Constance
Poème écrit en tant que commentaire d'une œuvre magnifique d'Oïbarès, ici présente, intitulée "À l'abri des vents", que je vous invite à lire afin de comprendre de quoi il retourne.
Qui dit : « le souvenir est d'un temps révolu » ?
Il y a partout, toujours, du passé dans les choses,
D'où vient que l'on ne croie jamais plus en la cause
De ce qu'on eut un jour de moments absolus ?
La nostalgie convient au bourreau de soi-même,
Qui coupe un fil où danse un instant adoré
Pour d'impatient plaisir, ou de quoi désirer,
Sans savoir que toujours c'est le présent qu'on aime.
Mémoire est une enfant qui joue avec nos cœurs,
Mais les moments vécus qu'elle éloigne ou rapproche
Font un unique bloc où, mutine, elle pioche :
Le regret n'est jamais qu'un petit contrecœur.
Or si comme à la douce et secrète Constance
Une première fleur vous monte au souvenir
Lorsque par la fenêtre, un moment de loisir,
Avecque son parfum revient sa circonstance ;
Si, parmi les ombres d'un calme soir d'été,
Quand la chambre, baignant dans un demi-jour moite,
Où la lumière sourd de persiennes étroites,
Vague dans la tiédeur et l'immobilité ;
Soudainement jaillit tout un monde d'images,
D'anciennes sensations, — sous un soleil lointain
Où vous aviez connu la caresse et la main
D'un homme tournesol au milieu des voyages ;
C'est le rare moment où l'on peut une fleur
Cueillir sans cruauté : le souvenir l'exige,
Et veut que dans l'herbier on enserre sa tige
Où l'on tient vertement les registres du cœur.
À quoi sert de pleurer le souvenir qu'il reste ?
Le temps n'existe pas sans quelque mouvement,
— Ne serait-ce pas triste, un arbre, sans le vent ?
Et regretter le temps c'est regretter le geste ;
Constance l'a compris. Dans le petit matin
Elle avance, sereine, elle est fille du monde,
Elle fait des projets pour la lumière blonde
Qui dore doucement les meubles en rotin.
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