Chapitre 9 : Somuz
10 août 2015
Loyva, capitale Martienne
Quartier général de l'Armée
Depuis une vingtaine de jours, l'Etat-major Martien était sur le pied de guerre. L'arrivée de Tenson, qui confirmait la politique voulue par Hanrel, redonnait confiance aux militaires. Les deux hommes, aussi énergiques et déterminés l'un que l'autre, comptaient bien reprendre en main la situation et en finir avec les pirates. La surveillance de leurs activités avait été doublée, et on recourait même à des informateurs qui étaient hors des données du gouvernement, pour plus de discrétion et d'efficacité. Les rapports affluaient encore plus qu'auparavant, et l'augmentation des actions pirates ne faisait que s'accentuer chaque jour : chaque secteur de la planète s'en trouvait déstabilisé. Mais pendant que ceux-ci continuaient d'agir comme bon leur semblait, le Terrien avait eu le temps de réfléchir à la façon dont il pourrait réagir. A dix heures précises, il exposait son point de vue au général et à quelques officiers supérieurs.
« Nous savons désormais suffisamment de choses sur ces individus pour organiser notre riposte. Comme je vous l'avais déjà précisé, elle devra se faire sur tous les plans. Il faut que les pirates paniquent et comprennent qu'ils sont réellement menacés. L'inaction sert leurs plans, alors une réaction aussi musclée que surprise leur fera perdre pied. Chaque domaine devra donc être une cible pour nous. Le général Hanrel et moi-même allons nous rendre incognito au « Somuz enfoui » pour tacher d'y voir plus clair, demain à midi. Si les choses tournent mal pour nous, cela voudra dire que les choses tournent bien pour la mission. Supposons que quelque chose se trame là dedans, nous le découvrirons. Si tel est le cas, nous vous préviendrons. A partir de ce moment, je veux une réaction en chaîne. Dès l'instant où nous lancerons le signal, l'opération devra prendre de l'ampleur. Vous allez comprendre : vous avez sous les yeux vos différents ordres de missions. Commandant Podamis, vous serez posté avec vos hommes près du bar. Au premier grabuge, n'hésitez pas à entrer pour nous prêter main forte : arrêtez tout le monde, nous ferons le tri par la suite. Commandant Koggs, je vous charge de superviser l'arrestation des magistrats et des représentants corrompus.
-Capitaine, l'arrestation de responsables et de dignitaires va faire beaucoup de bruit. Nous n'aurons pas le droit à une seconde chance. Soit nous voyons juste, soit nous serons arrêtés à notre tour.
-C'est effectivement une opération très risquée. Je comprends le climat dans lequel vous vous trouvez. Mais nous avons suffisamment de certitudes et de preuves pour au moins interroger les personnes sur cette liste. Les doutes persistent pour un homme : le maire de Loyva. J'aimerais que vous procédiez personnellement à sa mise aux arrêts.
-Le maire ? Si nous ne sommes pas absolument certains de sa culpabilité, n'allons nous pas droit au désastre ?
-Si nous avons faux, c'est vrai. Des transferts d'argent suspects ont été interceptés entre lui et des sources inconnues. Nous n'avons rien de solide mais peut-être assez pour le faire paniquer et avouer. »
Le commandant Koggs regarda sa tablette en fronçant les sourcils. Le risque ne semblait pas l'effrayer mais il n'avait pas non plus l'air rassuré de donner l'apparence d'aller à l'encontre du gouvernement. Après une hésitation de quelques secondes, il se tourna vers le commandant Podamis. Ce dernier lui mis une main sur l'épaule et lui adressa un sourire confiant. Koggs se redressa et hocha de la tête, convaincu. Rassuré de cette complicité, Tenson se tourna vers les autres officiers :
« Commandant Nazar, vous superviserez l'attaque et la prise des cachettes pirates que nous connaissons. Comme pour les autres missions, nous serons en action sur plusieurs jours. Le premier, ce sera la surprise. Puis viendra l'inquiétude. Au bout de deux ou trois jours continus d'action, ils vont complètement perdre les pédales, si je puis me permettre.
-Vous voulez les maintenir sous pression ?
-C'est un peu cela, oui. Nous avons recensé des activités anormales dans de nombreux points, à la surface ou en souterrain. Des allers-retours incessants, des véhicules en nombre, des achats de matériel en large quantité... Vous devrez vous assurer que ces planques soient prises d'assaut, le contenu saisi et le personnel mis hors d'état de nuire. La suite est au commandant Varong. Nous avons préparé des faux convois de ravitaillement en masse. Les pirates se jetteront dessus devant le butin possible. Je veux que vous supervisiez cette partie de l'opération. Le seul but est de détruire un maximum de machines de combat pour qu'ils soient démunis sur le plan militaire.
-J'attire leurs machines et je les détruis.
-Parfaitement résumé. Bien, messieurs. Transmettez vos missions à vos hommes, demain sera un beau jour. Général, si vous le voulez bien, nous devons parler de notre sortie au bar.
-Bien sûr. Allons dans mon bureau, je vous prie. »
Les deux hommes s'y rendirent donc, et le Martien appuya sur la console une fois la porte fermée : un écran sortait du mur et s'allumait. L'image d'un humain s'afficha, à côté de l'image d'un bâtiment aux enseignes lumineuses.
« Voici le « Somuz enfoui ». Et son gérant, Ornall Vakal. Il a eu deux ou trois soucis mineurs avec la justice fut un temps, mais rien d'important. Il y a une quinzaine d'années, il a ouvert ce bar en plein milieu de la capitale. Depuis, ce qui n'était qu'un bar de quartier s'est transformé en taverne à réputation planétaire : des gens viennent de tout Mars pour prendre un verre dans le bistrot le plus célèbre de la ville. En apparence, rien de bien mauvais. Sauf que je me suis un peu renseigné sur sa clientèle, et cela devient bien plus intéressant. Vous avez deux ou trois ivrognes habituels, pas mal de gens de passage, mais aussi un certain groupe...de fidèles. J'ai mis une toute petite équipe secrète et non gouvernementale pour se renseigner, et nous relevons une dizaine de personnes qui sont souvent là.
-Des personnes connues ?
-Sur les dix, huit d'entre eux sont même très bien connus, par tout le monde. Sur cette image, vous pouvez voir monsieur le Maire, accompagné de trois hommes. Ici , deux juges et là, un commissaire de police.
-Et les deux inconnus ? Peut-on remonter des pistes ?
-Ils ne sont inconnus que du grand public. Nous avons réussi à les identifier après un mois de recherches assidues. Vous avez à gauche Werfel Tanos, et à droite Magsi Plane. Le premier était un militaire mais il a été chassé de l'Armée après des soupçons de trahison : on dit qu'il aurait vendu des armes appartenant au gouvernement, mais rien d'officiel n'avait été annoncé. Le second quant à lui, est plus particulier. C'est un ancien prisonnier. Il était incarcéré pour de nombreuses violences, trafics, complicités, avant de s'évader. On lui a couru après pendant trois ans, puis on a laissé tomber et on a abandonné le dossier.
-Vous avez laissé un criminel en liberté, consciemment ?
-Si j'avais été en charge du dossier, il serait de nouveau en prison. Ou mort. Mais je vous l'ai dit, les gens n'aiment pas se perturber. Ils se disent que puisque l'on n'a pas pu l'arrêter pendant trois ans, tant pis, nous n'y arriverons pas d'avantage en dix.
-Cela n'est pas très prudent. Carrément dangereux.
-Entièrement d'accord. Mais vous comprenez où est le problème ?
-Des hauts placés, dont le maire de la capitale, passent régulièrement du temps avec un traître et un criminel ?
-Voilà. Comment voulez vous que mon attention ne soit pas retenue par quelque chose de ce genre ?
-C'est déjà une piste conséquente.
-C'est certes conséquent, mais il n'y a pas que cela ! Mes services de renseignements ont réussi à obtenir d'autres images où ces gens se retrouvent en dehors de la ville, et même à la surface. On dirait qu'ils ont un rendez-vous hebdomadaire.
-Facile à repérer donc.
-Il aura lieu demain : vous avez chargé le commandant Koggs de l'arrestation du maire, alors il procédera au coup de filet, tandis que nous serons infiltrés dans le bar. Parlons de cela maintenant. Comme vous l'avez précisé aux officiers, nous y pénètrerons à midi, c'est un horaire très fréquenté, alors il sera aisé de nous fondre dans la masse. Le problème est que ca rend la mission plus dangereuse : il faudra être extrêmement prudents pour que rien ne dérape. Si nous faisons un pas de travers, nous sommes fichus, toute l'opération saute, et le Conseil nous envoie en cellule à perpétuité pour nous faire réfléchir à ce que signifie prendre des risques.
-Tout va bien se passer. Il faut qu'on s'approche du gérant ?
-Vakal passe souvent voir les différents clients pour leur proposer de consommer plus ou simplement leur demander s'ils sont satisfaits du service. Nous pourrons commencer par l'approcher de cette façon : il faudrait nous rendre assez intéressants pour qu'il nous parle en privé.
-Lui laisser percevoir une opportunité de profit pourrait fonctionner. Ce serait même la solution préférable.
-Bien sûr que oui, c'est ce qui marche avec ce genre de personnes. Nous attirons son attention, il nous reçoit en privé, nous lui soutirons des informations, nous lançons l'opération. En théorie, c'est comme ça que tout doit se dérouler.
-Ce qui signifie que cela ne se déroulera pas comme ça.
-Vous avez tout compris ! »
*
11 août 2115
Campement Terrien
Les navettes en approche étaient désormais parfaitement visibles. Elles se rapprochaient de plus en plus de la surface Martienne, et on pouvait bientôt distinguer leurs formes. Soulevant plusieurs grands nuages de poussière, les trois navettes classiques se posaient au Sud de la base, tandis que les deux navettes de transport atterrissaient à l'Ouest, près de l'entrée. Taizhong rassembla tous ses membres d'équipage afin d'aller accueillir les renforts. Les différentes portes des cinq navettes s'ouvraient pour que les rampes se déploient, et les occupants commencèrent à sortir. Il y avait des ingénieurs, des scientifiques, des ouvriers, des géomètres, des cartographes, des sapeurs. Mais ce qui était le plus frappant était les renforts armés : un groupe d'une quarantaine d'hommes vêtus de noir, fusils aux bras, se rangeaient d'un pas militaire devant l'expédition Columbus, qui les salua de la même façon. L'ingénieur-chef Ravishna sortit à son tour et s'avança vers le colonel, accompagné d'une jeune femme et d'un homme en noir d'une quarantaine d'années.
« Colonel Taizhong ! Enfin, nous sommes là.
-Nous vous attendions, ingénieur-chef. Comment la seconde partie du voyage s'est-elle passée ?
-Nous n'avons eu aucun souci, elle s'est donc admirablement bien passée. Mais parlons de sujets importants : votre capitaine est-il revenu ?
-Toujours pas. Je n'ai aucune nouvelle de lui, son communicateur ne répond pas. Et aucun Martien n'est venu me tenir au courant depuis la dernière fois.
-C'est très gênant.
-Il y a autre chose. Le jour où j'ai reçu la nouvelle pour Tenson, un groupe d'éclaireurs que j'avais envoyé a été attaqué par des machines de combat Martiennes. Le lieutenant Henri et les deux soldats ont pu s'en sortir avec de simples blessures, mais le lieutenant Federico a été emportée par les attaquants.
-Emportée ? Vous voulez dire que les Martiens ont kidnappé le lieutenant ?
-J'en ai bien peur, oui.
-C'est extrêmement grave ! Cela signifie qu'ils retiennent deux de nos officiers et nous ne pouvons pas les laisser faire. Avez-vous eu des revendications ou des exigences de leur part ?
-Rien du tout. Ils continuent à venir dans la base comme d'habitude, sans rien changer à leur comportement. On dirait qu'ils font semblant de rien ou qu'ils ne sont pas au courant.
-Cela est très suspect. Nous ne pouvons pas laisser la menace planer sur nos hommes : il faut interdire l'accès au campement à ces Martiens. Nous sommes désormais assez nombreux pour sécuriser un périmètre raisonnable. Ces murs de rochers sont une bonne idée : il faut en récupérer beaucoup d'autres pour agrandir l'enceinte du camp et protéger les nouvelles navettes et les nouveaux équipements.
-Est-ce que les locaux accepteront ?
-Je me fiche bien de savoir si ces sauvages seront d'accord ou non ! Nous devons veiller à notre propre sécurité. Avant que je parte, laissez moi vous présenter le capitaine James Buton. C'est lui qui dirige ces hommes qui doivent nous prêter main forte. Et à ma droite, mademoiselle Abdelkrim. Elle dirige la section recherche de l'opération, et c'est sa première mission de terrain. Maintenant, pardonnez-moi, mais je dois faire le rapport de notre arrivée à la ministre Petrov. Et lui parler de ces enlèvements !»
Resté à l'écart, Henri avait écouté la conversation. Il ne comprenait pas pourquoi Federico avait été enlevée, mais il était certain d'une chose : ce ne pouvait être les Martiens qui étaient devenus des amis. Seul officier restant de Columbus, il devait maintenant faire le travail qui était accompli auparavant à trois, et il se retrouvait à courir partout pour être présent avec ses hommes, leur apporter de l'aide où simplement recevoir leurs rapports. Il observa les deux personnes qui accompagnaient l'ingénieur-chef. Buton, le chef des hommes armés, était grand et fin, les cheveux rasés de près et l'air sévère. Il n'avait pas encore adressé la parole à quiconque, hormis à Ravishna et à ses hommes. Il déambulait en faisant le tour du campement, observant ça et là ce que l'expédition avait pu établir. Il était toujours suivi de deux de ses hommes, quelques mètres en arrière. Abdelkrim, quant à elle, s'était immédiatement détachée du groupe et avait rejoint les scientifiques de Columbus pour échanger avec eux. Elle amena rapidement plusieurs sacs et s'appropria un bout de table qui avait été laissé inoccupé. Elle observait également ce qui avait pu être réalisé dans le campement et ne manquait pas de saluer chaque membre qu'elle croisait.
*
11 août 2115
Le « Somuz enfoui »
« C'est donc là général ?
-Précisément. Midi pile : allons y. »
Les deux hommes, habillés en simples civils, entrèrent dans le bar. La musique qui était audible avait parfois des sonorités similaires à de vieilles musiques Terriennes, ce qui ne manqua pas d'amuser le capitaine. L'endroit était plus grand que ce que Tenson avait cru en voyant les images : on ne pouvait même pas compter les tables qui étaient toutes bondées. Tout le monde parlait et riait, mais surtout buvait. Les deux acolytes repérèrent une petite table pour deux personnes, vide, et s'y rendirent aussitôt. La boisson fut commandée et apportée, une première puis une seconde fois. A la troisième commande, Ornall Vakal fit son apparition dans la salle. Les gens le saluaient chaleureusement tandis qu'il procédait à son tour de table habituel. Lorsqu'il arriva près des militaires, Hanrel sortit une pièce de monnaie, différente de celles avec lesquelles il avait payé jusqu'ici, puis parla à Tenson d'une voix suffisamment forte pour être entendu à un ou deux mètres :
« Et moi, j'te dis que quelqu'chose s'trame contre nous.
-C'est pas possible. Le gouvernement oserait pas bouger, z'on trop peur.
-Bah tu verras. Moi j'te le parie. J'ai un de mes gars qui connait un autre gars qui a entendu dire que ça allait se remuer. »
Attiré par la conversation, mais surtout frappé par la pièce de monnaie, le gérant s'approcha doucement et engagea la conversation en souriant :
« Pardonnez-moi messieurs ? Me feriez-vous l'honneur de m'accompagner dans mes appartements, je vous prie ? Je pense que nous avons à parler de choses...importantes. Cette petite table ne vous convient pas, c'est certain.»
Hanrel et Tenson échangèrent un regard, puis se chuchotèrent dans l'oreille. Ils hochèrent tout les deux la tête l'un vers l'autre, puis se levèrent et suivirent l'homme. Ainsi accompagnés, ils purent franchir les vigiles et pénétrer dans l'arrière du bar. Il les amena dans une autre pièce, avec d'autres tables, d'autres musiciens et d'autres individus, mais beaucoup moins nombreux : une sorte de carré d'honneur. Les trois hommes s'assirent à une table dans un coin de la salle, les deux visiteurs contre le mur et Vakal en face d'eux.
« Je suis désolé de vous extraire ainsi de la fête, mais vous avez quelque chose qui a retenu mon attention.
-J'vois pas d'quoi vous parlez.
-Allons allons, je ne suis pas dupe. Vous aviez une pièce dans la main, et vous savez ce que c'est. Sinon, vous ne l'auriez pas.
-C'qu'un vieux porte-bonheur, j'vous assure. »
L'interlocuteur sourit, puis plongea la main dans une poche intérieure. Il fit voir une pièce identique et la posa sur la table, bien visible.
« Alors ? Nous sommes du même camp, nous pouvons parler en toute franchise, non ?
-Ca alors ! Z'êtes aussi des pirates ?
-Silence imbécile ! Vous ne voulez pas aller crier cela dehors ?
-Scusez moi m'sieur, j'voulais pas...
-Ce n'est rien, oubliez cela. De quoi parliez vous à l'instant ? Vous disiez que quelque chose se préparait ? Vous avez des informations ?
-Ouais. J'ai eu des infos, et il parait que le gouvernement veut réagir. Comment, j'sais trop rien.
-C'est impossible, toute action serait paralysée. Nous avons des contacts hauts placés qui font tout pour empêcher cela, et personne ne nous a prévenus d'une possible contre-attaque.
-Hauts-placés ? Il y a qui ?
-Je ne vais pas vous le dire espèce d'idiot. Il ne manquerait plus que des espions l'apprennent.
-Des espions ?
-Des espions, oui. Nous sommes recherchés, au cas où vous l'auriez oublié. Ces fils de blarg de l'Etat-Major ont des espions dans toute la ville. Le jour où je peux demander à une machine de coller une balle dans la tête de celui qui les commande, je le fais.
-Vous voulez vraiment pas nous dire qui c'est vos hauts-placés ?
-Ecoute pauvre décérébré, repose moi la question une seule fois et je te troue la peau. »
Joignant le geste à la parole, le gérant sortit un pistolet et le posa sur la table en guise de menace. Hanrel regarda alors Tenson, et les deux se mirent à sourire.
« Pourquoi riez-vous ?
-Et bien, c'est parce que sous cette table, vous avez deux pistolets pointés sur votre petit corps fragile. Levez la main pour prendre votre arme, et vous aurez des courants d'air dans l'anatomie.
-Mais qu'est ce que ?
-Ne vous inquiétez pas. Mon ami le général Hanrel, ici-présent, va bien s'occuper de vous.
-Le général Hanrel ?
-Le fils de blarg, pour vous servir. »
Mais le barman, derrière le comptoir à droite, aperçut les armes et se mit à crier. Il dégaina un pistolet avant de se faire tuer sur place par le capitaine. Deux autres hommes tentèrent de tirer à gauche, mais le général fut beaucoup plus rapide. Vakal tenta de se saisir de son arme, lorsque d'une même main, les deux officiers lui collèrent la tête contre la table. Une porte s'ouvrit dans le fond, et plusieurs machines de combat commençaient à entrer et à ouvrir le feu. Le communicateur du Martien se mit alors à crépiter :
« Mon général, ici le commandant Podamis. Nous entendons le grabuge et prenons d'assaut la place !
-Pile à l'heure, commandant. Nous sommes attaqués dans l'arrière de la boutique, nous avons besoin de renforts ! »
En quelques secondes, les premières machines de combat de l'Armée entrèrent dans le combat pour en renverser l'issue. Le commandant Podamis les accompagnait sur le terrain, car Tenson avait demandé à tous les officiers de participer personnellement aux actions. Rapidement, la salle était sécurisée, Ornall Vakal et les autres arrêtés. Le général Hanrel reprit son communicateur et lança :
« Appel à tous les officiers supérieurs : prévenez vos détachements. Déclenchement de l'opération Reprise ! »
*
Surface de Mars
Lieu de rendez-vous pirate
Les deux véhicules étaient stationnés en parallèle. Le maire de la ville rencontrait Tanos et Plane, le traître et le criminel. Ceux-ci transféraient des coffres d'argent en échange de documents officiels et de renseignements qui appartenaient au gouvernement. L'échange procédé, ils se serrèrent tous les trois la main avec un large sourire puis tournèrent les talons. Mais dans la seconde, une explosion retourna l'un des deux transports, et des tirs commencèrent à faucher les machines de combat pirates. Les trois individus se couchèrent pour échapper à la fusillade, quand leurs adversaires se montrèrent : partout autour d'eux, des machines de combat de l'Armée s'avançaient en abattant à vue celles qui tentaient de riposter. Après une brève résistance, encerclés par une trentaine d'ennemis, les trois hommes déposèrent leurs armes. Le commandant Koggs s'avança d'un pas ferme dans le cercle formé par ses troupes. Il dominait de deux mètres les hommes à terre et lança d'une voix grave :
« Mettez vous tous les trois à genoux, les mains derrière la nuque ! Vous êtes en état d'arrestation au nom du Grand Kanonmar, pour les dits-crimes : trahison, piraterie, prise d'otages, attaques à main armée, meurtre et complicité de bien d'autres outrages. Vous partez immédiatement pour la capitale et vous serez traduit en justice dans les plus brefs délais. Et je ne veux pas vous entendre, compris ? »
*
Secteur 23
Cache A-24
Le commandant Nazar avait décidé d'aller sur le terrain dans le secteur le plus dangereux en ce moment, le vingt troisième. La ferme qui était sa cible n'était pas gardée de l'extérieur, preuve du sentiment d'impunité qui régnait chez leurs adversaires. Ceci lui permit d'avancer jusqu'à la porte avec ses hommes. Lorsqu'il reçut un signal positif de toutes ses unités, puisqu'elles étaient disséminées sur toute la planète pour frapper, il donna l'ordre de lancer l'assaut. Simultanément, les dizaines de points choisis furent attaqués en même temps, avec la même procédure. Les portes volait en éclats et les machines de combat s'engouffraient dans les bâtiments en mitraillant tous ceux qui tentaient de résister, robots ou pirates. Nazar repérait dans les couloirs et les différentes salles une multitude de cargaisons volées : armes, médicaments, tablettes d'informations, argent, provisions... Dans chaque cachette, c'était au moins une dizaine de pirates pris avec leur sous-chef et une quantité importante de butin.
*
Secteur 47
Village de Klasko
Le convoi gouvernemental venait d'arriver au village. Les provisions furent données aux villageois qui se les partageaient, ravis d'avoir enfin de nouveau un approvisionnement correct. La distribution faite, le convoi repartit aussitôt. A peine une dizaine de minutes après, de nouveaux véhicules firent leur apparition, trois pour être précis. Des machines en sortirent, tirant en l'air et frappant les villageois qui ne se poussaient pas assez vite. Un pirate s'avança vers le chef du village qui était assis, en train de trier ce qui était des fruits dans un panier.
« Chef ! Tes gens doivent nous donner toutes les provisions ! Maintenant, ou nous rasons ce trou à rats ! »
Attendant une obéissance immédiate, le pirate se pencha pour ramasser un fruit. Mais le chef du village, qui n'était d'autre que le commandant Varong, s'empara du pistolet qu'il cachait dans le panier et donna un grand coup de crosse sur le crâne de son assaillant. De toutes les maisons, des coups de feu éclataient vers les intrus : le guet-apens fonctionnait à merveille, et le groupe de machines fut détruit en un éclair, les quelques pirates les supervisant étant arrêtés sur le champ. L'officier regarda alors sa tablette de coordinateur et constata que tous les points rouges viraient au vert, ce qui voulait dire que tous les pièges s'étaient déroulés comme prévu.
*
11 août 2115, soirée
Loyva
Quartier général de l'Armée
Après que tous les officiers aient fait leur compte rendu et que la réunion de bilan soit terminée, le général Hanrel demanda à ce qu'on l'on serve exceptionnellement de l'alcool à tout les militaires du QG, pour fêter la réussite de l'opération.
« Messieurs, tout a fonctionné comme nous le pensions. Je n'arrive même pas à y croire.
-Si vous aviez vu la réaction du maire quand je l'ai arrêté. J'avais l'impression qu'il allait fondre en larmes devant sa culpabilité...
-Tout le monde a accompli son devoir avec exemplarité. Les traitres corrompus sont dans nos prisons, nous avons récupéré une grande partie de leurs prises et nous avons porté un coup fatal à leur capacité de combat.
-Le « Somuz enfoui » était-il vraiment leur quartier général ?
-Pas vraiment leur quartier général. Mais c'était une planque principale, c'est certain. Avec Ornall Vakal derrière les barreaux, nous avons frappé violemment leur organisation.
-Et nous allons continuer messieurs : l'opération doit encore se dérouler sur plusieurs jours, alors nous reprendrons le travail après une courte nuit. Voici vos listes d'objectifs pour la journée de demain. »
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