Chapitre 13
22 avril, Hollywood, Santa Clarita & Malibu
Ange émergea doucement du sommeil. Il jeta un regard vers la fenêtre. Les rideaux non jointifs ne lui laissaient voir aucune lumière. Il vérifia l’heure sur son portable. Trois heures ! Philippe l’avait prévenu, encore l’effet de la chronobiologie. Son horloge interne n’avait pas assimilé le décalage horaire. Le médecin avait pris une petite pilule blanche avant de dormir, mais Ange n’avait pas pensé en avoir besoin, tellement il était crevé en revenant à l’hôtel. Les yeux grands ouverts regardant le plafond, il repensa à la soirée précédente, à la main de Michelle massant son sexe sous la table. Cette image dans son cerveau provoqua rapidement une forte érection.
Il se leva sans bruit, sachant qu’il ne dormirait plus, et se dirigea vers la salle de bains à la lueur d’une petite veilleuse de sécurité bleutée. Après avoir fermé la porte pour ne pas déranger Philippe, il alluma la lumière et prit une longue douche. Ne sachant trop que faire, il revint dans la partie « salon » de la chambre et prit son mobile pour raconter sa première journée à Julie. Il était un peu plus de midi à Paris en ce dimanche de Pâques mais Julie n’avait rien prévu pour cette journée. Après quelques échanges de textos au travers desquels Ange avait décrit ses premières impressions ainsi qu’une version à peine édulcorée de leur soirée, Julie proposa de basculer sur FaceTime. Ange lui demanda un moment, le temps d’enfiler un pantalon et un T-shirt et de se glisser hors de la chambre, sur la galerie extérieure.
La température de la nuit était encore très douce et Ange se sentit bien, malgré la rumeur incessante de la ville et du freeway passant à proximité. Son téléphone vibra dans sa main quand Julie l’invita pour le vidéo chat. Ange reconnut le décor de leur appartement en arrière-plan, puis Julie entra dans le champ, vêtue d’un simple peignoir de satin blanc.
— Alors cette vieille garce nymphomane a essayé de séduire le beau policier français ? Tout ça parce qu’elle avait des gros nénés.
Tout en discutant à voix basse avec sa compagne, Ange était descendu au niveau de la piscine et s’était installé sur un transat.
— Il faut bien que je te donne une petite compensation.
Sur le petit écran, Ange vit Julie dénouer la ceinture et faire tomber le vêtement. Elle apparut entièrement nue.
— Regarde bien mon amour.
L’image devint floue avant de se préciser sur un plan plus serré. Le point de vue était moins stable, Julie devait tenir l’appareil à la main tout en se caressant.
Sur l’écran, le cadrage s’affolait. Sous l’effet de son excitation la jeune femme perdait le contrôle. Dans ses écouteurs, Ange percevait la respiration qui s’accélérait, les soupirs de plaisir jusqu’au râle final quand Julie fut vaincue par l’orgasme.
— À ton tour maintenant.
Tout en regardant sa maitresse sur le petit écran, Ange jeta un rapide coup d’œil autour de lui. La nuit était encore noire. Personne en vue. S’il y avait des caméras de surveillance, elles n’étaient surement pas équipées pour la vision nocturne.
— Vas-y mon amour, maintenant, pour moi.
Ange resta un moment après la fin de la conversation à somnoler au bord de l’eau. Lorsqu’il remonta à la chambre, il se rendit compte qu’il était sorti sans la clé magnétique. Il ne voulait pas réveiller le veilleur de nuit et frappa doucement à la porte. Après la deuxième tentative, alors qu’il s’apprêtait à appeler le mobile de son ami, la porte s’ouvrit sur un Philippe ensommeillé. Ange dut lui expliquer la situation, en n’omettant aucun détail. Les deux hommes étant tout à fait réveillés, ils décidèrent de prendre leur petit-déjeuner très tôt et de partir ensuite pour la journée.
Le jour commençait à poindre quand ils sortirent de l’hôtel pour trouver un diner ouvert. Ils n’eurent pas besoin d’aller très loin, une enseigne éclairée leur indiquait un établissement ouvert 24/7. Lorsque la serveuse leur eut apporté une portion d’œufs brouillés, de bacon et de saucisses, Philippe consulta la carte sur son mobile pour établir l’itinéraire de la journée.
— J’ai trouvé un magasin Boot Barn, c’est à Santa Clarita. Là, on trouvera ton bonheur. Ça nous donnera l’occasion de faire un peu d’autoroute. On va aller chercher l’I-5 vers le nord, puis Antelope Valley Freeway jusqu’à Canyon Country. Ensuite, on prendra à l’ouest jusqu’à Ventura et retour vers Malibu par la Pacific Coast Highway. John Freeman nous a proposé de passer en fin de journée.
La météo s’annonçait aussi agréable que le jour précédent et les deux motards purent se contenter de vêtements légers. Jeans et T-shirts. Philippe portait en plus son gilet de cuir avec l’insigne du Dream Vallée Chapter brodé dans le dos, signe de reconnaissance international des propriétaires de Harley Davidson.
L’Interstate 5 constitue la principale route quittant l’agglomération de Los Angeles vers le nord, en direction de San Francisco et Sacramento. C’est donc un axe particulièrement fréquenté à toute heure du jour et de la nuit. Philippe entra l’adresse de leur destination dans le GPS de la moto et recommanda à Ange de ne pas le perdre de vue. Le policier prit un peu de temps pour se familiariser avec les instruments du large tableau de bord, en particulier la radio équipée pour recevoir les programmes Sirius XM par satellite. Après avoir sélectionné une station spécialisée en musique Country, il fit signe à Philippe qu’il était prêt et les deux Road Glide s’engagèrent dans les rues encore calmes de Hollywood pour rejoindre l’autoroute.
Ange ne s’attendait pas à voir des routes aussi larges et des échangeurs aussi compliqués. A certains endroits, le trafic se divisait en une chaussée à trois voies pour les seuls camions, et une autre à six voies pour les voitures. Deux de ces voies étaient réservées au carpooling, pour les véhicules contenant au moins deux occupants. Les panneaux indicateurs de direction étaient à l’image de cette complexité et rester dans la bonne direction n’était pas évident. Heureusement, le trafic assez dense n’autorisait que des vitesses modérées et les motos, assez peu nombreuses, roulaient en file comme les voitures.
Assez rapidement la route monta assez fort pour leur faire franchir les premiers contreforts de la Sierra avant de redescendre vers Santa Clarita.
Le magasin venait à peine d’ouvrir quand les deux hommes arrivèrent sur le large parking quasiment vide. En entrant, Ange perçut une agréable odeur de cuir en découvrant le choix incroyable de modèles proposés à la clientèle. Des bottes de tous styles étaient déclinées dans toutes les tailles, le long de rayonnages à perte de vue. Il y avait là de quoi chausser hommes, femmes et enfants, pour le travail, pour la chasse ou pour la ville. Une jeune femme vint à leur rencontre immédiatement, proposant son aide pour les guider dans leur choix. Philippe la remercia en expliquant qu’ils allaient d’abord se faire une première idée, mais qu’ils ne manqueraient pas de solliciter son aide le moment venu.
— Je m’appelle Jessica.
Ange, plutôt habitué aux magasins français où l’on cherche en vain un vendeur en fit la remarque à son ami.
— Ici, les employés sont toujours très prévenants et s’inquiètent de la satisfaction du client. C’est dans leur culture mais ce n’est pas complètement désintéressé. La petite aura un bonus si tu achètes et que tu te souviens de son prénom à la caisse.
Ange rechercha d’abord le rayon proposant les bottes « motard » mais son ami l’incita plutôt à choisir un modèle Western, plus typique.
— Celles-ci, tu auras envie de les porter plus souvent, même à Paris.
Après avoir choisi le secteur correspondant à sa pointure, Ange porta son attention sur un modèle assez simple, au talon de hauteur raisonnable, de couleur fauve. La tige était décorée d’un motif brodé assez discret pour ne pas trop se remarquer sous un pantalon couvrant.
Ange prit la paire dans le rayonnage pour l’essayer. À sa surprise, il lui fut difficile de l’enfiler.
— C’est pourtant ma pointure.
Jessica qui ne les avait pas perdus de l’œil revint à ce moment à la rescousse.
— How can I help you ?
Ange essaya tant bien que mal d’exprimer son problème. Philippe s’amusait de la situation. La jeune femme expliqua que ces formes de bottes existaient dans différentes tailles, et pas seulement différentes pointure et partit rechercher un autre modèle.
Ange n’eut aucun mal à entrer dans celles-ci et fit quelques pas pour juger le confort. Il se trouvait tout à fait à son aise et revint pour les ôter. La manœuvre se révélant un peu difficile, Jessica s’accroupit aux pieds de Ange pour lui venir en aide.
Ce faisant, elle offrit à ce dernier un joli point de vue sur son buste sous sa chemise western. La vendeuse était habillée dans un style correspondant à l’établissement. Elle portait un jean replié au niveau du mollet, très ajusté sur les fesses et une chemise à carreaux rouges et blancs à l’encolure largement ouverte. De courtes bottes à talons très inclinés et un gilet de cuir à franges complétaient la tenue. L’ensemble était plaisant et Ange avait bien remarqué le regard avisé porté par son ami sur le derrière joliment arrondi.
Ange essaya une autre paire avant de revenir à son choix initial.
Jessica les accompagna à la caisse où un garçon aussi jeune qu’elle leur proposa toute une série d’articles complémentaires, qu’ils refusèrent aimablement. Ange repartit les bottes aux pieds et les Nike à la main. Ils déclinèrent également la boîte en carton dont ils n’auraient eu que faire en moto.
Ainsi équipés, les deux amis reprirent la route vers l’océan, longeant la Santa Clara River jusqu’à Ventura où ils avaient décidés de déjeuner. N’ayant aucune raison de se presser, les deux hommes prirent tout leur temps, profitant du soleil bien établi à cette heure. Ange manifesta l’envie d’un « vrai » café, et Philippe dût lui expliquer qu’il n’était pas facile de trouver un bon expresso en Californie. Ils firent malgré tout une visite au Starbuck’s le plus proche où Ange s’offusqua lorsqu’il lut le prix demandé pour un médiocre ersatz de café italien. Il n’avait que faire d’un Latte ou d’un Frappuccino, il voulait juste un petit noir. Il lui faudrait sans doute attendre un moment avant de retrouver un café à son goût. Faisant fi de son désappointement, il finit malgré tout sa boisson en râlant pour la forme.
Philippe, de son côté, était radieux. Il retrouvait une région qu’il aimait, en agréable compagnie, en Harley et sous le soleil. Que demander de plus ?
Toujours sans se presser, ils traversèrent Oxnard pour finalement atteindre la Pacific Coast Highway qui les mènerait à Malibu, entre l’océan et la montagne.
De Mugu Canyon jusqu’à Malibu, la PCH s’étire sur une vingtaine de miles, coincée entre les Santa Monica Mountains et le Pacifique, entrecoupée de plages, envahies par les surfeurs ce dimanche après-midi. Peu après Malibu Canyon, la route est toute proche de la mer, juste séparée de la plage par une rangée de petites maison construites pratiquement sur le sable.
Philippe prit à gauche pour rejoindre la propriété des Freeman sur la hauteur.
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