À travers les vitres de l’engin traversant les pourpres canyons, le défilé de roche hypnotisait les yeux de Vallia. Son regard fut attiré par la faune agressive luttant pour sa survie, la moindre chair étant une denrée plutôt rare dans les environs.

Soudain, une imposante bête surgit devant le véhicule, forçant Haria à la manœuvre d’urgence. Immobilisé, l’aerliestr était la cible facile de la créature aux longues cornes parsemées de sa tête à son dos. Massives, ses pattes se décalèrent sur le côté, ses yeux scrutant le moindre mouvement de son adversaire d’acier.

Ashron fut le premier à sortir en conseillant aux autres de rester à l’intérieur. Le pas à velours et les mains levés, comme pour signifier une reddition, il avançait vers la bête.

Mais elle s’élança sur lui.

Avec célérité, l’ancien Exetra Prime esquiva, puis laissa Aerouantskorn prendre forme pour que les quatre gueules gelées attrapent chacune une patte. Rapidement, il sauta sur le dos de la créature, attrapa sa grande lame avide de chair et d’un geste ferme, lui sectionna la tête.

Puis il retourna dans l’aerliestr sans dire un mot.

Le défilé de roches dura encore un long moment, à l’abri du puissant Heolar grâce aux hautes gorges arides du canyon. A sa fin, enfin la mégalopole du continent de l’ura fut en vue.

« Garons-nous hors de Solaris Urania. La technologie d’amatia est interdite en son sein, précisa Ashron.

— Et pourquoi? demanda Sirux.

— La pollution d’amatia. Les Isyliardiés ne souhaitent pas voir les déchets produit par ce qu’ils vendent à tout Era. »

Haria suivit les conseils et se rendit vers une immense esplanade remplie d’aerliestrs garés en rang. A partir d’ici, tout déplacement se feraient à pied ou en réseau de district, des airways miniatures permettant le transport collectif à l’intérieur des murs de Solaris.

Maintenant à pied, les cinq harzerezhiés pénètrent dans les rues périphériques de la cité de l’Heolar.

« La criminalité sur Isyliard est inexistante, expliqua Ashron sur un ton presque professoral. Ici, la Komunozhra est bienveillante avec les Isyliardiés acquis à sa cause.

—Tu sembles bien connaître Isyliard ? demanda Sirux en fixant l’azur du ciel vierge de nuage.

—Avant l’Exetranen, mon travail m’imposait de fréquents déplacements ici. C’est d’ailleurs durant un de mes voyages que j’ai rencontré... commença Ashron avant de porter sa main au visage. »

Une intense douleur, vive et pulsatile, suivi de flashs éblouissant les yeux de l’ancien Exetra Prime l’immobilisèrent, avant que ses jambes ne le forcent à poser un genou au sol. Le voyant ainsi, Vallia se précipita pour l’empêcher de vaciller, devançant Mayelle qui ne put que lancer un regard vexée à l’eraiéé.

« Ça va ? demanda Vallia en l’aidant à se relever.

— Je ne sais pas. J’ai mal à la tête… balbutia Ashron avant de reprendre peu à peu ses esprits. Mais la douleur s’estompe.

—Trouvons un endroit pour nous poser, proposa Guidomex en balayant du regard les rues. »

L’eraié remarqua une place au loin. Il proposa de le suivre en quête d’une etavarna pour boire et se restaurer. En avançant dans la rue parfaitement carrossée et propre, il vit l’effervescence qui animait les rues. Etait-ce habituel ou un événement spécial allait-il avoir lieu ? se demanda-t-il. Soudain, la réponse à sa question s’afficha devant lui : Des banderoles colorées, répétant inlassablement « La bienheureuse Exetranen» lui rappela que la date de commémoration de cet horrible évènement approchait.

Après avoir arpenté toute la rue aux maisons parfaitement alignées et désordonnément colorées, le groupe pénétra sur la place pour voir, parmi une multitude d’estemms aux étales fournies et répandues, une etavarna prise d’assaut.

« Pas la peine d’essayer d’entrer. »

Continuant à s’enfoncer dans les méandres de la mégalopole chaude et lumineuse, chacun laissa ses yeux se poser sur l’architecture de Solaris Urania. Des magnifiques maisons au toit plat, colorées et bordées par de luxueux jardins, croisaient leur chemin. Sur chaque place traversée, de l’eau jaillissait de fontaines sculptées dans les roches d’Isyliard, de grands arbres aux longues et plates feuilles se dressaient en apportant une fraicheur bienvenue au regard de la chaleur écrasante.

De ses puissants rayons lumineux, l’Heolar écrasait chaque rue et chaque place, ondulant parfois la vue des aliardiés qui n’était pas habitués à de telles températures. Continuant à arpenter la citée à la recherche d’une etavarna, ils remarquèrent certains bâtiments autrefois utilisés comme lieux culturels et d’apprentissage, chères aux Isyliardiés, reconvertis au profit des Exetras.

Enfin, après avoir sué des litres d’eau, une petite etavarna surgit au coin d’une rue désertée. Alors qu’il s’en approchait, les flashs que ressentaient Ashron lui assaillirent de nouveau la tête. Reposant sa main sur son front, son poids fit vaciller Vallia qui l’aidait à marcher depuis sa première crise.

« Ne perdons pas de temps, dit Vallia en pressant le pas vers la porte du petit bâtiment. »

L’entrée franchit, l’eraiéé conduisit Ashron à la première table disponible, tandis que Sirux commandait à manger et à boire. Silencieux, l’etavarnié s’exécuta pour satisfaire ses clients sans même leur adresser un regard.

Soudain, les yeux d’Ashron de nouveau capable de faire le point se posèrent sur un eraié aux cheveux bruns mi longs. Comme hypnotisé, son esprit força ses yeux à croiser son regard et ses iris se fixèrent sur les grises du visage androgyne qui le toisait, sourire aux lèvres. D’instinct, il se leva pour saisir Ragnarok vers l’inconnu.

« Cette arme… Cela faisait bien longtemps que je ne lui avais pas fait face. »

S’écartant de celui ayant prononcé ces mots, les harzerezhiés portèrent les mains vers leurs lames.

« Qui est-ce ? demanda Vallia à Ashron.

— Serath… »

Le nom de l’eraié contre qui Hatameth les avaient mis en garde revint à la mémoire de Vallia, l’incitant à baisser ses mains.

« Ashron ? Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Guidomex interloqué par la scène qui se jouait.

— Pourquoi ne pas leur expliquer Ashron ? Pourquoi ne pas leur dire qui je suis ? répondit Serath en avançant vers eux. »

Tétanisé et la tête le faisant encore souffrir, Ashron resta immobile, Ragnarok tendue vers son ancien ami. Dans son esprit ne cessait d’affluer les paroles d’Hatameth, perturbant la décision qu’il devait prendre. Il le fixa alors, et vit l’immense épée fine que tenait sa main gauche.

Relevant les yeux, Ashron remarqua Ismaia à ses côtés. « Comment pouvaient-ils savoir ? se demanda-t-il pour la énième fois. Résigné, forcé par son esprit qui avait déjà abandonné, l’ancien Exetra baissa l’imposante lame en signe de reddition.

« Ashron, que fais-tu ? lui cria Sirux.

— Nous ne pouvons rien contre lui, lui répondit-il, les yeux implorant ses compagnons de l’écouter. »

Mais l’eraié aux cheveux grisonnant ignora le conseil et s’élança sur Serath qui disparut à l’instant où il attrapa sa masse d’amatia. Puis le sang de ce dernier se répandit au sol, la chair tranché par la lame de son ennemi maintenant derrière lui.

Au battement de cil suivant, il se dressait face à Guidomex pour enfoncer sa fine arme dans le bras droit et l’empécher d’attraper une de ses driaxes. L’instant d’après, sa main avait saisi le bras d’Haria, et l’autre fit levier pour lui briser le membre et l’immobiliser au sol.

Vallia regardait, incapable de discerner les mouvements de l’adversaire. Ses yeux pourtant habitués par l’impressionnante célérité d’Ashron n’avaient rien vu et rien compris.

« Maintenant que votre attention m’est acquise, nous allons pouvoir parler un peu. Ismaia, dispose d’eux mais laisse-moi Ashron et ces deux eraiéés, annonça Serath en pointant du doigt Vallia et Mayelle. »

Plusieurs exetras firent irruption pour saisir les harzerezhiés. A l’extérieur, deux aerliestrs les attendaient, les moteurs d’amatia fumant, pour les conduire à l’apalez peniezhunié de Solaris Urania.

« Que veux-tu à Mayelle et Vallia ? demanda Ashron en montant dans l’un des engins bruyant.

— Comprendre, répondit calmement Serath, le regard soucieux. Tu ne te souviens vraiment de rien ? Nous avons si bien œuvré?

— Mes souvenirs perdus seraient ton œuvre ?

— Chaque chose en son temps mon ami. »