Chapitre 19 : Isolement
31 août 2115, 06:00
Loyva
Place principale
Le commandant de la garde royale disposait à présent d'exactement cinq cent machines de combat, trois cent agents de police et deux cent gardes royaux, soit un total précis de mille combattants, sans compter la demi-dizaine de chars de combat qui bloquaient l'entrée principale. Il attendait avec impatience qu'on lui donne l'ordre d'attaquer. Il devait lancer l'assaut à minuit, mais l'attaque de la résidence du délégué de l'Intérieur et l'évasion des deux prisonniers avaient paralysé toute action. Refusant de repousser l'intervention à la nuit suivante, le Grand Kanonmar donna l'ordre d'attaque au petit matin. Le commandant étendit son bras vers la porte d'entrée, cria « En avant ! », et les machines s'élancèrent. Mais tout à coup, trois vaisseaux spatiaux apparurent quasi instantanément au dessus de leurs forces. Leur chef s'en étonna.
« Tiens ? On ne m'a pas prévenu d'un renfort de la flotte. Peu importe, cela nous sera bénéfique. Continuez ! »
Les machines reprirent leur course, mais plusieurs bombes tombèrent sur leurs lignes, clairsemant leurs rangs.
« Mais ? Qu'est ce que ? »
Puis, les tourelles des vaisseaux pivotèrent et ciblèrent les machines de combat : la mitraille fauchait leurs rangs avec une précision et une puissance de feu dévastatrices. Les chars pointèrent leurs canons vers les vaisseaux et se préparaient à tirer. Mais des petits vaisseaux, pas plus gros que des avions de chasse, survolèrent au même instant la place et tirèrent des missiles qui frappaient les chars et court-circuitaient toutes leurs consoles de commande. Ils se déplaçaient aléatoirement, les pilotes perdant le contrôle de leur véhicule, et certains se rentraient dedans, tandis que d'autres percutaient les troupes situées devant eux. Le véhicule de commandement fut lui aussi touché et alla s'écraser contre la statue géante de Kanonmar, au centre de la place. Les collisions, les explosions et les tirs semaient le désordre dans les rangs des troupes gouvernementales. Pour rajouter à la confusion, la porte principale du QG s'ouvrit, et les soldats en sortirent en tirant de tous côtés. Formant une ligne, dos aux murs de leurs bâtiments, ils ouvraient le feu devant eux. Les machines étaient presque toutes détruites, tandis que les policiers et gardes étaient soit blessés, soit cachés, soit allongés au sol, afin d'éviter les rafales. Tout le monde cessa le combat, puis la voix du général se fit entendre, à travers les haut-parleurs du vaisseau central.
« Je suis le général Hanrel, accompagné de l'amiral Nox. Nous avons tout les deux décidé d'agir en commun pour mettre fin au comportement scandaleux du Conseil de Mars ainsi que du Grand Kanonmar. La garde royale doit présenter sa reddition, tandis que les forces de police et de sécurité doivent retourner dans leurs quartiers et soigner ses blessés. L'Armée et la Flotte reprennent les choses en main. Messieurs les commandants, faites prisonniers les troupes de la place. Commandants Koggs et Nazar, procédez à l'arrestation des membres du Conseil et protégez le Grand Kanonmar. »
Les différents commandants menèrent les hommes qu'ils avaient, tandis que ceux qu'ils devaient arrêter déposaient leurs armes et rassemblaient leurs blessés. Sur le pont du vaisseau central, Tenson interrogeait le général.
« Qu'entendez-vous lorsque vous voulez reprendre les choses en main ?
-Ce Conseil n'a jamais su s'y prendre pour diriger correctement Mars et son peuple. Nous allons instaurer un gouvernement provisoire afin de faire la transition entre ce régime et un autre qui sera bien plus correct. Les provinces qui se sont séparées n'attendent que cela pour revenir, je le crois. Nous avons les moyens de rétablir une planète unie et correctement guidée, alors nous allons le faire.
-Si vous pouvez le faire sans plus de combats, je vous le conseille fortement. Mais s'il vous plaît, ne vous lancez pas dans une guerre civile : ce serait la pire des choses.
-Je sais bien. Mais rassurez vous, cela n'arrivera pas. Capitaine Tenson, vous allez rester encore un petit peu avec nous, puis vous pourrez enfin retourner chez vos camarades.
-Et le lieutenant Federico ?
-J'ai tenté de contacter Zalos tout à l'heure, je n'ai pas réussi. Tentez de contacter votre lieutenant. Nous interrogerons les membres du Conseil et les différents délégués pour savoir s'ils sont entre leurs mains. Mais rassurez vous, nous les retrouverons tout les deux. »
*
31 août 2115, 11:00
Palais des Nuages
Zalos se réveilla. Il émergea de son sommeil, se leva, puis écarta les rideaux. Il faisait déjà grand jour. Lorsqu'il regarda l'heure, il constata qu'elle était déjà très avancée. Il revêtit son uniforme et sortit de la chambre. Il s'arrêta devant la chambre de Federico, et allait ouvrir la porte pour la réveiller. Mais il se dit que la Terrienne en serait sûrement vexée, et continua son chemin. Il descendit à la cuisine, et tenta de voir ce qu'il pouvait y avoir : rien. Il chercha partout une éventuelle cave, et finit par la trouver. Comme il l'espérait, elle était munie d'un dispositif de conservation. Celui-ci était plein de nourritures et de boissons, et on avait de quoi faire manger une dizaine de personnes pendant deux semaines. Il prit seulement le nécessaire et remonta, puis prépara un petit-déjeuner copieux pour lui-même et pour le lieutenant. Il entreprit ensuite de faire le tour du Palais. Il y avait des salles pour tout : armurerie, salons, chambres, salles de banquets, bibliothèques... Mais toujours aucune personne n'était présente. Il trouva des escaliers et entreprit d'aller au sommet.
Pendant ce temps, le lieutenant s'était également réveillée, la lumière du soleil la faisant sortir de ses rêves. Dans un premier temps, elle se demanda où elle était. Elle regarda autour d'elle, puis à côté, mais personne. Puis, elle se remémora la journée de la veille. Elle revêtit son uniforme et sortit également. La porte de la chambre du commandant étant ouverte, elle comprit qu'il n'était plus là. Elle se rendit au rez-de-chaussée, les chambres étant à l'étage. Elle eut la même idée que Zalos et entra dans la cuisine, avant de remarquer ce qu'avait préparé le Martien. Ne le voyant cependant pas, elle l'appela pour savoir où il était. Comme il ne répondait pas, elle se dit qu'il était dehors et passa à table. En réalité, il venait d'arriver à la fin des escaliers. Ils menaient au sommet d'une tour, qui surplombait totalement le Palais. Mais on ne voyait rien de plus concernant les environs : toujours des nuages. On voyait même encore mieux à quel point le domaine était isolé.
Tout à coup, devant ses yeux, un petit flocon passa. Zalos, qui n'en avait jamais vu, ne comprit pas ce qui se passait. Il en vit encore deux, puis trois, bientôt dix. Il regardait des quatre côtés de la tour, il ne voyait que ces flocons, qui se faisaient centaines et qui se changeaient milliers. Le froid commença à saisir ses membres, et il se demandait ce qui pouvait bien se passer. Dans la cuisine, Federico prit son plateau et se leva, souhaitant finir de manger à l'extérieur. Mais lorsqu'elle arriva et qu'elle vit ce qu'il tombait, elle faillit tout lâcher. Elle le posa immédiatement. La neige arrivait à une grande vitesse et s'accrochait sans aucun problème au sol. Les jardins devenaient déjà blancs.
Au sommet de la tour, Zalos vit alors la Terrienne courir dans la neige et sauter de joie. Il comprenait encore moins cette réaction, mais la voir heureuse le rassurait. Elle n'avait jamais connu la neige, mais ses parents lui en avaient parlé, ils lui avaient raconté leurs souvenirs : c'était les dernières fois que la neige tombait sur Terre. Et à présent, ici, elle se retrouvait dans un Palais qui se recouvrait de neige, avec un air tellement pur. Elle se mit assise par terre, respira longuement et ferma les yeux. Elle sentait les flocons se poser sur son visage, et elle appréciait la sensation que cela lui faisait. Derrière elle, Zalos venait de descendre. Il la rejoignit et se mit assis à ses côtés.
« Pourquoi êtes-vous heureuse avec cette chose ?
- Vous n'en connaissez pas ? C'est de la neige. Nous en avions sur Terre, par le passé. Les enfants adoraient jouer dedans, et quand elle arrivait, c'était toujours un grand bonheur pour eux. Regardez comme l'endroit devient encore plus beau.
-Il est vrai que le Palais devient encore plus charmant à présent. Les Terriens ne connaissent plus cela ?
-Pas ceux de mon âge, en tout cas. Nous en avons déjà discuté avec le lieutenant Henri.
-Je ne le connais pas. Est-ce un ami ?
-On pourrait dire ça. Il travaille avec moi dans notre expédition mais ce n'est pas la première mission que nous partageons. C'est un garçon courageux, avec un grand sens du devoir. J'étais avec lui en dehors du campement quand les pirates m'ont attaqué. Il a essayé de les en empêcher mais le nombre jouait largement en leur faveur.
-Alors il doit être inquiet. Pensez-vous qu'il a pu être prévenu ?
-Si votre gouvernement s'en est chargé, qui sait ce qu'ils ont pu raconter.
-Nous devons réessayer de contacter le Quartier général. J'espère que nos amis ont pu atteindre leur but. Suivez moi, lieutenant. »
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