Tablette Mephistophélès

6 minutes de lecture

Essoufflé par les piecs parcouru, Guidomex courait vers le seul bâtiment encore intact. Derrière lui, une dizaine d’exetras le poursuivaient depuis sa fracassante incursion dans le Purgatoré du district ira. Il avait dû improviser sa fuite après avoir détruit la pierre de Via que ses poursuivants protégeaient farouchement.

Soudain, jaillissant de l’intersection à sa droite, cinq exetras armés de leurs lames le stoppèrent dans sa course.

« J’en peux plus ! souffla-t-il en posant ses mains sur ses cuisses. »

L’instant d’après, un des exetra s’élança sur lui. Mais au moment de le frapper, sa tête quitta son corps, sectionnée par une gigantesque hallebarde. Juste derrière, Liegor apparut en riant puis se retourna pour attaquer les autres.

La confrontation fut rapide.

« Ça va ? lui demanda-t-il le regard amusé.

— J’ai besoin de reprendre ma respiration. Et il y en a encore derrière moi.

— Laisse-moi faire !»

Reprenant appui sur ses jambes, Guidomex dépassa l’omiardié pour rejoindre l’intérieur du bâtiment. À peine la porte franchie, Haria lui sauta au cou et faillit le faire trébucher.

« T’en as mis du temps !

— Je me suis fait surprendre.

— Comment ça se passe dehors ? demanda Sirux en l’aidant à s’assoir.

— Le centre de la citée est de nouveau sous le contrôle de la Komunozhra. Et cette énorme bête hideuse tue tout ce qui s’approche à moins de deux cent piecs. Les exetras jaillissent de partout dans les districts.

— On fait quoi alors ? s’inquiéta Hellie.

— Nous devons rejoindre les autres pour progresser vers le centre et tuer cette chose. Car c’est là que se trouve la dernière pierre de Via, celle de l’Alter.

— Et Serath ? demanda Haria. C’est lui qui contrôle cette créature et la pierre non ?

— Nous devons à tout prix l’éviter. Il est trop dangereux. Ashron s’en occupera, nous devons lui faire confiance, répondit Sirux en sursautant à l’entrée fracassante de Liegor.

— La voie est libre dehors.

— Allons-y ! Rejoignons les isyliardiés et les omiardiés. »

D’un geste rapide, Sirux sortit son apelligomzi pour querir les nouvelles auprès des autres troupes stationnées dans Adrais. En entendant que chacun avait détruit ses objectifs assignés, l’ordre fut donné de se coordonner vers le centre pour reprendre l’apalez.

Prudemment, les harzerezhiés avançaient dans les rues dévastées de la Cité des Cieux. Dans une formation en file couvrant la largeur des rues, leur progression ne fut que peu perturbée. Seuls les gravats d’immeubles et habitations détruites les obligeaient parfois à bifurquer.

Une odeur de chair brulé avait envahi l’air que chacun respirait. Des cadavres, mélange de victimes exetras et eraiés, jonchaient les trottoirs, chaussées et amas de débris qu’ils traversaient. Soudain, dans cette atmosphère poisseuse de mort, la chimère de Serath qu’il nomme Méphistophélès apparut au-dessus des ruines. La vue de cette chose, avec sa tête difforme à la peau fripée et ornée d’un bec en guise de gueule, provoquait nausée et dégout. Son long cou était supporté par un buste putride planté dans le sol. Ses bras, immensément maigres, étaient enchainés contre ce dernier et suintaient un liquide jaunâtre et nauséabond. En s’approchant, Hellie eut un haut le cœur devant les détails que ses yeux apercevaient.

Aux abords de l’apalez, Sirux stoppa l’avancé en voyant les dégâts provoqués par la chimère. La coordination étant essentiel à sa neutralisation, il activa son apelligomzi pour planifier l’affrontement. Un assaut sur de multiples fronts déstabiliserait les attaques télé kinésiques de l’invocation.

« Tout le monde est prêt ?

— Penses-tu vraiment que nous allons y arriver ? demanda Guidomex dont le doute émergeait à la vue des exetras sur la place.

— A-t-on le choix ? Si nous perdons ici, Era est perdue.

— Cessez de geindre ! Tous ceux présents ici poursuivent le même but. Ensemble, nous allons détruire la Komunozhra ! coupa Haria qui cherchait à cacher son anxiété.

— Tu as raison, répondit Sirux en balayant du regard les eraiés qui s’apprêtaient à donner l’assaut sur son ordre. On y va ! ».

Aussitôt ces mots prononcés, les troupes eraiéés firent irruption sur la grande place par trois côtés différents : L’ara pour les isyliardiés, l’ura pour les aliardiés et l’ira pour les omiardiés. En un instant, le regard meurtrier de Méphistophélès se posa sur eux et ses attaques débutèrent. L’hideuse invocation lançait des projections de Via depuis ses orbites vitreux, désintégrant toutes victimes touchés par les assauts télé kinésique. Slalomant entre les impacts au sol, les harzerezhiés arrivèrent les premiers sur les exetras.

La dernière bataille débuta.

Driaxes en main, Guidomex occis plusieurs exetras à la fois avec sa dextérité habituelle. Lui emboitant le pas, des griffes ornant ses mains habiles, Haria utilisa ses attaques de corps à corps pour en neutraliser d’autres, tandis que Hellie la soutenait avec ses puissantes hahuds élémentaires. Fermant la marche, Liegor et Sirux laissaient parler leur force brute en balayant ceux osant les approcher. Derrière eux, le reste des eraiés engagèrent le combat, hurlant leur conviction pour se doter du courage nécessaire à un tel assaut.

Mais les attaques de Méphistophélès commencèrent à diminuer leur force de frappe. Une cinquantaine d’eraiés gisaient déjà au sol, victimes des projections de Via, et ce nombre ne cessait de croitre à mesure que les instants s’écoulaient.

« Nous devons continuer ! Si nous fuyons maintenant, c’est fini ! s’écria Rouxen qui voyait certains eraiés en proie au doute.

— Il a raison ! coupa Liegor avant de remotiver les troupes. Restez constamment en mouvement pour éviter les attaques de cette chose ! ».

La lenteur de Méphistophélès rendait possible l’esquive de ses assauts à condition de rester le plus mobile possible. Suivant ses conseils, chacun transforma l’immobilisme en mouvement pour reprendre le dessus sur les exetras.

Tout à coup, Sirux remarqua une faille et grimpa sur le dos de la chimère de plusieurs bonds maitrisés, rapidement précédé par Liegor et Guidomex. Puis les trois eraiés se positionnèrent autour de son long cou défraichi et, parfaitement coordonnés, attaquèrent pour mettre fin aux assauts dévastateurs.

Sirux imprégna sa masse de toute la Via en lui, Guidomex enveloppa ses driaxes de sa rage et Liegor frappa sa hallebarde de sa force brute. Mais au contact de l’hideuse chimère, chacune de leurs armes vola en éclat, brisée par une force aussi invisible que puissante.

En contrebas, les yeux déçus d’Haria fixèrent la défaite. Puis ils se dirigèrent vers l’eraié positionné sur la tête de Méphistophélès, les bras croisés et les fixant de haut.

« Serath ! Il protège cette chose ! cria-t-elle à ses compagnons. »

Brusquement, Méphistophélès brisa ses chaines dans un funeste fracas métallique et le mouvement de ses interminables bras fit chuter les trois eraiés. En se relavant, Guidomex balaya le champ de bataille l’entourant pour voir la moitié des eraiés au sol. Certains survivants prenaient la fuite, d’autres subissaient les assauts ennemis et quelques-uns avaient abandonné le combat, lames aux pieds. Aussi brisé que ses driaxes, il leva les yeux vers Serath pour voir un visage souriant qui les toisait. Dans un geste désespéré, il chercha Haria pour la protéger, ne sachant que faire d’autre. A ses côtés, Sirux en fit de même pour Hellie, tandis que Liegor utilisa son imposant corps pour mettre deux jeunes eraiés sous sa protection.

Après avoir posé ses deux gigantesques mains squelettiques autour de la grande place, Méphistophélès baissa la tête pour découvrir sa gueule. Une imposante sphère de Via s’aggloméra devant la rangée de crocs pourris, prête à être expulser pour mettre fin à l’Harzerezh.

L’instant d’après, la boule hudique prête à tuer tous les eraiés disparut dans un amas de confettis azurés se rependant dans la place. Enveloppée par le ballet de paillettes aux tintements apaisant, Méphistophélès resta immobile, ancrée sur ses mains posées au sol.

Soudain, sous son grand corps squelettique, un violent impact attira le regard de Guidomex. Fixant la chimère à la peau cadavérique, il remarqua une fine ligne ensanglantée enlaçant son cou. Lentement, l’odieuse tête se détacha pour lourdement tomber à côté de leur position.

Puis émergeant d’un néant salutaire, un halo lumineux se matérialisa pendant que la chimère se désagrégeait. De sa lueur chaude et apaisante, le cercle enveloppa tous les eraiés pour soigner cicatrices et blessures. Une larme de joie roulant sur sa joue, Haria posa sa main sur celle que venait de mettre Vallia sur son épaule.

« Mais où étiez-vous ? lui demanda-t-elle en sanglotant.

— Nous sommes là, tout va bien.

—Ashron ? demanda Guidomex.

— Là. »

Debout sur un bâtiment adjacent à la place, Ashron tenait fermement son immense lame aux ornements esgardiés. La lame ruisselante du sang de Méphistophélès, Ragnarok luisait de la Via qui l’enveloppait. Ses yeux, d’un azur ne laissant place à aucune autre couleur, fixaient l’ennemi dont le sourire s’était effacé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire lockeff ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0