Chapitre 17 : Évasion

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30 août 2115, 22:00

Loyva

Quartier général de l'Armée

Hanrel, Federico et Podamis se trouvaient depuis quelques minutes sur le toit, alors que la nuit était tombée depuis déjà un petit moment. Les deux qui devaient sauter avaient revêtus une combinaison de plongée.

« Général ? Vous comptez vraiment sauter avec ces choses ?

-Je les ai programmés moi-même, commandant, n'ayez crainte. Le lieutenant et moi allons atterrir sans problème. Nous allons envoyer une demi-douzaine de ces mannequins pour les faire paniquer, puis nous sauterons en nous fondant dans le chaos. Après, vous retirez les six derniers mannequins, si possible à d'autres endroits que le parc de la résidence : il faut les diviser. Nous pourrons contourner leurs forces pour infiltrer le bâtiment. Lieutenant, ne vous éloignez jamais de moi. Une fois que nous les aurons trouvés, nous les libérons, nous accédons au passage secret et nous nous rendons chez Nox.

-Bien compris mon général. C'est quand vous voulez.

-Alors en position. C'est parti. »

La Terrienne et le général prirent alors des lances grenades et ouvrirent le feu dans le parc. Pendant ce temps, Podamis catapultait les mannequins dont les parachutes s'ouvraient en produisant un grand bruit. Ces faux soldats, au contact du sol, se mettaient à crépiter et à produire de la lumière. On entendit immédiatement des cris de surprise puis d'alerte. Lorsque le premier "groupe" fut envoyé, Hanrel et Federico prirent place sur les dispositifs, et le général fit un signe de sa main. Il appuya du pied sur le bouton de lancement, et fut imité dans la seconde par Federico. Trois secondes plus tard, les tremplins les propulsaient dans les airs. Ils eurent le temps d'apercevoir les nombreuses troupes gouvernementales qui occupaient la place et dont une partie était rapatriée au ministère. 

Au milieu des fausses explosions, les deux officiers ouvrèrent leurs propres parachutes et profitaient du repli des gardes à l'intérieur du bâtiment. Ils s'en détachèrent à deux mètres du lac privé pour s'y laisser tomber. Pour Federico, le contact de l'eau était quelque chose de si lointain. Une eau aussi fraîche, propre et claire était devenue si rare, quasi-inexistante sur Terre, qu'elle ne pût s'empêcher de rester quelques secondes en dessous, simplement pour apprécier la chose. Puis elle sortit la tête et aperçut le général qui venait de se rendre sur la berge, se cachant derrière une espèce de buisson. Elle le rejoignit sur le champ et discrètement, ils contournèrent comme prévu les gardes, qui restaient à couvert devant le soi disant feu incessant des mannequins. Les ennemis réagissaient exactement comme l'avait prévu le Martien. Ils criaient, se donnaient ordres et contre-ordres, et se cachaient en tentant de riposter face un ennemi qui ne s'arrêtait pas de tirer. La résidence semblait être attaquée de façon importante, et les gardes ne comprenaient pas comment une troupe ennemie avait pu arriver dans les jardins privés du ministre. 

Pendant ce temps, les deux infiltrés rejoignaient la porte située tout à fait à droite et pénétraient dans le bâtiment. Les couloirs étaient pour le moment infréquentés, à leur grand bonheur. Les gardes étant logés dans l'aile gauche, ils n'avaient pas besoin de passer par ici pour rejoindre les jardins. Lorsqu'ils arrivèrent devant la porte qui menait aux prisons, ils sortirent leurs pistolets encore équipés de suppresseurs et l'ouvrirent délicatement. Avec prudence, ils descendirent les marches. Au fond du couloir, il y avait une intersection : un virage à gauche et un virage à droite. Le lieutenant s'inquiéta du besoin de se séparer, mais elle fut vite rassurée : les deux passages menaient à la même salle, derrière le mur. Ils allaient donc se séparer, mais pour mieux surprendre les robots geôliers. Hanrel prit à gauche, Federico à droite. Ils arrivèrent donc dans une pièce où une demi-douzaine de machines leur tournait le dos. Il siffla, les machines firent volte face et furent décimées par les deux tireurs.

« Pourquoi avez-vous sifflé ?

-Je ne tirerais pas dans le dos, même d'une machine. »

Ils traversèrent la salle des gardes et débouchèrent sur un autre couloir. Des deux côtés se trouvaient des cellules, toutes vides. Mais au détour d'un virage, ils entendirent des voix, qui se faisaient de plus en plus fortes. Soudain, des bruits, comme si l'on renversait tout ce qu'il y avait dans une pièce, d'autres cris, et enfin des tirs d'armes à feu. Les deux se mirent à courir, rejoignirent le bout du couloir. Deux hommes jaillirent d'une cellule sans crier gare et pointèrent leurs armes vers eux. Ils levèrent les leurs pour tirer, juste avant que tout le monde ne se rende compte qu'ils étaient dans le même camp : c'était Tenson et Zalos qui tentaient de s'évader, profitant du manque de gardes. Le capitaine et le général se serrèrent la main, l'air enjoué et ravi. Federico soupirait largement tant elle était rassurée, tandis que Zalos, l'air un peu perdu mais souriant, fixait les deux nouveaux arrivants.

Hanrel fit un signe de tête vers la porte qu'il y avait derrière eux. Il fallait sortir avant que d'autres machines ou gardes ne se rende compte de l'évasion. Ils laissèrent les épaves des robots interrogateurs dans la cellule et remontèrent par ces autres escaliers. Ils sortirent dudit couloir, avant d'arriver dans une salle. Une dizaine d'officiers des gardes étaient présents et se retournèrent, ébahis de la présence des intrus.

« Ils sont peut-être un peu nombreux, non ? » glissa le commandant. Leurs ennemis dégainèrent alors et se mirent à tirer dans la direction du commando. Celui-ci se divisa en deux : Hanrel et Tenson se retrouvaient derrière les piliers de droite, tandis que Federico et Zalos se mettaient à couvert sur la gauche, les quatre tirant à leur tour sur les officiers, qui appelaient du renfort. Le général remarqua que sur les côtés de la salle se trouvaient deux issues. Il contacta son commandant par communicateur, le bruit des tirs et la distance l'empêchant de lui parler directement.

« Zalos, avec Federico, passez par la porte de gauche ! Vous devez trouver une statue du premier roi de mars. Lorsque vous y serez, appuyez sur le bouton de son col, puis pénétrez dans le passage. La statue se remettra en place dix secondes après qu'elle se soit ouverte. Tenson et moi, nous passons par la droite, si nous ne sommes pas là en même temps que vous, pas de souci. Nous nous attendons tous à la sortie ! »

Federico, qui avait entendu le plan d'Hanrel, suggéra de foncer vers la porte en continuant de tirer. Zalos approuva, et ils sprintèrent. Devant cette fuite, la majorité des officiers gouvernementaux se retournèrent vers eux et les prirent pour cible. Profitant de l'occasion, Hanrel et Tenson coururent de leur côté, en ouvrant également le feu. Des deux côtés, les adversaires fuyaient, et les gardes n'avaient d'autre choix que de leur courir après. Les quatre poursuivis devaient courir sans cesse dans les couloirs, cherchant des yeux la fameuse statue. Mais il semblait que leur objectif était connu, car le commandant de la garde reçut l'ordre de sécuriser une statue, située au second étage. Il s'y rendit avec une dizaine d'hommes et patienta. Pendant ce temps, Tenson et Hanrel arrivaient dans une nouvelle pièce. Une autre statue de l'antique roi se trouvait là, à côté d'une cheminée.

« Tiens, je la voyais à l'étage supérieur. Mais qu'importe, elle est là ! Allons-y. » Dit le général au Terrien.

Ils appuyèrent donc sur le bouton du col du Roi, et la statue pivota. Ils entrèrent dans le passage et la statue reboucha l'entrée. A peine dix secondes plus tard, un groupe de gardes arrivait et traversait la salle afin de les chercher. Encore au rez-de-chaussée, Zalos et Federico rencontrèrent eux aussi une statue tout à fait identique. Ils firent ce que leur chef leur avait dit de faire, entrèrent et de la même façon, la statue se referma.

Le général et le capitaine arrivèrent à la sortie du passage secret après une marche plus longue que prévue. Lorsqu'ils passèrent la trappe, ils étaient dans une chambre très luxueuse. Par la fenêtre, on pouvait avoir une vue imprenable de la capitale.

« Attendez Tenson. Vous voyez les deux pointes là-haut ? C'est le Quartier Général de la flotte, là où est Nox. Nous ne sommes pas chez lui. »

Il observa la pièce et remarqua soudain deux fusils posés en croix sur le mur, en guise de décoration. Ceux là semblaient plutôt rustiques et n'avaient rien à voir avec l'équipement moderne des Terriens ou des Martiens.

« Tenson ! Par pitié, quoi qu'il arrive, ne dites rien. Faites comme si vous étiez un Martien. »

La porte s'ouvrit soudainement et un individu entra.

« Ca alors, qui êtes vous ? Gardes ! »

Le Terrien se figea. Celui qui venait d'entrer n'était pas un Martien. Il était sans aucun doute humanoïde, et possédait en apparence les mêmes caractéristiques corporelles que les humains, du moins jusqu'au cou. Car sa tête n'était pas du tout humaine. Premièrement, elle était d'un gris très foncé. Deuxièmement, ses yeux étaient plus gros et uniquement verts. Troisièmement, à la place d'oreilles, il avait deux cornes qui se rabattaient vers ce qu'il y avait en face de lui, comme pour un taureau, mais bien plus petites. Dans la seconde, quatre autres personnages identiques, mais en armure et armés eux aussi de ces vieux fusils, firent irruption dans la pièce et encerclèrent les deux intrus.

« Répondez ! Qui êtes vous ?

-Veuillez me pardonner, monsieur l'ambassadeur. Je suis le général Loggs Hanrel, qui dirige en chef l'Armée Martienne. Et voici le capitaine... Taynzon. Nous ne faisions que contrôler la sécurité des résidences privées.

-Contrôler la sécurité ? Mais par où êtes vous entré ? On ne m'a même pas parlé de vous !

-Par la fenêtre.

-La fenêtre ? Mais qui êtes vous ? Vous êtes fou !

-Il est à noter que personne ne nous a arrêtés. Je ne peux pas parler pour votre garde, mais il est évident que nos forces de sécurité n'ont pas été à la hauteur. Soyez assurés que mon rapport se fera pour augmenter la protection de votre ambassade.

-Montrez moi votre plaque, je vous prie. J'aimerais dissiper mes doutes.

-Bien sûr. La voici. »

Hanrel enleva la plaque qui portait son nom de sa poitrine et la remit à l'alien, qui l'examina attentivement, tant devant que derrière. Il gratta à plusieurs endroits, méticuleusement, puis souffla à deux reprises. Il la fixa encore un instant puis sa bouche dessina un sourire, et il la rendit.

« Pardonnez ma réaction un peu brusque, messieurs. J'ai cru à des bandits, des meurtriers, ou pire. 

-Pire, dans la capitale ?

-Oh, vous savez très bien ! Ces Terriens, là. Mon peuple avait mis en garde tout le monde contre eux. Nous savions que tôt ou tard, ils viendraient nous causer des soucis. Regardez aujourd'hui. Il paraît que la capitale est en pleine effervescence, et que ces nouveaux venus se montrent arrogants et beaucoup trop fiers pour des gens qui ne doivent pas être là ! Nous vous avions dit qu'il fallait intervenir et coloniser leur planète il y a de cela bien des siècles. Mais tout le monde a voulu laisser un coin de galaxie en paix, et voilà ce que cela donne. Ils ont de la chance d'être arrivés sur Mars, car s'ils étaient venus sur Orthor, nous les aurions accueillis comme il se doit : avec des fusils ! »

Tenson se souvenait péniblement à présent. Lorsque le Grand Kanonmar leur avait présenté la galaxie, il avait en effet parlé d'une planète à la population belliqueuse, hostile aux Terriens. Il comprenait mieux pourquoi Hanrel cachait son identité et le faisait passer pour un compatriote.

« Allons, allons, ambassadeur. Calmez-vous, il n'y a aucun problème. Les Terriens sont loin de la capitale, après tout.

-Et bien, je l'espère ! Je ne supporterai pas de les croiser. Mais parlons d'autre chose. Vous qui êtes général, expliquez moi ce qu'il se passe dans cette ville. Mais pas ici. Venez dans mon salon, avec votre capitaine. Il va être l'heure du repas nocturne si cher à mon peuple, et je veux que vous y participiez. Vous allez adorer le repas : ma femme supervise personnellement les cuisines. L'intendance aussi. Et puis le personnel, c'est vrai. La garde, depuis quelques mois. Enfin, bref ! Suivez-moi messieurs. Et vous quatre, baissez vos armes, vous n'avez pas compris que la discussion avait changé de ton ? Ah, ces gardes de palais, je n'en peux plus... »

Tandis que les deux officiers tentaient de se sortir tant bien que mal de ce mauvais pas, Zalos et Federico découvraient leur point d'arrivée. Il s'agissait également d'un endroit très luxueux, un palais doré et très lumineux. L'architecture était fine, gracieuse. Mais il n'y avait personne, nulle part. Lorsqu'ils arrivèrent dehors, ils se rendirent compte qu'au-delà des jardins, il n'y avait que des nuages. Le palais était au construit tout en haut d'une formation montagneuse et le domaine occupait l'intégralité du sommet. Il n'y avait aucun pont, aucun escalier qui permettait d'y accéder. Il y avait le palais, la montagne, et les nuages autour. Sans personne pour y habiter, même s'il paraissait plutôt entretenu. Néanmoins, on devinait que personne n'était venu depuis quelque temps. D'ailleurs, les haies avaient grand besoin d'être taillées, tout comme les arbres. Ceux-ci, étrangement, servaient également de luminaires, car ils dégageaient de la lumière qui illuminait les jardins de façon naturelle. Les deux retournèrent à l'intérieur, et restèrent un temps silencieux dans une pièce qui devait être la cuisine. Federico se demandait ce que pouvait être cet endroit, et surtout à quoi, ou à qui, servait-il. Elle releva la tête pour demander à Zalos ce qu'il en pensait, et celui-ci fixait une fenêtre sans dire un mot.

« Commandant Zalos ? Vous n'avez pas dit grand chose depuis l'évasion.

-En effet, lieutenant, veuillez me pardonner. Toute cette situation me perturbe. 

-Notre arrivée ?

-Oui. Il y avait de vagues rumeurs sur le fait que les Terriens tenteraient un jour de quitter leur planète, comme jadis les autres peuples. Mais nous, et surtout les jeunes, n'y avons pas vraiment cru. Depuis quelques années, tout cela s'est perdu. 

-Vous ne vous attendiez pas à voir des gens qui vous ressemblent autant, n'est-ce pas ?

-En quelque sorte. Mais vous également.

-Que voulez-vous dire ?

-Vous nous ressemblez bien sûr. Mais j'ai compris que beaucoup des miens avaient du mal à vous assimiler à leur semblable. Vous êtes un Terrien très différent des autres. Alors vous voir combattre à nos côtés, et tout risquer pour me sortir de cellule... Cela remet beaucoup de choses en cause.

-Nous sommes alliés, commandant. Ne vous en faites pas. Mais nous sommes également seuls. Savez-vous quel est ce lieu ?

-Malheureusement, non. Je n'ai jamais vu cet endroit de ma vie. Peut-être que c'est un palais secret de Kanonmar ? Je n'ose imaginer l'ingénierie et les ressources nécessaires pour créer cet environnement sous la surface Martienne.

-Alors il va falloir trouver comment sortir d'ici. Mon communicateur ne répond pas et nous ne savons pas qui viendra nous chercher en premier. Amis ou ennemis ? »

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