Chapitre 30
30 avril, West Hollywood
John Freeman avait provoqué une réunion du comité de direction de la clinique pour informer ses associés et les managers du décès de Sam Page. Sam avait été une patiente de John et une amie de Shaina, mais la plupart des dirigeants avaient eu l’occasion de la rencontrer lors du lancement de la campagne de communication dont elle était l’incarnation.
La nouvelle de son décès soudain affecta tous les membres du comité, Sam avait une nature spontanément amicale et généreuse et savait s’attirer les sympathies des hommes, mais aussi des femmes qui passaient outre sa réputation sulfureuse.
Shaina remarqua que Steve McLay, le dernier chirurgien entré dans l’équipe médicale, était particulièrement touché. La jeune femme se demanda si son amie, cougar à ses heures, n’avait pas eu des attentions spéciales pour ce praticien prometteur au physique avantageux. Ana Polina, la seule femme à opérer à Sunny Vale s’inquiéta de l’impact de cet évènement sur la stratégie de communication de la clinique.
— Je ne pense pas qu’il soit décent de continuer à utiliser l’image de cette malheureuse dans une telle situation. La nouvelle va se répandre rapidement, Samantha Page était très connue dans notre clientèle.
John se tourna vers Linda Cho.
— Linda, c’est vous qui êtes en charge de la communication. Qu’en pensez-vous ?
— En effet, je suis d’accord avec Ana. Je vais faire retirer les photos de notre site et contacter notre agence pour la diffusion télé.
— Parfait, dit John, nous pouvons attendre un peu avant de chercher une nouvelle égérie. En attendant, sachez que la cause de la mort de Sam n’est pas encore connue et que la police de Los Angeles a ouvert une enquête. Vous êtes tous susceptibles d’être contactés par des détectives du LAPD.
Paul Sullivan, le quatrième praticien, s’inquiéta de cette démarche.
— Je ne pense pas qu’ils vous créeront d’ennuis, ils chercheront sûrement à savoir quelle était la nature des relations entre Sam et Sunny Vale. Renvoyez-les vers Shaina ou moi-même et n’hésitez pas à faire appel à vos avocats si vous le souhaitez.
Lorsque John revint à son bureau, il y trouva un message du conseil recommandé par Brigitte, Antonio Vargas. John le rappela immédiatement et Vargas répondit tout de suite.
— Bonjour, mon confrère Stanley Brass m'a contacté hier. Il m’a rapidement mis au courant de l’affaire, mais j’aimerais m’entretenir avec vous et avec votre épouse dès que possible, et je n’aime pas trop le téléphone pour cela.
— Bien entendu, je le comprends. J’ai encore un programme assez chargé à la clinique mais on peut se voir en fin d’après-midi. Préférez-vous à Hollywood ou à la maison, à Malibu ?
— Je passerai à la clinique, c’est plus commode pour moi. Quatre heures, ça vous convient ?
— Parfait, je vais avertir Shaina.
Après avoir raccroché, John traversa le couloir pour la rejoindre. Il ferma la porte et l’avertit de la visite de Vargas.
— J’espère qu’il est aussi bon que Brigitte le pense. Je n’aime pas du tout cette histoire, dit la jeune femme.
— Moi non plus je n’aime pas ça, et même si je ne crois pas que la police puisse réellement t’inquiéter, je ne suis pas rassuré de savoir qu’il y avait peut-être des manœuvres financières malsaines derrière Pacific Page Inc.
— Rassure-toi, nous n’avons aucun engagement avec eux. Je n’ai eu qu’une simple discussion avec Blankart, rien de concret. Si on avait dû aller plus loin, Stan aurait été impliqué dans les discussions et le conseil informé.
— Je ne te reproche rien, j’espère juste que nous n’avons pas mis le doigt dans une fourmilière. Bon, je dois y aller, j’ai des consultations. À propos, quand ma nouvelle assistante doit-elle commencer ?
— Est-ce que je devrais être jalouse, demanda Shaina ? Elle débute la semaine prochaine.
— Parfait, les dossiers s’accumulent, elle va avoir du travail. On se retrouve à quatre heures pour recevoir l’avocat.
Peu après seize heures, Antonio Vargas gara sa Pontiac Firebird noire, parfaite réplique du modèle 1982 de la série K2000, sur le parking de Sunny Vale. La réceptionniste l’annonça avant de le conduire jusqu’au bureau de John. Après avoir accueilli son visiteur, le médecin demanda à la jeune femme qui se retirait de prévenir Shaina. John invita son visiteur à prendre place à une petite table de réunion dans un angle du bureau. Shaina les rejoignit très vite, visiblement tendue.
Antonio Vargas était un petit homme plutôt rond, d’allure quelconque, pas du tout l’image que John se faisait d’une terreur des prétoires. Il portait un costume médiocre et défraîchi, la cravate desserrée.
L’avocat se présenta rapidement et économe de son temps, entra dans le vif du sujet.
— Stan Brass m’a présenté les grandes lignes mais je voudrais en savoir plus sur les relations entre vous et la victime, Samantha Page.
— Sam était mon amie. Elle s’est présentée ici comme patiente il y a quelques années et nous avons rapidement sympathisé. Nous nous retrouvions pour faire du sport, prendre un verre et discuter au bord de la piscine.
— Je suppose que vous étiez informée des frasques de votre amie. Il suffit de taper son nom dans Google pour être au fait de toutes ses extravagances, mais savez-vous si elle avait des liaisons plus suivies ?
— En effet, elle me confiait beaucoup de choses, y compris des histoires intimes, mais elle ne m’a jamais fait part d’une relation régulière. Par ailleurs, nous n’avons jamais participé à ses soirées. Nous ne sommes pas amateurs de ce genre de fêtes.
Disant cela, la jeune femme repensa à son impression un peu plus tôt, concernant le jeune Dr Steve McLay.
— Je présume que cette conversation est totalement confidentielle, ajouta Shaina.
— Bien entendu.
— Je me demande si le Dr McLay, l’un des associés de la clinique, n’avait pas quelques sentiments pour Sam.
John regarda sa femme avec un air surpris.
— Tu penses que Steve avait une relation avec Sam, elle a au moins vingt ans de plus que lui ?
— Après être passée ici, elle en paraissait quinze de moins, ça compense, répondit Shaina.
— Il me sera facile de vérifier, confirma Vargas. Parlez-moi de cette opération financière et de l’implication de Madame Page.
La jeune femme exposa le projet d’expansion de Sunny Vale et sa recherche de fonds pour financer le projet. Elle expliqua comment Sam Page avait introduit Phil Blankart et relata la discussion qu’ils avaient eue.
L’avocat fit la grimace en entendant le nom de Blankart.
— Si on parle bien du même Blankart, ce n’est pas bon. Cet homme a mauvaise réputation, et c’est un euphémisme.
— Sam m’a appelée samedi après-midi, elle voulait me mettre en garde. Elle avait dû découvrir quelque chose, mais elle ne m’a pas donné de précisions. Elle n’en a pas eu le temps. Voulez-vous dire que Blankart pourrait être à l’origine de sa mort ?
— Je ne dis pas cela, mais il ne faut pas l’exclure. Est-ce que Sam Page avait un rôle dans les affaires de Pacific Page Inc. ?
— Non, pas que je sache. Sam avait été actrice et n’avait aucune connaissance en finance ou en commerce. Elle passait ses journées à prendre soin d’elle et à organiser des fêtes.
— Si vous acceptez, je peux mettre ma collaboratrice sur le coup. Elle est très efficace et a beaucoup de relations au LAPD. Elle nous trouvera tout ce qu’on peut découvrir sur Blankart. Mais que les choses soient claires. Il ne s’agit pas de faire le travail de la police, je veux juste tout savoir pour pouvoir vous protéger s’ils viennent tourner autour de vous. Et c’est ce qu’ils feront s’ils ne trouvent rien d’autre pour expliquer la mort de Sam. Et à partir de maintenant, je renforce les consignes de Stan. Pas un mot à la police sans ma présence. Même au téléphone.
— C’est clair, dit John, et j’ai également suggéré à mes associés de renvoyer les policiers vers nous s'ils leurs posaient des questions relatives aux affaires de Sunny Vale. Je voulais aussi vous parler de nos amis français.
John expliqua la présence des quatre amis et leur intérêt spontané pour cette affaire. L’avocat ne parût pas enchanté jusqu’au moment où il apprit que c’était sur la recommandation de Brigitte qu’il avait été engagé.
— Dans ce cas, je crois qu’il est fondamental que nous puissions partager toutes nos informations et aligner notre stratégie.
— Voulez-vous venir à Malibu demain soir ?
— Entendu, je serai avec Cheyenne Lovett, mon enquêtrice. Je suis sûr que d’ici-là elle aura des informations sur Blankart.
John raccompagna l’avocat jusqu’au parking.
— Belle voiture, ça me rappelle mon enfance. Vous avez dû le sentir, Shaina est à cran. Nous avons besoin de vous pour démonter tout ça.
— Votre amie a bien fait de faire appel à moi. Vous pouvez me faire confiance.
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