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Il me mena loin, plus loin que Fabrice, tout en restant protecteur. J’acceptais tout, explorant tout. J’étais prêt, j’attendais cette initiation. Le dimanche après-midi, cette chaude après-midi de mai expliquait notre nudité. Involontairement, je le détaillai, affalé sur le canapé, car il était un garçon bien bâti.

– Tu en laisseras aux autres ? m’apostrophe-t-il.

– De quoi ?

– Tu me dévores des yeux !

– Oui, je te trouve bien foutu !

– C’est pas comme toi ! C’est sûr qu’en maillot sur le terrain, il n’y a pas photo !

Je le savais, mais avait-il besoin de me le dire ? D’un autre côté, il était sincère !

– Tu m’entraineras au sport ? J’aimerais bien devenir comme toi.

– C’est plutôt une question de constitution. Même en pratiquant à fond, tu resteras un maigre !

Pourquoi me sortait-il des méchancetés ? Nous étions si bien jusqu’à présent. J’étais déçu. Il continua :

– Par contre, il y a une chose que tu as et que je n’aurai jamais.

Il essayait de se rattraper, il était vraiment un nul. Je ne répondis pas.

– De loin, tu n’as rien de particulier, tu n’es pas spécialement beau, ni bien bâti. On ne te remarque pas.

Je me levai, j’en avais assez entendu. Pourquoi finir ce weekend comme ça ?

– Mais quand on s’approche de toi, on découvre ton charme, craquant.

Je m’arrêtai. Qu’est-ce qu’il racontait ?

– Tu ne t’es jamais demandé pourquoi il y avait toujours une petite cour d’admirateurs autour de toi ? Plutôt d’admiratrices d’ailleurs.

– N’importe quoi. Je suis au milieu des autres, pas le centre.

– Naïf ou modeste ?

– Arrête ! Je ne suis pas plus intéressant que les autres.

– Non, juste un charme.

– Je le saurais !

– Mouais… mais ce n’est pas tout. Il y a aussi l’irrésistible !

– Le quoi ?

– Ton sourire ! Tu souris souvent, mais des fois, tu envoies un sourire à une personne particulière. Si tu le reçois, tu n’as qu’une envie, le retrouver.

– C’est une nouvelle invention ?

– Tu te donnes tout entier. Il est beau, joyeux, irrésistible avec cet éclat dans les yeux.

– Ah ! interloquai-je.

C’était vrai que de temps en temps, je ressentais de l’affection, une attention particulière pour quelqu’un. Je ne savais pas que j’envoyais tant de choses. J’étais gêné, je rougis. J’en avais marre de rougir sans raison.

– Et voilà ! Tu sors le grand jeu ! Un sourire en rougissant ! Arrête, tu es craquant, fondant, beau, séduisant…

Il se leva, s’approcha et m’entoura délicatement de ces bras. J’étais tout ramolli avec ce qu’il venait de dire. Personne ne m’avait jamais fait de tels compliments. Peut-être était-il amoureux de moi ?

Je le sentais prévenant, attentif. La question qui me hantait, que je fuyais, monta en moi. Il paraissait la personne idéale pour y répondre.

– Comment sait-on qu’on est homo ?

– Tu te poses la question ?

– Oui ! Je viens de passer des moments étonnants avec toi. Tu m’as tout fait, toi, un mec, à moi, un mec. J’ai aimé. Pourtant, je ne suis pas sûr que ce soit moi. Je suis aussi attiré par les filles, enfin certaines. Tu sais… J’ai une petite copine !

– Non ?

– Nous nous retrouvons souvent, nous nous embrassons, nous nous caressons, et j’aime ça, je l’aime. Elle est la plus belle !

– Je peux savoir son nom ?

– C’est Claire.

– Ah oui, tu as choisi une des plus mignonnes !

– Je suis bien avec elle.

Inutile de lui avouer les derniers changements intervenus dans cette relation.

– Tu es un garçon compliqué ! Ça ajoute à ton charme !

– Mais je préférerais que ce soit plus simple, que je puisse aimer simplement quelqu’un, tout partager avec elle.

– Ou avec lui ?

– Arrête ! Je ne sais plus où j’en suis.

– Je comprends. N’empêche que quand tu te donnes à un garçon, c’est super ! J’ai beaucoup aimé passer ces moments avec toi. Tu réponds bien, tu es généreux. D’abord, est-ce que c’est important d’avoir une étiquette ?

– Ce n’est pas une étiquette que je veux. Je veux savoir, moi, ce que je suis.

– Tu peux être n’importe quoi. De toute façon, une étiquette n’a jamais suffi à qualifier une personne, il en faut des dizaines, des centaines. Alors celle du sexe ou de ses préférences est insignifiante. Tu es toi, maintenant, ici. Quelle importance ?

– Édouard, tu m’as dit que tu aimais les garçons. Ça veut dire que tu es homo. Tu le sais, toi. Dis-moi…

– Ben, on le sait, parce qu’on aime que des garçons, qu’il n’y a qu’eux qui nous attirent, qu’on a envie de leur sexe. On le sait, c’est tout. Après, certains l’acceptent, d’autres pas.

– C’est tout ? Mais les filles, tu ne les aimes pas ?

– Mais si, j’ai beaucoup de copines, même d’amies. Ça n’empêche pas.

– Je ne comprends pas. J’ai aussi beaucoup d’amies, j’ai Claire, et j’aime bien les jeux entre garçons. Je suis attiré par les garçons et les filles. Tu crois que je suis homo ?

– Je ne sais pas si tu es homo. Tu t’amuses avec Fabrice, tu t’es amusé avec moi, tu y prends du plaisir, mais tu aimes une fille, tu aimes un garçon.

– Je ne sais pas. Sans doute, oui.

– Alors, disons que tu es bi !

– Bi ?

– Bisexuel, tu prends ton pied avec tout le monde. C’est le mieux, profite et choisis bien !

– Donc je suis quand même homo, un peu ?

– Mais oui ! Ce n’est pas dramatique. Accepte d’être comme ça. Et surtout, ne te pose pas de question. Va vers ceux qui te veulent du bien et avec qui tu as envie de tout partager, de te donner.

– C’est ce que je fais…

– Tu es adorable.

Nous avons gardé le silence, l’un à côté de l’autre. Je n’avais toujours pas ma réponse, je ne savais pas si je la voulais, si c’était important. Ou si je ne voulais pas l’entendre, l’accepter. Ce que je savais, c’était que j’avais rencontré un mec super. Je me rendais compte que les deux mecs qui m’avaient appris les plaisirs masculins l’avaient fait avec gentillesse, prévenance et respect. J’avais eu de la chance. Peut-être que cela déformait mon appréciation de la chose. Peut-être que c’était désagréable et pénible avec certains mecs.

Avec Édouard, j’espérai que nous pourrions recommencer, mais surtout que nous allions devenir amis. Je le regardai.

– Tu sais que tu m’envoies ton sourire charmeur en ce moment, et que je n’ai qu’une envie, t’aimer !

– Je me disais justement que j’aimerais que nous soyons amis.

– Tu sais bien que ça ne se décide pas. Ça vient naturellement. Mais je suis d’accord, j’en ai envie aussi, cela va arriver, forcément.

***

Je ne pus m’empêcher de revivre ce weekend en le racontant à Camille. Pour la première partie, il me regarda avec des yeux éberlués, en concluant que j’avais vraiment le feu aux fesses. Pour me venger de cette remarque trop pertinente, je lui expliquais que le feu aux fesses venait, mais après ! Il devint rouge après avoir compris et essaya de me taper. Nous avons fini, comme souvent, par notre petit jeu de bataille. Plus tard, je lui parlais aussi de ma conversation avec Édouard. Il me dit que j’avais la chance de rencontrer des gens bien. Je lui demandais s’il se comptait dedans !

***

L’année se termina ainsi. Fabrice et Delphine partaient. Pour des raisons différentes, j’allais les regretter. Mon amitié avec Camille me devenait indispensable. Je fuyais toujours Charly et j’allais le rejoindre souvent, trop souvent. Je n’étais toujours pas clair sur ce qui nous liait. Claire était aussi mon refuge, sans espoir. Après son aveu, je m’étais un peu ouvert aux autres filles. J’avais déjà fait plusieurs tentatives auprès de Laure, pour essayer de la connaitre. Elle était tout le temps presque collée à moi, mais dès que je croisais ses yeux, que je lui souriais, elle baissait la tête rouge de confusion. J’avais envie de l’aider, mais cela semblait impossible. Plus honnêtement, c’était tout simplement trop compliqué. J’avais déjà abondamment de quoi me prendre la tête par ailleurs. Je venais de faire la connaissance d’Édouard, sans bien savoir comment cela allait évoluer.

J’avais le cœur qui débordait, entaillé aussi. Finalement, prendre du recul et retrouver ma vie tranquille d’avant m’allait bien. Vive les vacances !

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