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Le coup dur fut d’apprendre, par Camille, car Marianne était muette depuis un an, qu’elle passerait à nouveau ses vacances avec son mec. Quel imbécile j’étais ! C’était sa vie maintenant, c’était normal, j’étais le passé. Coup de blues. Ne pas voir Marianne, Marianne dans les bras d’un autre, Camille seul pour ces vacances, l’envie de partager les miennes avec Eugénie, Charly à soutenir, à accompagner, quel sac de nœuds relationnels !
Eugénie vit rapidement que je repartais dans une nouvelle tourmente et n’eut aucun mal à connaitre les causes. Elle moqua mes états d’âme existentiels de midinette, mais toujours avec une solution. Plutôt partante pour des vacances ensemble, enfin, ensemble dans son milieu, avec famille, copains… Je commencai à faire la gueule. Elle me rassura. De toute façon, il était grand temps de me présenter. Elle avait trop parlé de moi, en bien, me rassura-t-elle. Les vacances proposées se passaient sur la côte normande, dans les propriétés ou dans des lieux très protégés (moi, je n’avais rien à protéger, même pas moi !). Et après, je pourrai partir avec mon ami ou un autre. Peu après, Charly me dit ses projets. Il allait retourner au Vietnam cet été. Ses grands-parents étaient maintenant très âgés et ils voulaient revoir une dernière fois leur pays. Il les accompagnait, pour les aider, mais aussi pour renouer avec sa famille maternelle. Il avait retrouvé très vite des bribes de vietnamien lors de son voyage précédent. Il semblait heureux.
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Je passais la première moitié des vacances avec Eugénie, dans un endroit où tous les loisirs des riches pouvaient se dérouler entre riches. Eugénie m’avait donné les règles impératives à respecter, « et tout se passera bien ! ». Tout cela se déroula comme elle l’avait prévu. Bon accueil par ses parents (un camarade d’école, pensez-donc !), très facilement avec frères, sœurs (cinq enfants !), cousins, copains. Même si je faisais tache, personne ne le souligna. Eugénie me surveillait, avec raison, car il y avait beaucoup de très beaux jeunes hommes, bien bronzés, bien musclés, bien faits. Mes yeux divaguaient souvent, trop souvent.
Cela devait se remarquer, car une bande de gamins essaya de me piéger, moi le lourdaud dans leur monde. Un jour, je me réveillais dans ma chaise longue. Il y avait un petit attroupement, car un gamin nu se tenait devant moi, entouré par les autres, alors que des adultes accouraient. Leur coup fut éventé facilement, on s’excusa pour leur blague si croquignolette, mais je dus écourter mon séjour. Cela m’allait bien, car, même si c’était un monde agréable et poli, les ronds de jambe me pesaient.
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La seconde partie des vacances, je la passais avec Camille. Un grand et merveilleux moment avec mon autre moi, mon double, tellement nous avons été en harmonie pendant ce périple. Nous avions décidé de partir à l’aventure, de nous faire porter par l’aventure. Un petit sac à dos avec quelques affaires de rechange, un peu de fric et le pouce en l’air. Juste le plaisir d’avancer ensemble. Chaque fois que je le voyais, mon cœur faisait un bond. Décidément, iel était ma valeur sûre, ma valeur refuge. Ce diable avait progressé dans son look. Son physique, entre homme et femme, était harmonieux, avec des formes fermes et douces à la fois. Son visage était fin, féminin sur une épure masculine. Ses yeux, souvent joyeux, brillaient. Iel ajoutait un look d’une ambigüité absolue qui me confondait. Je l’admirais et j’étais troublé, attiré. Sur le plan intellectuel et affectif, nous étions toujours en phase. Sa compagnie me faisait chaud au cœur.
Avec son allure et son look élaboré, Camille ne laissait pas indifférent, amenant systématiquement un questionnement. Quand iel abordait quelqu’un pour lui demander un service, avec son sourire, une réponse positive suivait. Moi, son compagnon quelconque, je suivais. Camille avait de l’assurance maintenant. Quel beau papillon était sorti de la chrysalide que j’avais connue ! Nous avancions, portés par le vent et les événements, nous arrêtant où notre autostop nous avait déposés, dormant où on voulait bien de nous. Iel obtenait toujours un hébergement. Les gens ne sachant pas notre couple et notre relation s’excusaient parfois de n’avoir qu’un lit double à nous proposer. Nous préférions ! Nous avons rencontré des gens formidables, des gens intéressants. Chaque jour nous apportait une petite richesse. Nous avons erré au hasard, heureux d’être tous les deux.
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Quand nous attendions un passage, je l’amusais avec mes anecdotes de mon séjour dans le monde d’Eugénie. Je lui disais, par exemple, que parmi les hommes, il y avait les « alphas », peu nombreux, toujours sérieux et occupés, responsables du maintien de la fortune. Les plus nombreux étaient les « bêtas », les profiteurs, l’air un peu niais, mais toujours affublé d’un titre ronflant, tel directeur des moyens pratiques, ce qui voulait dire responsable du troisième paillasson du couloir des bons à rien ! Il fallait bien occuper les incapables. Les femmes étaient toutes sur le même moule, à soutenir la carrière de leur mari, plus précisément à la mener. Il y avait quelques femmes alpha, très impressionnantes. Je sortais avec une future femme alpha, donc très impressionnante, mais si agréable. Camille se marrait alors que je déroulais mon rapport ethnologique.
Tous ces gens étaient complètement coupés, ignorant des autres mondes, uniquement informés, pour les rares qui le voulaient, par une presse filtrante et déformante. La seule règle, absolue, respecter les règles et coutumes du groupe. Je lui détaillais tout au long de ce mois ces comportements extraterrestres ou au moins extrahumains. C’était facile à vivre, soft, contraignant, mais surtout emmerdant, sauf pour les décideurs qui jouaient au pouvoir.
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Le soir, nous nous retrouvions souvent dans le même lit. J’aimais de plus en plus son contact physique. Camille me susurrait de gentils mots, me flattait avec une sincérité bouleversante, me cajolait. Iel me manipulait, je le savais, j’adorais.
Un soir, Camille me murmura :
– Tu ne veux pas me redonner du plaisir, comme tu me l’as fait une fois ?
– Non, on avait dit qu’on gardait ce moment unique, unique.
– Je sais. J’ai trouvé comment me le faire à moi-même, et ça marche…
– Mais…
– Mais, quand tu me l’as fait, c’était sublime, parce qu’il y avait l’amitié avec.
– Camille, tu es un brigand. Tu m’apitoies, alors que je n’ai qu’une envie. Quand je te regarde, tu…
– Je sais, j’ai remarqué !
– Et tu me demandes de te toucher, mais je ne peux pas résister, tu forces mon cœur et mes envies. Allez, viens, mon petit Camille chéri !
Je n’avais rien oublié. Je voyais qu’iel réagissait plus lentement, plus profondément. Iel avait dû beaucoup travailler. Lela voir progresser, monter, lela faire exploser était un vrai plaisir pour moi. Après avoir retrouvé son souffle, Camille me lança :
– Tu veux que je te le fasse ? J’aimerais beaucoup te faire jouir, moi aussi.
– Mais je suis un être sexué ! Et puis je ne veux pas t’obliger à…
Je sentis en même temps que ma réponse était vexante. Iel pouvait recevoir du plaisir, iel pouvait en donner !
– Je me le fais bien ! Donne-toi à moi, s’il te plait…
Je cédai et m’abandonnais avec joie à sa proposition. Je guidais un peu, car nous n’avions pas la même conformation. Quand iel termina, ému, je le serrai et l’embrassai. C’était bon d’avoir une relation amicale de cette profondeur.
Décidément, pouvoir échanger du plaisir avec ceux qu’on aime était une chose formidable. Ce nouveau moment fort, nous nous sommes jurés de le garder unique, comme le premier.
La journée, je me mettais souvent derrière lui pour pouvoir lela regarder. Iel me chavirait si facilement. Iel jouait avec moi, me draguait si gentiment, avec humour. J’étais conquis. Chaque soir, iel reprenais son discours de séduction. Chaque fois, je jouais le raisonnable voulant sauvegarder notre amitié, sans sexe. J’étais d’autant plus ferme qu’iel insistait avec tellement de force que la facilité aurait voulu que je cède. Pourquoi refuser le bien et se faire du mal ? C’était un jeu quotidien. Je n’étais pas toujours de force et il m’attendrissait tellement. Le lendemain, après un dernier baiser, c’était à nouveau le grand serment entre nous. Y croyait-il vraiment en le prononçant ? Ses yeux me faisaient déjà tant de promesses.
Je n’avais pas l’impression de tromper Eugénie, car il n’y avait rien de sexuel dans nos échanges, juste partager du plaisir avec son ami.
Notre séparation fut difficile, tellement nous avions vécu intensément cette période. Il n’y avait pas de grands mots échangés, mais nous savions que nous nous retrouverions encore plus forts, encore plus longtemps.
Décidément, Camille était la meilleure chose au monde pour moi. Quel bel été avec Camille !
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