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"Il" + passé
Le ciel était gris et cela faisait deux jours que le vent soufflait sans discontinuer sur le village. Abel, debout devant chez lui à fumer sa cigarette comme il pouvait, pensait à ce que faisait le vent dans le monde. Il pensait à ce qu’on lui avait dit une fois, quelqu’un qui vivait dans un pays où le vent ne tombait presque jamais. Que ce n’était pas toujours facile à supporter. L’idée de la folie tournait dans sa tête. De petits ou grands drames se jouaient peut-être dans les chaumières en bas (lui habitait les hauteurs du village). Il comprenait bien ce qui se passait avec le vent. Le mécanisme qui pouvait le rendre insupportable. Il s’était souvent posé la question du pourquoi, pourquoi le vent l’interpellait-il comme ça ? D’où lui venait cette attention qu’il lui portait ? C’était que le vent avait à voir avec le vide. Il le révélait dans l’espace comme une lanterne révèle l’obscurité environnante. Le vent fait sonner le vide. Et les gens n’aiment pas ça le vide, ça les contrarie dans leurs projets…
"Je" + présent
Putain de vent, pas moyen de fumer tranquille !
C’est quand même quelque chose le vent… Ce gars, qui m’avait dit que chez lui ça soufflait presque tout le temps, que des fois ça prenait vraiment la tête… Ça peut rendre fou même peut-être… Comment y sont les voisins ? Énervés ? Deux jours que ça souffle sans arrêt ! Ça doit bien monter à la tête de certains. Le vent… ça m’a toujours fasciné… Qu’est-ce qu’y a là-dedans qui me cause comme ça ? C’est le vide en fait, le vide qui joue sa sérénade. Et les gens aiment pas ça le vide, ils préfèrent qu’il reste bien caché, dans l’espace… c’est pas leur genre de musique… pas assez de couleur, de chaleur… pas assez de distance en fait ! Le vent, sur la peau, ça travaille, et ça ressemble à rien ! Ça a pas de forme, et ça touche quand même ! C’est ça qui est perturbant… Les gens seraient obligés de revoir leurs systèmes…
"Je" + passé
J’étais devant chez moi, je fumais ma cigarette. Enfin j’essayais, parce que ça faisait deux jours que le vent n’arrêtait pas de souffler ! Personnellement je l’avais à peine remarqué, d’ailleurs. J’avais été absorbé dans un truc, enfermé chez moi. C’est pour ça que quand je suis sorti je suis retombé dans une énième méditation sur le vent. Ça m’a toujours fasciné ça, le vent. J’y ai toujours vu une sorte de portée métaphysique. J’ai fini par comprendre je crois. En fait, le vent fait se manifester le vide. Quand il souffle et que tu l’entends résonner loin autour de toi, c’est le vide qui se présente. C’est comme si le vent était le doigt qui frotte la corde du vide. Dans les idées qui provoquent un genre de plaisir coupable, il y a toujours eu pour moi celle que le vent peut rendre fou, c’est pour ça que je pensais à mes voisins, je me demandais si ça les énervait ce vent. Ou si comme moi ils voulaient bien regarder dans le vide, parce qu’ils en étaient plus fascinés qu’ils ne le craignaient.
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