À toi, mon Théo...
Le défi avait déjà été remporté, et puis j'ai supprimé bêtement le texte. Le voici donc qui réapparaît.
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Cabariot, 7 janvier 2019
Théo,
Te souviens-tu des premiers jours ? Ressens-tu toujours les embruns de l'océan qui s'étaient déposés sur la peau diaphane de ton visage ? Te rappelles-tu quand nous étions tous les deux, les doigts enlacés, pour la première fois ?
Je me souviens de tout, du jour, de l'endroit, de l'heure, de la météo, des odeurs, des couleurs. Comment ne pourrais-je pas les avoir gravés à vie dans mon esprit ?
C'était, il y a huit ans, chez toi, le soir. Il faisait chaud. Nous sentions le gel douche à l'amande. Il faisait noir dans ta petite chambre.
Tout était devenu limpide ce jour-là. Cela avait commencé l'après-midi. Nous étions revenus de la plage, trempés par la fulgurante tempête qui nous avait surpris. Là, j'ai tout compris. Douze ans que nous nous connaissions, et je réalisais enfin qu'il y avait comme une évidence dans notre amitié profonde.
Elle devait se prononcer, s'accentuer, se déterminer vers ce chemin de l'amour. Je l'ai donc emprunté, c'était une voie grande ouverte, pour te guider, pour me guider. J'ai souhaité en être l'initiatrice, car toi, aurais-tu osé ? Aurais-tu cru cela possible ? Toi, moi, face à face, au devant du monde entier, cruel et méchant pour ces amours incompréhensibles... J'ai donc bafoué les règles imposées pour oser, ce soir-là, mettre ma tête sur ton épaule.
Sur tes cheveux blonds, sur ta peau, le parfum enivrant de l'innocence a eu raison de moi. Ta respiration s'est accélérée, ton souffle est devenu plus rapide quand ma main s'est posée sur le tissu par-dessus ton torse. Tout s'illuminait enfin, et pourtant j'avais peur.
À vingt-trois ans, je ne pensais pas connaître à nouveau cette sensation angoissante de la première fois. Celle de la découverte du corps de l'autre, celle d'une amitié qui se transforme. Nous étions vierges tous les deux ; chastes du corps de l'autre. Alors ma main a foulé ta peau, pour que tu n'aies pas peur de fouler la mienne. Pour initier le point de départ de notre vie charnelle.
Cette première nuit a été la plus sensuelle de notre vie amoureuse. Elle n'a été que frôlements, caresses, découverte des sensations de l'autre, puis baisers ; des petits, des doux, des hésitants, des mœlleux, des humides, et finalement,... des pénétrants. Ô mon dieu, les pénétrants...
C'était, il y a huit ans. Je m'en souviens comme jamais. J'ai toujours le goût de ta peau et de tes lèvres, qui ce jour-là, avaient encore un parfum d'innocence.
Je rêvais que ce moment de grâce, de pureté, dure pour toujours. Qu'il reste inscrit pour l'éternité en nous. Et ce fut le cas, car aujourd'hui encore, j'ai l'impression d'une éternelle première fois quand nous nous retrouvons. La distance géographique qui nous sépare n'a rien modifié. Est-ce là que l'on reconnait un véritable amour ?
Je suis heureuse de t'avoir rencontré, avec néanmoins la tristesse d'avoir attendu douze ans pour m'apercevoir de ce que nous ressentions l'un pour l'autre. Mais c'était sans aucun doute nécessaire. Il fallait mûrir, chacun à sa manière, pour que nous nous trouvions enfin.
Avec toi, j'ai l'impression de vivre comme dans un conte de fées. Alors j'oublie les moments difficiles durant lesquels nous ne sommes plus ensemble, pour attendre avec impatience les jours où nos mains, nos lèvres, nos corps, nos humeurs se rencontreront de nouveau pour un feu d'artifice des sens.
Je suis comblée d'être avec toi, aujourd'hui, le jour même de mes trente-et-un ans, à l'instant même où tu dors encore de l'autre côté de notre lit quasi conjugal, et de t'écrire cette lettre qui scelle à jamais notre passion interdite.
Je t'aime.
Lana ♥
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