffert du manque d'oxygène. Je reste plusieurs minutes à reprendre ma respiration avant d'hocher la tête en me redressant doucement :
- Ça va, on peut continuer, ne t'en fais pas pour moi.
Je me lève et regarde aux alentours. Nous sommes dans une grande caverne, éclairée par des cristaux incrustés dans la paroi. D'énormes piliers en pierre soutiennent la voûte et devant nous se dresse une immense porte également en pierre, couverte de runes et de symboles que je n'arrive pas à déchiffrer :
- On a réussi ! On l'a trouvé ! Viens ! crié-je avec joie.
J'attrape la main de Gabriel qui me sourit devant mon excitation et je me précipite vers l'ouverture avant de me figer. Il y a une fente, quelqu'un est déjà passé par ici !
- Oh non, j'espère qu'ils ne sont pas arrivés avant nous !
Je passe le palier de la porte et nous sommes face à un long couloir dont les murs sont couverts de dessins. Non, pas des dessins ! C'est une frise qui représente la naissance de notre espèce dans l'autre monde, puis son évolution et enfin son exil dans ce monde ci.
Je contemple chaque dessin pendant que nous traversons le couloir et tout au bout, je peux apercevoir des illustrations d'hommes dans les nuages. De la lumière émane d'eux et se répand sur la Terre, créant ainsi Arda Kelvar. Sur la peinture suivante, je discerne un grand cristal qui descend du ciel et vient se loger dans la Montagne Primale.
Pour finir la frise nous montre l'arrivée de mon espèce sur ces terres ainsi que la construction de la cité.
Nous arrivons ainsi au bout du couloir, une porte plus petite s'y trouve. Elle aussi est entrouverte et c'est avec une boule au ventre que je m'avance dans la salle suivante.
En plein milieu de cette grotte, se dresse un autel qui supporte le plus gros cristal que j'aie jamais vu. Il est d'un blanc limpide avec des reflets de toutes les couleurs et surtout, il possède un nombre incalculable de facettes « Le cristal aux mille facettes », voilà la description faite dans le livre sur Ylvasydreïl.
Pendant un instant je suis persuadé que nous avons réussi, que nous sommes arrivés à temps et que nous allons sauver le monde... Mais je les vois, les deux silhouettes sombres qui se tiennent devant l'autel.
Sans queje puisse dire ou faire quoi que ce soit, elles s'emparent de la précieuse pierre.
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