Le culte de mythloke part 1
Les dieux avaient-ils vraiment quitté notre monde ? J’ignore d’où me venait cette crainte. Quand je regarde ma ville natale, j’ai l’impression que quelque chose s’est perdu dans les affres du temps. Comment avions-nous pu en arriver là? Les rues étaient maintenant jonchées d’âmes en peine qui, chaque jour durant, avançaient munies d’incertitude en tête. L’air était stagné et portait en elle la couleur de la maladie. La nuit, le ciel cachait toutes ces étoiles, comme si elles ne daignaient plus nous observer de leurs lumières célestes par crainte d’être infectées par notre folie. Des rats de la grosseur de chat parcouraient les sombres allées, attendant leurs moments pour dévorer les pieds des itinérants Hurlement et violence étaient à ce jour, notre quotidien à Joliette. Jamais n’avait-on autant sombré dans la dépravation ludique, qu’après l’arrivée du prêtre de Mythloke.
J’étais un jeune écrivain à la gazette local quand j’entendis parler du prêtre de Mythloke. Nul jusqu’alors, ne savait d’où il venait et nul n’osait lui demander. Quand il se présenta à la cathédrale Saint-Charles-Borromée. Cela prit un temps avant qu’il ne soit considéré comme un guide dans cette longue nuit qu’étaient devenues nos vies. Les gens avaient appris à craindre l’inconnu depuis le début des temps et rien ne devait être plus épeurant, avec raison; qu’un vendeur de vérité doucereuse. C’est ma curiosité de journaliste qui ma poussée, je l’avoue, sur le pas de la perdition.
Il parlait des anciens dieux qui, dissimulés au regard de tous, préparaient leur retour en notre monde. Dans leur grand panthéon d’ossement, les désossés attendaient leurs heures. Ils viendraient pour punir la création desdits nouveaux dieux de notre ère et amèneraient un âge de progrès et de paix en notre monde tourmenté. Il énuméra les déités de son panthéon. Ygrugel l’amas noir qui donna naissance à notre univers. Mlibbal, le grand œil architecte et observateur de la fin des temps. Abralost le véreux, qui vivait au cœur de la terre et pourvoyait les croyants de ces bénédictions. Et pour finir, Gogg’xod, le mangeur de cauchemar. Il est dit que ce dernier se présente à nous dans nos tourments, constamment le visage caché, puisqu’il fait partie des songes de tout ce qui existe et n’a donc aucune appartenance.
Le prêtre de Mythloke ne trouva pas un public récepteur immédiatement, mais quand certains se joignirent à sa confrérie noire, ils virent leurs afflictions disparaitre comme par enchantement. Tous, y compris moi, agonisâmes dans la constante réalité qui nous entourait. Les suicides, la criminalité, l’abus de drogue et la violence gratuite n’avaient jamais été aussi normalisés à ce jour par notre société dépravée. Tous, nous recherchâmes un point de salut pour nos esprits étriqués. Alors bien sûr, quand Mythloke nous offrit un havre de salut dans la cathédrale qu’il avait faite sienne. Nous nous joignîmes à lui comme du bovin vers l’abattoir.
Les premiers temps, je l’avoue à contrecœur, j’y trouvai une certaine sérénité. À l’intérieur de cette messe noire, tous nous portâmes des masques d’harlequin identique offrant la lubie de l’anonymat. C’était l’un des préceptes du culte. Dans l’ignorance, il n’y a aucun péché. Dans l’ignorance, les regrets sont vides de sens. Je n’assistai point pas à toutes les cérémonies à mon grand désarroi. Mon travail était contraignant et mes responsabilités de jeune père occupaient la majeure partie de mon temps, mais peut-être que par ce fait, l’influence du culte avait été moins insidieuse. Comme un funambulisme, je naviguais deux réalités sans jamais vraiment tomber dans aucune.
La ville changea petit à petit. Les hurlements qui normalement fendaient la nuit étaient maintenant remplacés par un silence glacial. De plus en plus de gens parcouraient les couloirs blafards de la cité dans une constante mornitude, inaffectés par les disparitions toujours plus nombreuses. Au moment où Mythloke apparut, nombre de gens avaient fui la ville, comme si la peste avait frappé à notre porte. Ceux qui voulaient partir, mais qui, semble-t-il, avaient été contraints de rester dus à des raisons professionnelles ou personnelles; furent les plus touchés par les enlèvements.
À l’origine, cela n’avait été qu’une personne par-ci par-là. Mais au fil des mois, ce fut d’entière famille qui se volatilisait. Les autorités refusaient de commenter sur ces faits et étrangement, les gens décidèrent de continuer à vivre avec cette nouvelle réalité. Comme si cela n’avait été qu’un tourment de plus à rajouter à leur longue liste de tragédie. Tous disparaissaient à un certain point, sauf bien entendu… les membres du culte. Mais encore une fois, je n’y avais rien vu d’autre qu’une preuve de plus que notre société tombait en lambeaux.
Dans les communions, le prêtre nous apprîmes à nous préparer en vue de l’appel. Cedit instant, quand le dieu drapé de noir apparaitra dans nos songes. Il était alors impératif qu’à ce moment nous nous présentassions devant l’autel le quatrième jour de la semaine, ledit jour saint et obligatoirement réservé, à ceux qui ont déjà entrepris l’ascension.
Depuis quelque temps, j’avais été victime de cauchemars emplis d’une barbarie sans nom. Quand enfin, apparut en songe pour me libérer de mes souffrances nocturnes, l’homme en noir. Il me prit la main et je me sentis gonflé d’extase. Il me révéla que j’avais été choisi pour une cause plus grande et plus honorable que tout ce qu’il était possible d’espérer. Il me parla de la fin du monde et me rassura que tous les membres du culte et leurs familles seraient épargnés de l’infinie torture. Il m’adjoint alors de me rendre à l’église sans plus tarder.
J’étais sur le moment euphorique à l’idée qu’enfin, j’allais rejoindre les castes supérieures de notre confrérie drapée de mystère. J’embrassai mon épouse et lui promis de tout lui révéler à mon retour. Elle me regarda avec fierté, mais ne dit mot. En tant que femme au foyer, elle était depuis longtemps membre à part entière de l’ordre. Mais elle gardait sous silence les secrets de l'ordre qu'elle eût accès.
Une fois en route j’observai au loin la cathédrale. Elle semblait illuminer la nuit de mille feux. Comme un phare dans la tempête, elle était le salut du pécheur que j’étais. Me mettant en route j’eus un moment de recul en observant la maison d’à côté. Mes voisins, Stanley et Édith Bérubé - un couple d’une quarantaine d’années avec trois enfants maintenant adolescents - m’avaient souvent invité à venir souper avec eux. Notre relation, cependant, s’était envenimée depuis que j’eusse rejoint le culte. J’observai la maison et vis que quelque chose clochait. Édith était sur le perron et semblait être dans tous ses états. Elle se tenait en compagnie de deux policiers las. Quand elle me vit, elle accourut dans ma direction. J’étais bien hérité par ce contretemps. Mais, à la vue de son visage défraichi et abimé par la panique qui semblait l’avoir submergée. Je me forçai à contrecœur, à lui accorder quelques minutes de mon temps. ‘’ Marc! Marc! Aide-moi, je t’en supplie. Ils ont tous disparu. Mes pauvres enfants.’’ Elle s’était accrochée à moi comme si j’étais la bouée dans son naufrage et au fond de moi, malgré moi cela me déplut. J’avais toujours mis de l’avant que j’étais une bonne personne, prête à venir au secours de son prochain dans le besoin. Et pourtant, en ce moment, je n’en avais foutrement rien à cirer. Je ressentais une absence totale de sympathie. Cela me troubla et quand je réobservai Édith une fois de plus, je la vis pour vrai cette fois. Elle avait les yeux rougis d’avoir trop pleuré. Ces cheveux étaient une masse noire confuse et son teint avait été sillonné par l’anxiété. Je ressentis, après avoir navigué au travers de multiples émotions divergentes, un minime élan d’empathie pour ma chère voisine. ‘’ Ils les ont pris marc, ils les ont pris…’’ me hurlait-elle à répétions dans l’espoir de m’extraire une réaction ‘’Mais qui?’’ Demandais-je finalement, la retenant de s’écrouler dans mes bras. ‘’ Le culte, mais qui d’autre?’’ Un goût amer se logea dans ma bouche en attendant cette déclaration. Le culte avait été la seule lueur d’espoir dans cette décadente ville depuis au moins les dix dernières années. Tous ses membres étaient des personnes respectées au sein de notre société et enfin, j’allais avoir ma chance d’en faire partie. Un policier ventru se présenta à nos côtés et dit d’un ton affable. ‘’ Madame. Je vous en prie, laissé ce jeune homme, je vous assure que nous ferons tout en notre pouvoir pour retrouver votre famille.’’ La tirant vers lui par l’épaule, il la dirigea vers l’intérieur de la maison, au dernier moment avant de franchir le palier, il se retourna et m’offrit un sourire carnassier avant de me dire. ’’N’êtes-vous point attendu quelque part jeune homme?’’ La porte se referma alors sur moi, me laissant seul, au milieu de la rue, désemparé et confus par les événements qui venaient de se produire.
Je décidai alors de me remettre en route. En revanche, en observant de nouveau la cathédrale, je constatai qu’elle avait perdu de son éclat hypnotique. La lueur blanchâtre avait tourné sur du gris. Le ciel, lui, semblait s’être muni de noirs nuages circulant autour de l’église comme s’ils étaient sur le point d’éclater et de répandre un déluge sur le monde. J’accélérai le pas de peur d’être pris sous une pluie diluvienne.
Arrivé aux grandes portes en fer, je cognai deux coups et on m’ouvrit. Comme à l’habitude, on m’offrit la toge cérémonielle et un demi-masque de plâtre laissant une ouverture pour le nez et la bouche. Cependant, cette fois, au lieu d’être d’un blanc immaculé, de nombreux hiéroglyphes rouge sang étaient gravés à l’intérieur dudit masque. Je le mis sans trop faire d’ambages tant j’étais excité de faire partie de la haute strate du culte. Mais plus j’avançais, plus le visage dévasté d’Édith me revenait en tête. ‘’ Le culte, mais qui d’autre!’’ m’avait-elle dit avant de disparaitre de ma vue. Prise par cet étrange policier qui à bien y penser, était totalement allochtone à notre petite ville.
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