Tablette Kelos
Les yeux enfin reposés, Ashron contemplait le plafond au-dessus de lui. Sans cauchemar, cet hweld’acec fut le meilleur depuis des heolkards. Mais lassé par le monochrome du pan qu’il fixait, il se leva et sortie de sa chambre. Dans le couloir, son chemin croisa celui d’un eraié qui lui était inconnu. Arrivé à son niveau, ce dernier ne baissa pas les yeux.
C’était assez nouveau.
Lavé et après un rapide crochet par sa chambre pour se rhabiller, Ashron descendit prestement. En bas des marches, les cris d’enfants résonants derrière la porte le firent hésiter. Il marqua un temps avant de se lancer, puis ouvrit la porte.
Une vision presque apocalyptique s’offrit à lui: Une déferlante incontrôlable d’enfants qui couraient, jouaient, sautaient et criaient dans tous les sens inondaient la pièce pourtant si paisible la veille. D’un compte rapide, Ashron en calcula triéxié. Une jeune eraiéé aux yeux noisette, couleur confondus avec ses cheveux ébouriffés, multipliait les subterfuges pour les calmer. À la vue d’Ashron, elle stoppa ses vaines tentatives.
« Tu veux pas m’aider plutôt que de rester planter là ?
— Je ne suis pas certain d’être très utile.
— Il suffit de crier un bon coup avec un air impressionnant. Ça devrait être dans tes cordes ? ironisa-t-elle en le toisant»
D’un pas hésitant, l’ancien Exetra Prime se dirigea vers une petite table au milieu de la pièce. Puis, avec toute sa bonne volonté, son poing se leva pour ensuite se rabattre. Dans un fracas qui surprit tout le monde, le meuble explosa en éclats, chaque morceau s’éparpillant dans la pièce.
Puis le silence se fit.
« Vous faites trop de bruit. » dit maladroitement Ashron, raidit comme un pique au milieu de tout le monde.
Aucune réaction, hormis quelques sanglots et chuchotements imperceptibles, n’émergea de l’assistance médusée. Ashron appela l’eraiéé à l’aide du regard mais elle ne bougeait pas.
Puis elle pouffa.
« C’est lui ! C’est lui ! cria Filius qui s’était remis de son escapade de la veille.
— C’est lui qui t’a sauvé hier ? demanda un des enfants.
— Il a l’air méchant ! rétorqua un autre.
— Mais non, il a l’air fort ! répliqua un petit enfant situé derrière Filius.
— Il a l’air bizarre ! ajouta un autre assis au sol.
— Il a l’air gentil ! contredit une enfant qui jouait prêt de la porte.
— Il a l’air bête ! conclut un enfant qui fixait Ashron depuis son entré dans la pièce.
— Stop les monstres ! » hurla l’eraiéé qui peinait encore à contrôler son rire
Tous arrêtèrent d’adjectiver Ashron par les mots passant par leur tête et de nouveau, le silence se fit.
« Ne t’en fait pas pour la table, tu n’auras qu’à en fabriquer une autre.
— En fabriquer une autre ? répondit Ashron gêné.
— Tu y arriveras… répondit-elle en se moquant. Je suis Nelia. J’aide Vallia ici, à l’emzivaded.
— Enchanté. Je suis…
— Pas la peine…Evite de te répandre sur ton identité. Etant l’ennemi de l’Harzerezh et de la Komunozhra, il vaut mieux faire profil bas.
— Je m’en souviendrais. Où est Vallia ?
— Partie chercher nos rations de l’heolkard. L’estemm se trouve au centre du village. Tu devrais trouver ton chemin.»
Après avoir remercié Nelia pour ses indications, Ashron se hâta de sortir, évitant ainsi les questions qui commençaient à fuser à son sujet. Dehors, le calme des rues trancha avec ses habitudes d’adraisé. L’absence des exetras, de l’Airways, des routes encombrées d’aerliestrs et de la foule rendait Yvalis apaisante.
Arrivé devant l’estemm, une longue file d’eraiés en attente de ses rations n’aida pas Ashron à trouver Vallia. Il décida finalement d’attendre et ses pas le menèrent sur un banc. Au bout d’un long moment d’ennui, l’eraiéé émergea de l’attroupement bruyant et, à la vue d’Ashron, elle traina son sac remplis de vivre pour le rejoindre.
« Bien dormi ? lui dit-elle.
— Oui, cela faisait bien longtemps. Sont-ils au courant que tu t’occupes d’un emzivaded ? répondit Ashron en fixant le sac de vivres bien maigre.
— Ils m’assurent ne pas avoir plus à me donner. »
Soudain, un eraié venant de la foule, le pas pressé, interrompit leur paisible discussion.
« Vallia ! héla-t-il d’une grosse voix enrouée.
— Oh non, pas lui.
— Qui est-ce ? demanda Ashron en fixant l’imposant eraié qui se dirigeait vers eux.
— Le propriétaire de l’emzivaded, Kelos. répondit Vallia, en tournant le dos à ce dernier.
— Vallia, cesse de m’ignorer.
— Tu viens quémander ta part ? demanda Vallia qui se résigna à lui faire face.
— Je ne quémande rien. Je récupère ce qui me revient de droit !
— Même si tu enlèves la nourriture de la bouche d’enfants ?
— Les temps sont durs pour tout le monde. L’eskemman impose de se débrouiller par soi-même, rétorqua l’eraié en approchant la main du sac de vivres. »
L’instant d’après, tel un courant d’air seulement perceptible d’une caresse, Ashron était entre Vallia et Kelos. Sa froide lame plissait la peau de la gorge de l’eraié. Son regard assassin, celui de l’Exetra Prime, le fixait de ses iris azurés.
« Range ta main, dit-il froidement. »
La bouche de Kelos était immobile depuis que l’arme lui glaçait la gorge. Aucun son ne pouvait en sortir, la peur l’empêchant de faire vibrer ses cordes vocales. Mais c’était les yeux d’Ashron qui lui refroidissait le plus le corps. Ses jambes tremblaient à la vue du regard bleu et gelé qui le toisait.
« Relâche le, lui dit Vallia en posant la main sur son bras armé, il vient réclamer son dû. C’est ainsi. »
Ashron retira sa lame et recula d’un pas. Mais son regard ne dévia pas. Tentant de faire bonne figure, Kelos se tourna vers Vallia en tremblant.
« Tient, ça devrait suffire, lui lança-t-elle après avoir sorti plusieurs boites de son sac »
Sans dire un mot, Kelos prit les boites de vivres et repartit d’un pas rapide à l’opposée d’Ashron et de Vallia. Mais il sentait que le regard de l’Exetra était toujours sur lui. La peur l’empêcha cependant de se retourner pour vérifier.
« Il a eu la crainte de sa vie, dit Vallia sur un ton moqueur, laissant enfin le loisir à Ashron de revoir son sourire. C’était un peu brutal mais… Merci. Repartons à l’emzivaded, Tu m’accompagnes ? »
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